Pénuries d’électricité : le sénateur Alain Joyandet réclame une commission d’enquête parlementaire

Pénuries d’électricité : le sénateur Alain Joyandet réclame une commission d’enquête parlementaire

Alors que le gouvernement continue de préparer les Français à de possibles délestages d’électricité cet hiver, le sénateur LR Alain Joyandet a adressé un courrier à Gérard Larcher, afin que soit constituée une commission d’enquête sur l’origine de la crise énergétique. Il vise tout particulièrement le programme nucléaire civil et les orientations prises sous le quinquennat de François Hollande.
Romain David

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À quoi les Français doivent-ils s’attendre cet hiver ? Depuis plusieurs jours, l’exécutif cherche à rassurer sur d’éventuelles coupures d’électricité dans les prochaines semaines, donnant parfois le sentiment de souffler le chaud et le froid. « Stop à tout ça ! », s’est exclamé Emmanuel Macron samedi, alors qu’il était interrogé en marge du sommet européen de Tirana, en Albanie. Le chef de l’Etat a estimé que l’hypothèse d’un black-out relevait d’un « scénario de la peur ». « Nous sommes un grand pays, nous avons un grand modèle énergétique, nous allons tenir cet hiver malgré la guerre. Et je demande à chacun de faire son travail », a-t-il lancé. La veille, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, avait déployé sur France 2 un argumentaire similaire, sans toutefois évacuer complètement le risque de coupure. « Il n’y a rien d’inéluctable », a estimé le ministre, appelant les Français « à un petit geste supplémentaire » en matière d’économie d’électricité afin « d’éviter le pire ». Cette situation agace particulièrement la droite, qui a fait de la politique énergétique d’Emmanuel Macron l’un de ses principaux angles d’attaque sous le premier quinquennat. Ce mercredi 6 avril, le sénateur LR de Haute-Saône Alain Joyandet a adressé à Gérard Larcher, le président du Sénat, un courrier pour réclamer « l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la pénurie énergétique en France ».

« Lorsque je m’occupais de la coopération sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les risques de coupure d’électricité étaient un sujet récurrent en Afrique. Il l’est toujours d’ailleurs dans certains pays. À l’époque, avec mon regard occidental, cela me paraissait inimaginable en France. Force est que constater qu’une décennie plus tard ce que je voyais au sud de la Méditerranée est malheureusement possible dans notre pays », écrit l’élu, qui a diffusé sur son compte Twitter de larges extraits de ce courrier. « Comment a-t-on pu en arriver là ? Il faut identifier les raisons de cette Bérézina industrielle ainsi que les responsables de ce Waterloo énergétique pour la France et les Français », pointe encore Alain Joyandet. Une interrogation qui renvoie en creux à la stratégie du nucléaire civil de la France. « Je ne vise que ça ! », assume l’élu auprès de Public Sénat. « Mon but est de savoir pourquoi nous avons démantelé notre capacité de production, et quel était le plan, à l’époque, pour compenser cette perte. »

« Un politique qui prend une décision publique le fait sur la base de projections, d’informations techniques, de rapports scientifiques… Leurs auteurs doivent être entendus »

Au milieu des années 2000, la production d’électricité nucléaire connaît un pic, représentant près de 80 % de la part totale d’électricité en France. En 2020, la production nucléaire accuse une baisse sensible de 11,6 % par rapport à 2019, selon les données du gestionnaire RTE. La même année (2020), les deux réacteurs de Fessenheim, la plus vieille centrale française, ont été mis à l’arrêt, conformément à une décision prise sous François Hollande et confirmée par Emmanuel Macron. Le socialiste s’était engagé à réduire de 75 % à 50 % l’électricité produite par le nucléaire d’ici à 2025, une décision souvent présentée comme politique afin d’obtenir le ralliement des écologistes à la majorité présidentielle. « Ce sont des décisions publiques particulièrement graves qui ont été prises », commente Alain Joyandet. « Les responsables de l’époque doivent s’en expliquer, au-delà de la pression politique et de l’accord électoral avec les Verts ».

Aussi, le sénateur ne vise pas seulement les responsables aux commandes sous le quinquennat de François Hollande, mais leurs différents conseillers et l’ensemble des acteurs susceptibles d’avoir influencé la prise de décision. « Il n’y a pas que les politiques. Il faut recouper les informations, c’est l’objectif d’une commission d’enquête. Un politique qui prend une décision publique le fait sur la base de projections, d’informations techniques, de rapports scientifiques… Leurs auteurs doivent être entendus », souligne Alain Joyandet. Si l’élu a sollicité Gérard Larcher de son propre chef, la droite sénatoriale pourrait éventuellement reprendre cette demande d’enquête via la niche parlementaire du groupe LR. « C’est notre devoir, en tant qu’héritiers du gaullisme, d’enquêter. Le général a été le fondateur de la grande politique énergétique de la France, il est normal que nous demandions des comptes », insiste-t-il.

Au sortir de la pandémie de covid-19, plus de la moitié du parc nucléaire français s’est retrouvée à l’arrêt, d’une part à cause de travaux de maintenance reportés pendant la crise sanitaire, d’autre part en raison de problème de corrosion mis au jour dans douze réacteurs. EDF prévoit que sur les 56 réacteurs nucléaires que compte la France, 46 soient de nouveau opérationnels au 1er janvier 2023. En parallèle, Emmanuel Macron a annoncé en février dernier la relance de la filière, avec la construction d’au moins six nouveaux EPR pour une mise en service à partir de 2035.

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