Pénurie de médicaments : pour le Sénat « la situation est grave »

Pénurie de médicaments : pour le Sénat « la situation est grave »

Inciter une production pharmaceutique de proximité, rendre public l’historique de rupture de stock des médicaments ou encore autoriser les pharmaciens à proposer une substitution thérapeutique… Un rapport du Sénat fait 30 propositions pour remédier à la pénurie de médicaments.
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« La situation de pénurie de médicaments et de vaccins est très mésestimée dans le débat public (…) La situation est grave » s’inquiète Jean-Pierre Decool sénateur centriste et rapporteur de la mission d’information : « Pénuries de médicaments et de vaccins. Replacer l’éthique de santé publique au cœur de la chaîne du médicament ». Ce mardi, après trois mois de travaux et 70 personnes auditionnées, la mission rendait ses conclusions et une trentaine de propositions.

En 2017, le nombre de signalements de rupture et risques de rupture de stock et d’approvisionnement de médicaments essentiels auprès de l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament) a atteint un chiffre record : 530, soit 10 fois plus qu’il y a 10 ans, relève le rapport.

69 médicaments en rupture de stock en une journée à l’hôpital

Parmi les médicaments concernés, « les anticancéreux, les anti-infectieux (antibiotiques et vaccins), les anesthésiants, les médicaments du système nerveux central (destinés notamment au traitement de l’épilepsie ou de la maladie de Parkinson) ainsi que les médicaments dérivés du sang. En raison de la complexité de leur processus de fabrication, les spécialités injectables apparaissent comme les plus vulnérables au risque de pénurie » précisent les élus. « Tous les jours, des patients se présentent dans des officines de ville et le pharmacien explique que le médicament n’est pas disponible. À l’hôpital, le phénomène est identique. Nous avons eu l’exemple de l’institut Gustave Roussy (Villejuif), où sur une journée, il est noté 69 médicaments en rupture de stock » relate le président socialiste de la mission d’information, Yves Daudigny.

En cause ? La fragilité des chaînes de productions. Selon l’agence européenne du médicament, « près de 40% des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et 80%  des fabricants de substances actives (…) sont situés en dehors de l’Union ».

Crée à l’initiative du groupe centriste, la mission d’information préconise « de mettre en place une véritable stratégie industrielle nationale et européenne pour recréer les conditions d’une production pharmaceutique de proximité ». « Tout cela a un coût considérable (…) reconnaît néanmoins Jean-Pierre Decool.

Exonérations fiscales, aide à l’embauche : les pistes pour relocaliser la production

Afin d’inciter une production pharmaceutique sur le territoire national, le Sénat propose d’expérimenter, la mise en place d’exonérations fiscales, ou encore le versement par l’État et les régions d’aide à l’embauche. Suivant le modèle de la Suisse, la mission recommande aussi de confier à la pharmacie centrale des armées et à l’agence générale des équipements et produits de santé, « la production et distribution de quelques médicaments essentiels ou de « niche » « régulièrement exposés à des tensions d’approvisionnement ».

Plus de transparence

Afin également de remédier « au fort climat de défiance » entre les acteurs de la distribution du médicament (laboratoire, grossistes, pharmaciens…), les sénateurs demandent plus de transparence sur les causes de pénuries, comme cette proposition visant à rendre public sur le site de l’ANSM l’historique de ruptures de médicaments de chaque entreprise pharmaceutique.

Plus pratique, la mission souhaite ouvrir aux pharmaciens la possibilité de proposer aux patients une substitution thérapeutique à un médicament en rupture de stock.

« Nous proposons d’augmenter le prix de médicaments anciens qui demeurent aujourd’hui indispensables »

Le Sénat a bien conscience que le problème ne se réglera pas au niveau national, il dépasse les frontières européennes. Yves Daudigny prend l’exemple d’un médicament « utilisé pour des maladies graves comme le cancer », « vendu 40 dollars aux États-Unis et 5 euros en France ». « Ces médicaments ne proposent pas d’intérêts économiques pour les laboratoires » (…) « Nous proposons d’augmenter le prix de médicaments anciens qui demeurent aujourd’hui indispensables ».

Les propositions sénatoriales se retrouveront sous forme d’amendements dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

 

 

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