« Toutes les personnes et associations que nous avons auditionnées ont affirmé le besoin de développer cette compétence européenne pour le patrimoine. Tout est dit dans les textes fondateurs mais, comme pour la culture, ça a pris du temps et ça prendra du temps », souligne l’une des deux auteurs du texte, la sénatrice Catherine Morin-Desailly. Le rapport pointe une politique patrimoniale européenne « en devenir », construite « de manière progressive et prudente. » La sénatrice de Seine-Maritime rappelle que la communauté européenne s’est constituée sur des fondements économiques et « non à partir du secteur culture. » Il faut remonter à 1992 et à la signature du traité de Maastricht pour trouver une première mention du patrimoine dans un texte européen. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de 2007 signé à Lisbonne attribue aux institutions européennes une compétence d’appui dans le domaine. « Le rôle de l’Union consiste à appuyer, coordonner, ou compléter l’action des Etats membres » dans le secteur culturel.
Améliorer la cohérence et la lisibilité de la politique patrimoniale
Les parlementaires français préconisent une meilleure « lisibilité » des actions de l’UE dans le domaine des investissements culturels, un constat partagé par la Cour des comptes européenne en août 2020 dans un audit. « Aujourd’hui, c’est l’un des problèmes majeurs, on ne sait pas combien l’Europe dépense pour les investissements patrimoniaux. Ce n’est pas clairement identifiable, cette somme est diluée dans plusieurs fonds », explique Louis-Jean de Nicolaÿ. Le fonds européen de développement régional (FEDER) intervenant à l’échelle régionale contribue à la majorité des investissements. « Nous souhaiterions y voir plus clair. D’après le maire de Versailles, François de Mazières, l’UE consacrerait entre 2 et 2,5 milliards d’euros au patrimoine européen. Il nous faut une politique cohérente. » Le rapport demande une augmentation des moyens alloués et recommande l’instauration d’un « Loto européen » pour la protection et la sauvegarde du patrimoine. Les élus s’inspirent de l’exemple français et du dispositif lancé par Stéphane Bern qui a permis la restauration de 270 monuments depuis sa création et une augmentation de la fréquentation touristique des sites restaurés. Dans la perspective de développer « un tourisme durable », les deux parlementaires proposent l’instauration d’une tarification différenciée à l’entrée des monuments pour les touristes extra-européens. « L’industrie touristique est un atout économique et a pour objectif de se développer mais cette activité doit respecter la soutenabilité des territoires », souligne la sénatrice.
Un patrimoine européen face au défi climatique
Pour les deux auteurs du rapport d’information, le projet de nouveau Bauhaus européen lancé par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lors son discours sur l’état de l’Union en février 2021 « est une chance pour mettre en avant l’aspect écologique du patrimoine. » Ce ‘new deal’culturel a pour objet de construire un nouvel espace urbain dans le respect des normes environnementales à travers une collaboration transdisciplinaire. « C’est une belle occasion à saisir, pas uniquement pour le patrimoine monumental, mais également pour le patrimoine paysager et vernaculaire. Nous sommes l’Assemblée des collectivités territoriales et nous allons leur demander de faire remonter les projets », annonce la sénatrice. Le patrimoine européen doit également relever le défi du changement climatique, un défi « qui menace nos paysages et nos monuments. » Pour protéger ce patrimoine européen des catastrophes naturelles ponctuelles, le rapport invite les institutions européennes à créer un fonds de sauvegarde du patrimoine en péril destiné aux Etats membres mais également aux pays candidats et aux pays du partenariat oriental (Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Géorgie, Moldavie et Ukraine).
2022, année de la jeunesse
2022 étant l’année européenne de la jeunesse, Catherine Morin-Desailly et Louis-Jean Nicolaÿ invitent les autorités européennes à développer et à renforcer « l’engagement de la jeunesse en faveur du patrimoine. » Plusieurs projets sont présentés dans le rapport comme le renforcement du programme Erasmus + « autour d’un volet dédié au patrimoine […] avec un circuit des chantiers de jeunesse européens du patrimoine. » Le duo préconise la création d’une Académie européenne du patrimoine « destinée à susciter des vocations et à constituer un centre de ressources permanent. »
La commission des affaires européennes du Sénat a adopté à l’unanimité une résolution reprenant les recommandations du rapport. Un avis politique devrait être transmis par le gouvernement français aux institutions européennes. Pour le sénateur, il était important « d’ouvrir des pistes, on espère qu’il y aura des suites. »