Paris : Cabinet meeting
Cabinet meeting at the Elysee Palace in Paris on July 21, 2023. French presidency formalized French government reshuffle on July 20, 2023 with eight new members of a government//04SIPA_sipa.010/Credit:Jean-Baptiste Autissier - POOL /SIPA/2307211506

Patrimoine, intérêts : comment et par qui les ministres sont-ils contrôlés lors des remaniements ?

Ce 9 janvier, Gabriel Attal a été nommé Premier ministre, après la démission d’Elisabeth Borne la veille. Il sera chargé de constituer un nouveau gouvernement. Les nominations des ministres pourraient avoir lieu en fin de semaine, car leurs profils devront d’abord être passés au crible.
Rose-Amélie Bécel

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Ce 9 janvier, l’Élysée a mis fin au suspense qui courrait depuis la veille avec la démission d’Elisabeth Borne, en nommant Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Mais il faudra attendre encore quelques jours pour connaître l’identité des futurs ministres, notamment car leur candidature doit être scrupuleusement étudiée. C’est notamment la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui se charge de cette mission.

Créée par les lois de 2013 relative à la transparence de la vie publique, cette autorité indépendante est chargée de trois missions : contrôler le patrimoine des responsables publics, éviter les situations de conflits d’intérêts et surveiller les reconversions entre les secteurs privé et public.

Son président, Didier Migaud depuis début 2020, est nommé par décret du président de la République pour un mandat de six ans. Ses douze autres membres, réunis au sein d’un collège, sont nommés par paires par le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, la Cour des comptes, le gouvernement, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Des déclarations de patrimoine lors de l’entrée en fonction

C’est dans le sillage de l’affaire Cahuzac, ancien ministre du Budget condamné pour fraude fiscale et blanchiment d’argent, que le président François Hollande a mis en place la HATVP. Dès septembre 2014, cette nouvelle autorité prouve son utilité en entraînant la démission de Thomas Thévenoud, quelques jours après sa nomination comme secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, alors qu’un contrôle révèle des retards systématiques dans ses déclarations de revenus et paiement d’impôts.

Depuis l’entrée en vigueur des lois de 2013, 16 000 responsables publics (ministres, parlementaires, conseillers régionaux, départementaux et municipaux…) doivent ainsi déclarer leur patrimoine à l’autorité indépendante, lorsqu’ils prennent leurs fonctions et lorsque leur mandat se termine. Biens immobiliers, actions dans des sociétés, comptes bancaires, dettes… Charge ensuite à la HATVP de « s’assurer de la cohérence des éléments déclarés, rechercher des omissions importantes ou variations inexpliquées du patrimoine, prévenir tout enrichissement obtenu de manière illicite », comme elle l’explique sur son site internet.

Mieux prévenir les conflits d’intérêt

En plus de cette déclaration de situation patrimoniale, les personnalités soumises au contrôle de la HATVP doivent également remplir une déclaration d’intérêts. Ils y renseignent leurs activités professionnelles passées et présentes, leurs activités bénévoles ou encore la profession de leur conjoint, pour éviter des situations de conflit d’intérêt. Les informations concernant le patrimoine et les intérêts des ministres, des députés et des sénateurs sont rendues publiques sur le site de la HATVP, la publication reste facultative pour les autres.

En mai dernier, lors de la présentation de son rapport annuel, la HATVP a émis un certain nombre de recommandations, notamment pour renforcer son rôle de prévention des conflits d’intérêts. Elle estime en effet que le délai de deux mois laissé aux ministres pour réaliser leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts était trop long et pouvait « nuire à l’action gouvernementale ». Elle recommande donc d’imposer aux ministres la transmission d’un « questionnaire de prévention des conflits d’intérêts » dans la semaine suivant leur nomination, une mesure qui ne s’applique pas pour le moment.

Contrôle fiscal et judiciaire

À ces déclarations obligatoires lors de l’entrée en poste peuvent s’ajouter toutes sortes de contrôles préalables à la nomination au gouvernement. En 2017, marqué par l’affaire Fillon, Emmanuel Macron fait adopter une série de lois « pour la confiance dans la vie politique ». Depuis, le chef de l’Etat peut demander à consulter le bulletin n°2 du casier judiciaire du potentiel futur ministre, qui répertorie l’ensemble des condamnations judiciaires et des sanctions administratives dont il aurait pu faire l’objet. Le président de la République peut également demander à l’administration fiscale une attestation prouvant que le candidat au gouvernement a bien payé ses impôts.

Si le potentiel ministre, en raison des fonctions qu’il occupait avant sa nomination, a déjà déclaré ses intérêts et son patrimoine auprès de la HATVP, le chef de l’Etat peut également demander à les consulter. Dans une enquête dévoilant les coulisses du fonctionnement de la Haute autorité, Libération indique ainsi que ces vérifications ont lieu « avant chaque remaniement » : « Le président de la HATVP reçoit désormais la liste des ministrables par oral, sur une ligne sécurisée avec le secrétaire de l’Elysée ou le chef de l’Etat en personne. Avec une poignée de collaborateurs, il examine la situation patrimoniale et les conflits d’intérêts potentiels ».

Les membres des cabinets ministériels ne peuvent pas faire l’objet de tels contrôles en amont de leur nomination. Ils sont en revanche dans l’obligation de fournir des déclarations à la HATVP après leur entrée en poste.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Patrimoine, intérêts : comment et par qui les ministres sont-ils contrôlés lors des remaniements ?
3min

Politique

Budget 2026 : « Je ne sais plus où habitent les socialistes », affirme Éric Coquerel 

Invité de la matinale de Public Sénat, Éric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et député insoumis de Seine-Saint-Denis s’étonne de positions défendues par les socialistes dans les débats budgétaires. Ce dernier alerte également sur les risques de dépasser les délais constitutionnels d’examen du budget.

Le

Patrimoine, intérêts : comment et par qui les ministres sont-ils contrôlés lors des remaniements ?
3min

Politique

Santé mentale : « 25% des lycéennes ont déjà pensé à la mort », s’alarme la spécialiste Angèle Malâtre-Lansac

Décrété « Grande cause nationale » en 2025, les troubles de la santé mentale concernent 13 millions de français. Un enjeu de santé publique qui touche fortement la jeunesse. Si la question est au centre du débat public, les solutions tardent à être mises en place et le secteur de la psychiatrie manque de moyens. Cette semaine dans Et la Santé ça va ?, Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Céline Brulin et Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l’Alliance pour la Santé mentale pour en débattre.

Le

Patrimoine, intérêts : comment et par qui les ministres sont-ils contrôlés lors des remaniements ?
4min

Politique

Armement : Kaja Kallas appelle la France à « augmenter les cadences de production »

C’est la voix de la diplomatie européenne. Au moment où le cessez le feu connait des ratés à Gaza, et où la guerre s’enlise en Ukraine, quelle place pour les Européens ? Comment peser sur les grands conflits en cours ? Guerre en Ukraine, cessez-le-feu à Gaza, ou encore traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Kaja Kallas défend son action et répond sans détour aux questions de Caroline de Camaret et d’Armen Georgian dans Ici l’Europe.

Le