Paris : Cabinet meeting

Patrimoine, intérêts : comment et par qui les ministres sont-ils contrôlés lors des remaniements ?

Ce 9 janvier, Gabriel Attal a été nommé Premier ministre, après la démission d’Elisabeth Borne la veille. Il sera chargé de constituer un nouveau gouvernement. Les nominations des ministres pourraient avoir lieu en fin de semaine, car leurs profils devront d’abord être passés au crible.
Rose Amélie Becel

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Ce 9 janvier, l’Élysée a mis fin au suspense qui courrait depuis la veille avec la démission d’Elisabeth Borne, en nommant Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Mais il faudra attendre encore quelques jours pour connaître l’identité des futurs ministres, notamment car leur candidature doit être scrupuleusement étudiée. C’est notamment la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui se charge de cette mission.

Créée par les lois de 2013 relative à la transparence de la vie publique, cette autorité indépendante est chargée de trois missions : contrôler le patrimoine des responsables publics, éviter les situations de conflits d’intérêts et surveiller les reconversions entre les secteurs privé et public.

Son président, Didier Migaud depuis début 2020, est nommé par décret du président de la République pour un mandat de six ans. Ses douze autres membres, réunis au sein d’un collège, sont nommés par paires par le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, la Cour des comptes, le gouvernement, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Des déclarations de patrimoine lors de l’entrée en fonction

C’est dans le sillage de l’affaire Cahuzac, ancien ministre du Budget condamné pour fraude fiscale et blanchiment d’argent, que le président François Hollande a mis en place la HATVP. Dès septembre 2014, cette nouvelle autorité prouve son utilité en entraînant la démission de Thomas Thévenoud, quelques jours après sa nomination comme secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, alors qu’un contrôle révèle des retards systématiques dans ses déclarations de revenus et paiement d’impôts.

Depuis l’entrée en vigueur des lois de 2013, 16 000 responsables publics (ministres, parlementaires, conseillers régionaux, départementaux et municipaux…) doivent ainsi déclarer leur patrimoine à l’autorité indépendante, lorsqu’ils prennent leurs fonctions et lorsque leur mandat se termine. Biens immobiliers, actions dans des sociétés, comptes bancaires, dettes… Charge ensuite à la HATVP de « s’assurer de la cohérence des éléments déclarés, rechercher des omissions importantes ou variations inexpliquées du patrimoine, prévenir tout enrichissement obtenu de manière illicite », comme elle l’explique sur son site internet.

Mieux prévenir les conflits d’intérêt

En plus de cette déclaration de situation patrimoniale, les personnalités soumises au contrôle de la HATVP doivent également remplir une déclaration d’intérêts. Ils y renseignent leurs activités professionnelles passées et présentes, leurs activités bénévoles ou encore la profession de leur conjoint, pour éviter des situations de conflit d’intérêt. Les informations concernant le patrimoine et les intérêts des ministres, des députés et des sénateurs sont rendues publiques sur le site de la HATVP, la publication reste facultative pour les autres.

En mai dernier, lors de la présentation de son rapport annuel, la HATVP a émis un certain nombre de recommandations, notamment pour renforcer son rôle de prévention des conflits d’intérêts. Elle estime en effet que le délai de deux mois laissé aux ministres pour réaliser leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts était trop long et pouvait « nuire à l’action gouvernementale ». Elle recommande donc d’imposer aux ministres la transmission d’un « questionnaire de prévention des conflits d’intérêts » dans la semaine suivant leur nomination, une mesure qui ne s’applique pas pour le moment.

Contrôle fiscal et judiciaire

À ces déclarations obligatoires lors de l’entrée en poste peuvent s’ajouter toutes sortes de contrôles préalables à la nomination au gouvernement. En 2017, marqué par l’affaire Fillon, Emmanuel Macron fait adopter une série de lois « pour la confiance dans la vie politique ». Depuis, le chef de l’Etat peut demander à consulter le bulletin n°2 du casier judiciaire du potentiel futur ministre, qui répertorie l’ensemble des condamnations judiciaires et des sanctions administratives dont il aurait pu faire l’objet. Le président de la République peut également demander à l’administration fiscale une attestation prouvant que le candidat au gouvernement a bien payé ses impôts.

Si le potentiel ministre, en raison des fonctions qu’il occupait avant sa nomination, a déjà déclaré ses intérêts et son patrimoine auprès de la HATVP, le chef de l’Etat peut également demander à les consulter. Dans une enquête dévoilant les coulisses du fonctionnement de la Haute autorité, Libération indique ainsi que ces vérifications ont lieu « avant chaque remaniement » : « Le président de la HATVP reçoit désormais la liste des ministrables par oral, sur une ligne sécurisée avec le secrétaire de l’Elysée ou le chef de l’Etat en personne. Avec une poignée de collaborateurs, il examine la situation patrimoniale et les conflits d’intérêts potentiels ».

Les membres des cabinets ministériels ne peuvent pas faire l’objet de tels contrôles en amont de leur nomination. Ils sont en revanche dans l’obligation de fournir des déclarations à la HATVP après leur entrée en poste.

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