Cette fois, l’heure n’est plus aux menaces. Emmanuel Macron, qui recevait ce 17 décembre les présidents des comités de pêche à l’Élysée et les présidents des régions bordant la Manche et la mer du Nord, a promis d’engager un bras de fer juridique avec le Royaume-Uni. « Nous demanderons dans les prochains jours à la Commission européenne d’engager un contentieux, une procédure juridique pour les licences auxquelles nous avons droit, qui sont les plus prioritaires, les plus importantes », a annoncé le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune, à l’issue de la rencontre. Après des mois passés à agiter l’épouvantail de mesures de rétorsion, la France veut désormais passer à l’action.
En vertu de l’accord signé fin 2020 entre Londres et l’Union européenne, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques s’ils prouvent qu’ils y pêchaient auparavant. Depuis près d’un an, Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir pour décrocher les licences de pêche. « 73 licences sont encore en attente » (sur un total de 1 100 demandes), a précisé la ministre de la Mer Annick Girardin. Selon Clément Beaune, la France va demander « à la Commission européenne dans les tout prochains jours de réunir le Conseil de partenariat […] pour dire aux Britanniques que c’est un problème européen, qu’ils ne respectent pas à 100 % l’accord ».
Le Conseil de partenariat est un organe, constitué de représentants européens et britanniques, qui doit garantir l’application de l’accord de commerce et de coopération conclu entre Bruxelles et Londres. Si aucun accord à l’amiable n’est trouvé, un tribunal arbitral devra trancher en dernier recours.
« C’est à la Commission européenne de mettre en œuvre des moyens plus rapides qu’un contentieux traditionnel »
Si le gouvernement entend poursuivre sa « pression politique », le sénateur Alain Cadec (LR), qui a publié un rapport deux jours auparavant sur la situation de la pêche française dans l’après-Brexit, ne se satisfait pas de la perspective d’un recours devant le Conseil de partenariat. Jamais cette instance n’a été réunie jusqu’à présent. « À part de la communication ce matin à l’Élysée, il ne s’est rien passé. Un contentieux auprès de l’Union européenne, ça va prendre deux ans. Ça n’est pas une réponse à la situation actuelle », regrette l’ancien député européen. Le parlementaire breton affirme que des réponses plus efficaces sont possibles. « C’est à la Commission européenne de mettre en œuvre des moyens plus rapides qu’un contentieux traditionnel. Il y a des réponses plus rapides, c’est dans le traité. »
En parallèle de l’ouverture d’une procédure, le gouvernement a promis des indemnisations aux pêcheurs. « Le président souhaite que sur le plan d’accompagnement des pêcheurs (qui n’auront pas eu de licences), nous soyons précis sur l’aide individuelle, et qu’on fasse du cousu main, cas par cas, bassin par bassin », a promis Annick Girardin. Un « Monsieur accompagnateur » doit être nommé la semaine prochaine.
Encore échaudé par le plan de sortie de flotte imagé par le ministère de la Mer cet automne, le sénateur Alain Cadec se montre prudent. Pour rappel, le gouvernement avait annoncé, en pleine période de négociations avec Londres, la possibilité d’indemniser des pêcheurs en échange de la destruction d’un navire, dans les cas où ils n’auraient pas obtenu de licence.
« Le président de la République annonce des possibilités de financement. Ce n’est pas ce que demandent les pêcheurs. Ils demandent des licences, pas des euros. Il faut faire plier les Britanniques, entraîner l’Union européenne derrière nous. Manifestement, cela a l’air compliqué pour le président de la République et nos représentants », s’agace le sénateur.