Si l’État d’urgence devrait se terminer début juillet, ce n’est pas la fin des « mesures d’urgence » : un projet de loi présenté mercredi en Conseil des ministres prévoit que l’État d’urgence sanitaire soit suivi par un régime dérogatoire jusqu’au 10 novembre. Une période de 4 mois, pendant laquelle le gouvernement va pouvoir restreindre certaines libertés.
« Petit à petit, on grignote sur les libertés publiques. On affaiblit le Parlement. On fait croire qu’à coup d'ordonnances, c'est l'exécutif qui sait mieux faire » déplore Marie-Noëlle Lienemann (rattachée au groupe communiste), invitée de Parlement Hebdo. La sénatrice se dit favorable à « la sortie de l’État d’urgence, mais contre les dérogations ».
« Il y a une espèce de culture de généralisation de l'État d'urgence » analyse-t-elle, avant de mettre en avant la différence des gestions politiques de la crise chez nos voisins européens. « Les autres pays de l'Union Européenne, ils n'ont pas d'État d'urgence. Ils vivent quand même, ils ont pris des mesures quand même. Qu'on arrête de nous faire croire que dans ce pays on n'a pas d'outils pour agir quand il y a un problème majeur qui se pose quelque part. »
Les manifestations interdites ?
En pleine période de contestation sociale, entre les manifestations prévues pour dénoncer la situation des soignants et les mouvements anti-racistes après la mort de George Floyd, Marie-Noëlle Lienemann voit une complaisance de la part de l’exécutif sur ce projet de loi. « La loi elle n’est pas là pour être à géométrie variable. Je vois bien la pression qu'il y a pour essayer de tuer les mouvements sociaux. Les règles juridiques doivent permettre à l'émotion populaire de s'exprimer. »
Une sorte de « tentation » du gouvernement à étouffer la contestation sous couvert de prudence sanitaire. « C'est une tentation que l'on voit dans la plupart des pays. Parce que comme le libéralisme crée un système d'inégalités accrues, de violences accrues, leur réponse c'est : il faut absolument réduire les libertés » déplore-t-elle. La sénatrice voudrait un renforcement du rôle du Parlement, et plus de discussion entre l’exécutif, les députés et les sénateurs. « Non, ce n'est pas une faiblesse d'associer le parlement aux décisions publiques. »