« C’est une montée de fièvre après une piqûre de rappel. Mais c’est comme le Covid, il vaut mieux être vacciné ». C’est par une métaphore, dont il a l’habitude que le sénateur Pierre Charon analyse l’avertissement d’Éric Ciotti au lendemain de sa défaite au Congrès LR. Et si la maladie de la division n’est pas encore là chez les LR, les premiers symptômes couvent.
Tout est parti d’une interview de Valérie Pécresse samedi soir. Tout juste élue, la candidate LR à l’élection présidentielle annonce sur TF1 qu’elle ne reprendrait pas à son compte certaines propositions phares d’Éric Ciotti, comme la création « d’un Guantánamo à la française » ou la priorité nationale pour les emplois.
Qualifié surprise du premier tour et avec une défaite honorable du deuxième (39,05 %), Éric Ciotti ne compte pas faire de la figuration dans cette campagne et l’a fait savoir. « J’entends que mes idées soient représentées avec force, les idées d’une droite qui entend se faire respecter », a-t-il reproché dimanche estimant que le message envoyé par son ancienne adversaire « n’était pas le bon ». Soit peu ou prou le même rappel à l’ordre formulé par la perdante de l’autre primaire de cette campagne présidentielle, Sandrine Rousseau, qui au lendemain de la victoire de Yannick Jadot lui conseillait fortement de reprendre ses idées.
« Le message d’Éric Ciotti a été reçu. Il ne peut avoir qu’une place de choix dans cette campagne »
Mais contrairement au candidat écologiste, Valérie Pécresse a immédiatement donné des gages d’apaisement et de rassemblement en se déplaçant sur les terres d’Éric Ciotti ce lundi. « Éric a une place très singulière à jouer dans cette campagne », a-t-elle souligné à son arrivée à l’aéroport de Nice avant de promouvoir « une droite fière d’elle-même et fière de ses valeurs ».
« Le message d’Éric Ciotti a été reçu. Il ne peut avoir qu’une place de choix dans cette campagne. C’est à Valérie Pécresse de peser le poids politique de chacun mais ce qui est sûr, c’est que si on ne fait pas une campagne de droite assumée, on est voué à disparaître », interprète le sénateur Stéphane Le Rudulier, porte-parole d’Éric Ciotti durant le congrès.
Une place que Valérie Pécresse a comparée à celle qu’occupait naguère « Charles Pasqua auprès de Jacques Chirac », « une droite forte et une droite d’autorité ». De quoi suffire à arrondir les angles pour les proches de la présidente de la région Ile de France. « Éric ne peut pas s’attendre à ce que Valérie reprenne 100 % de son programme. Il y a eu un petit couac sur cette histoire de Guantánamo. Mais lors de la dernière primaire, j’ai vu des divergences bien plus grandes. Il faut nous laisser un peu de temps pour transformer 5 programmes plus celui des Républicains en une plateforme commune, mais ça ne va pas être difficile à trouver » veut croire Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat.
« Il n’y aura pas de grosses difficultés à rassembler les programmes. Ça s’est vu lors des débats. Il y a 80 % d’idées communes et 20 % de différences. Il n’y aura pas de problème pour faire la synthèse. Et puis nous ne sommes plus dans le même état de tension que lors de l’échéance précédente. Il n’y a eu aucune attaque personnelle entre les candidats », relève le sénateur du Nord, Marc-Philippe Daubresse.
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Ce lundi, Éric Ciotti a fait baisser la fièvre et a exprimé son « total et entier soutien » à la candidate LR. « Je suis un homme de fidélité à une famille politique, à une histoire, à des racines. Ce sont de valeurs que je veux porter côte à côte avec Valérie dans cette campagne pour la conduire vers la victoire », a-t-il confirmé ce lundi.
« Valérie Pécresse doit faire ce que Nicolas Sarkozy a fait en 2007 »
Mais ce qui inquiète Marc-Philippe Daubresse, c’est une « hémorragie de notre électorat attiré d’un côté par Édouard Philippe et de l’autre par Éric Zemmour ». « Valérie Pécresse part avec un socle électoral de 10 %. « Valérie Pécresse doit faire ce que Nicolas Sarkozy a fait en 2007, c’est-à-dire incarner à la fois la droite et le centre. La difficulté va être de rassembler les deux ailes du parti. L’aile humaniste dans laquelle je me situe, souhaite des proportions sur l’Europe, sur le social et un grand plan de relance du logement ».
Une équation bien difficile à résoudre au vu de l’offre électorale quelque peu embouteillée au centre droit et à la droite de la droite. Éric Zemmour l’a bien compris. Il n’a d’ailleurs pas manqué de faire applaudir Éric Ciotti par ses sympathisants à son meeting de Villepinte dimanche.
« Ces adhérents, si on sait leur parler, ils resteront »
Le député des Alpes-Maritimes a quant à lui choisi de sceller le vote des 40 000 militants que courtise Éric Zemmour en annonçant, dimanche, la création d’un mouvement sobrement appelé « à droite ». « Éric Zemmour est bien seul et il a besoin des adhérents LR. Ces adhérents, si on sait leur parler, ils resteront. C’est l’ambition de ce mouvement. Si vous regardez le passé d’Éric Ciotti, il a toujours été fidèle à sa famille politique », souligne Stéphane Le Rudulier.
« Ce mouvement, c’est l’histoire qui bégaye. J’étais à l’origine de la création de l’UMP, et chez nous les mouvements n’ont jamais marché. Nous sommes un parti qui a besoin d’un chef. On ne peut pas être organisé comme le PS avec des courants et des motions » tempère Marc-Philippe Daubresse qui en profite pour glisser une petite pique au polémiste. « C’est tout à fait logique qu’Éric Zemmour cherche à capter nos électeurs. C’est le Laurent Gerra de la politique. Après avoir imité de Gaulle, il essaye d’imiter Nicolas Sarkozy ».
Dans les rangs LR pourtant, certains sont sensibles aux sirènes du candidat de « La Reconquête ». En témoigne ce tweet, du vice-président du parti qui s’interroge ouvertement : « Comment rester insensible au discours pour la France d’Éric Ciotti ? ».
« S’il n’y avait pas tous ces nouveaux arrivants ces dernières semaines, le candidat LR, c’est Éric Ciotti »
Si dans les rangs du parti, on insiste sur « l’isolement » de Guillaume Peltier, d’autres, parmi les proches d’Éric Ciotti, ont la défaite amère. « S’il n’y avait pas tous ces nouveaux arrivants ces dernières semaines, le candidat LR, c’est Éric Ciotti ». Le sénateur LR, Sébastien Meurant n’a toujours pas digéré le départ de Valérie Pécresse en 2019. « Si les médias faisaient un peu plus leur travail, ils mettraient en perspective ces positionnements de l’époque et ce qu’elle a dit pendant les débats. On a l’impression de changer de monde. Moi, pour avoir dire la même chose on m’a traité de fasciste », s’agace-t-il.
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Pour mémoire, Valérie Pécresse propose notamment une loi constitutionnelle visant à mettre en place des quotas annuels d’immigration et a fait le lien lors du premier débat entre l’immigration et « la montée de la violence et de la délinquance ».
Et sur les intentions de Sébastien Meurant pour la suite de la campagne, il répond énigmatique : « Vous verrez bien. Ce sera l’occasion de se revoir ».
Valérie Pécresse entend-elle continuer de rassembler coûte que coûte sa famille politique. Elle se rendra chez Michel Barnier en Auvergne Rhône-Alpes jeudi et chez Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, vendredi.