Très critique sur la gestion du maintien de l’ordre lors de la mobilisation du 25 mars à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, la Ligue des droits de l’homme (LDH) a été la cible d’un avertissement à peine voilée de la part de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Le coup est d’abord venu de la droite sénatoriale. Lors de l’audition du ministre au Palais du Luxembourg, ce mercredi 5 avril, précisément sur les violences qui ont émaillé ce rassemblement contre la construction d’une méga-bassine, François Bonhomme, élu LR du Tarn-et-Garonne, a interpellé le locataire de la place Beauvau sur les prises de position de la LDH. « La ligue des droits de l’Homme est financée sur fonds publics. Il faut cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l’Etat – elles dénoncent un Etat policier, une violence systémique. On finance ces associations qui n’ont rien à voir avec l’Etat de droit, quoiqu’elles en disent », s’est agacé le sénateur. En réponse, Gérald Darmanin a estimé que la subvention publique perçue par la LDH « mérit[ait] d’être regardée ».
Que le ministre de l’Intérieur puisse envisager, même de très loin, de menacer les financements d’une association qui a été créée en 1898, pendant l’affaire Dreyfus… Permettez-moi de penser que l’on est en train de dépasser les bornes !
« Je ne connais pas la subvention donnée par l’Etat à la Ligue des droits de l’homme, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées », a déclaré le ministre. Une forme de menace ? En tout cas ces propos ont suffi à faire bondir la gauche. « La droite sénatoriale a le droit, dans une logique de polémique, de chercher ce qui peut fâcher. Mais que le ministre de l’Intérieur puisse envisager, même de très loin, de menacer les financements d’une association qui a été créée en 1898, pendant l’affaire Dreyfus… Permettez-moi de penser que l’on est en train de dépasser les bornes ! », s’est agacé Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat, à notre antenne.
« J’appelle le ministre de l’Intérieur à avoir un peu de mémoire sur ce que représente la Ligue des droits de l’homme pour la défense des droits », a-t-il ajouté. Sur Twitter, la réponse de la Ligue des droits de l’homme aux propos de Gérald Darmanin ne s’est pas fait attendre. « Monsieur Darmanin, nos infos financières sont en ligne », rappelle la LDH, qui renvoie également le ministre au formulaire internet qui permet d’effectuer un don à l’association. « Les actions qui ont pu être menées par la LDH depuis plus de 120 ans sont la défense des droits et libertés de toutes et tous, ne vous en déplaise, en particulier la défense de la liberté de manifester mise à mal par votre politique de maintien de l’ordre », ajoute l’organisme.
Sur le front social…
Autre événement politique de ce mercredi 5 avril : la rencontre entre Élisabeth Borne, la Première ministre, et les représentants de l’intersyndicale mobilisée contre la réforme des retraites. Une entrevue qui s’est soldée par un échec. Alors que le gouvernement souhaite avancer sur d’autres sujets liés au travail, dans le cadre de l’élaboration de son projet de loi « plein emploi », les syndicats refusent de participer à toute discussion tant que le report de l’âge légal de départ à la retraite n’aura pas été retiré. « Les désaccords sur l’âge n’ont pas permis de discuter de façon approfondie », a reconnu la cheffe du gouvernement depuis la cour de l’hôtel Matignon, assurant toutefois qu’elle « n’envisage[ait] pas d’avancer sans les partenaires sociaux » sur les questions liées au travail.
« Echec, fiasco… est-ce que je suis déçu du résultat ? Non, parce qu’il n’y avait rien à attendre d’une telle rencontre », a également réagi Patrick Kanner. « Ce qui est assez étonnant, et cela, je ne l’ai jamais vu même lorsque j’étais ministre, c’est que c’est un délégué syndical qui a arrêté la rencontre. C’est le signe d’une rupture de dialogue », relève l’élu. C’est en effet Laurent Berger, le patron de la CFDT, qui a choisi de mettre fin à l’entrevue avec l’accord des autres représentants syndicaux. Devant les journalistes, il a ensuite évoqué « une grave crise démocratique », ciblant l’obstination de l’exécutif à maintenir sa réforme malgré l’ampleur de la mobilisation sociale.
« C’est une impasse, mais qui a mis le pays dans cette impasse ? Il faut un geste symbolique, mettre en pause la réforme et reprendre ce dossier comme il aurait dû être lancé : c’est-à-dire parler d’abord d’une grande loi sur la place du travail dans la société. Cela n’a pas été le cas, et aujourd’hui nous avons un gouvernement qui ressemble à l’arroseur arrosé », conclut Patrick Kanner.