Pénurie de médicaments : relocaliser l’ensemble de la production en France serait « impossible » selon le patron de Pfizer France
Interrogé par la commission d’enquête sénatoriale ce mercredi 29 mars sur les pénuries de médicaments, Reda Guiha, le président de Pfizer France, a détaillé la stratégie de son entreprise. Selon lui, on ne pourra pas relocaliser toute la production des médicaments en France. Accompagné de deux membres de la direction, il a exprimé les positions de l’entreprise sur une potentielle levée des brevets et leur gestion des pénuries.
Par Stéphane Duguet
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Dans le lot d’auditions menées par la commission d’enquête sénatoriale sur les pénuries de médicaments, celle du président de Pfizer France, Reda Guiha était très attendue. L’entreprise pharmaceutique a réalisé 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022, une « hausse aussi spectaculaire que soudaine », note Sonia de La Prévôté, présidente de la commission d’enquête centriste. Une progression due « au développement et à la commercialisation du vaccin contre le Covid-19 », rappelle la sénatrice du Calvados.
Si l’objectif était bien d’être éclairé sur la gestion et les solutions que peut apporter Pfizer aux pénuries de ses médicaments, les sénateurs ne se sont pas privés de questionner le président de la branche française du géant pharmaceutique sur les contrats de vaccins « opaques » signés avec la Commission européenne. « Pourquoi n’ont-ils pas été rendus publics, demande Laurence Cohen, sénatrice communiste et rapporteure de la commission d’enquête. Cela aiderait à une meilleure confiance des vaccinations ! » Esquive de Reda Guiha qui se cache derrière le secret des affaires et la maison mère de Pfizer.
Cher aux entreprises et aux laboratoires pharmaceutiques auditionnés par la commission d’enquête : le prix des médicaments en France. Répondant à une remarque de la sénatrice Laurence Cohen sur l’augmentation de 30 à 130 dollars du vaccin contre le Covid-19 aux Etats-Unis, le président de Pfizer France a rappelé la régulation qui existe en France et qui selon lui, empêche que des tarifs comme ceux-là soient appliqués : « De 2009 à 2019, l’enveloppe est restée stable malgré l’introduction d’un certain nombre d’innovations et malgré l’augmentation de la population française qui vieillit et qui consomme plus de médicaments », relève Reda Guiha qui plaide tout de même pour une réflexion sur « les conditions de prix de certains médicaments matures dont les coûts de production excèdent parfois les remboursements. »
« Impossible » relocalisation
Lorsque l’on parle de pénurie de médicaments, l’une des solutions invoquées est celle de relocaliser la production des médicaments sur le territoire. Avant même qu’on ne lui pose la question, le président de Pfizer France a martelé sa position sur le sujet : « Il serait impossible de relocaliser l’ensemble de la chaîne de production du médicament en France, comme dans d’autres pays ». La raison est simple selon Reda Guiha : « La production du médicament fait appel à plusieurs expertises qui ne se trouvent pas au même endroit. Par exemple, le vaccin du Covid-19 comporte 9 étapes industrielles ! »
Le patron de Pfizer a également détaillé l’activité de l’entreprise qui dispose de « 36 sites de production » dans le monde, mais qui fabrique 98 % des médicaments destinés au marché français en Europe. « La production en provenance de Chine et Inde ne représente que 0,6 % de nos médicaments distribués en France », précise-t-il pour rassurer les sénateurs.
Dubitatif, Jean-Pierre Moga, sénateur centriste du Lot-et-Garonne, l’a relancé, demandant si « au niveau européen, l’Europe n’offre quand même pas une stabilité et une garantie d’indépendance permettant de relocaliser l’ensemble de la production ? » A cela, le président de Pfizer rappelle que selon lui, il faut avoir « de la flexibilité ». Ce dernier met en avant l’investissement de son entreprise dans Novasep, une entreprise française pharmaceutique qui produit la molécule du médicament contre le covid-19, le Paxlovid, à Mourenx dans les Pyrénées-Atlantiques. « Le principe actif est produit en France et il sera exporté depuis la France vers l’international, excepté l’Amérique du Nord », développe Reda Guiha.
Au chapitre des relocalisations, le numéro un de Pfizer France a également appuyé que « notre objectif est de ramener en Europe et en France les étapes stratégiques de la production des médicaments comme le principe actif et pas l’emballage ! » Il estime néanmoins que l’Europe doit développer son expertise dans la thérapie génique, par exemple, pour être plus attractive. « Notre stratégie, c’est d’investir là où nous avons des compétences et des qualités, comme à Puurs en Belgique », détaille Catherine Raynaud, directrice des affaires publiques de Pfizer France. Concernant la relocalisation de matières premières, Reda Guiha met en avant comme contrainte la réglementation européenne Reach qui empêche l’importation de certaines substances chimiques. « Il peut y avoir des exceptions, notamment en période de crise », fait remarquer la présidente de la commission d’enquête, Sonia de La Provôté.
« Il n’y a pas deux ruptures de stock qui se ressemblent »
Les dirigeants du géant pharmaceutique ont également longuement expliqué ce qui pouvait causer les pénuries. « Il n’y a pas deux ruptures de stock qui se ressemblent », indique Franck Le Breguero, pharmacien responsable de Pfizer France. L’an dernier, l’entreprise a adressé 123 notifications de risques de ruptures ou de ruptures projetées à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dont 41 ont conduit à une rupture d’approvisionnement, selon les chiffres donnés par le président. « Dans les deux tiers des cas, nous avons pu éviter les pénuries, notamment grâce à la détection précoce », vante Reda Guiha.
Concrètement, « tous les jours, une équipe dédiée surveille, pour chaque produit, les stocks, les ventes et les prévisions. S’il n’y a pas d’alignement, on se pose la question de savoir s’il y a un problème pour éventuellement réajuster », détaille Catherine Raynaud. Les causes peuvent être internes à l’entreprise comme des retards de livraisons ou de conditionnement, mais aussi externes, à savoir une augmentation soudaine de la demande. C’est ce qui s’est produit pour le médicament contre le cancer, la Vincristine distribué en France par Pfizer et une autre entreprise. « Il y a eu un problème d’approvisionnement parce que le principe actif est à base de plantes et la récolte a été mauvaise », expose Franck Le Breguero. La solution trouvée pour ne pas manquer de ce médicament : le rapatriement de trois lots de Vincristine destiné à l’Espagne. « L’ANSM nous a accompagnés pour pouvoir les utiliser en France. C’est l’anticipation de la détection qui est clef pour trouver une solution rapidement », se félicite le pharmacien responsable de Pfizer France. L’exemple de la Vincristine illustre aussi une des demandes de la multinationale : faciliter l’importation en France de lots destinés aux marchés étrangers en cas de tension en optant pour une notice numérique par QR Code pour la modifier facilement si les exigences ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.
« La levée des brevets tuerait l’innovation », selon la directrice des affaires publiques de Pfizer France
Autre sujet sensible abordé lors de cette audition : le rapport de Pfizer à l’innovation et aux brevets. Ceux sur le vaccin contre le covid-19 n’avaient pas été levés pour permettre une production massive et à moindre coût du sérum. Une décision très critiquée par des organisations comme l’ONG Médecins du Monde. « Malgré le secret des affaires, des outils peuvent être utilisés », lance Sonia de La Provôté, faisant ainsi référence à la possibilité de lever des brevets, d’avoir recours à une licence d’office qui permet de lever la propriété intellectuelle pour produire dans le pays ou encore à l’Autorisation de mise sur le marché d’urgence.
« Je pense que lever les brevets tuerait l’innovation », juge Catherine Raynaud, la directrice des affaires publiques du groupe qui en veut pour preuve l’exemple du vaccin contre le covid-19 : « La protection et l’application stricte des brevets constituent des incitations puissantes à investir dans la Recherche et Développement ». La sénatrice communiste Laurence Cohen, sceptique, a fait remarquer cependant que dans les années 1950, « lorsqu’il y a eu la polio, il n’y avait pas de brevets et on a pu sauver l’humanité de cette maladie. »
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