Petite enfance : le recours par le gouvernement à un cabinet de conseil interroge le Sénat et les experts
Plus de 425 000 euros facturés au ministère de la Santé par le cabinet Roland Berger pour plancher sur la petite enfance, c’est l’une des révélations de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil. Cette information a fortement surpris certains experts d’une commission présidée par Boris Cyrulnik qui travaillait sur le même sujet au même moment.
Y a-t-il eu un mésusage du recours à un cabinet de conseil de la part du gouvernement au sujet de la petite enfance ? C’est une question qui reste en suspens trois semaines après la remise du rapport de la commission d’enquête du Sénat.
En septembre 2020, après un an de travail, la commission d’experts sur les 1 000 premiers jours de l’enfant présidée par le neuropsychiatre, Boris Cyrulnik, remettait son rapport au gouvernement. Leurs préconisations, comme l’allongement du congé paternité, la généralisation de l’entretien prénatal précoce, la prise en charge de la dépression post-partum sont déployées sur le terrain ou en passe de l’être. « Le grand projet des 1 000 jours vise à donner les mêmes chances à chacun indépendamment de sa naissance », a encore salué Emmanuel Macron ce week-end lors de son meeting de la Défense Arena.
Le gouvernement avait-il vraiment besoin d’avoir recours à un cabinet de conseil pour épauler cette commission ? Quelle a été la plus-value de ce cabinet qui justifiait un montant de plus de 425 000 euros ? Et pourquoi ne pas avoir informé les 18 experts de la commission présidée par Boris Cyrulnik, qu’un travail parallèle était mené par un cabinet privé ?
Des questions mises en lumière par le rapport du Sénat qui fait état d’une prestation facturée 425 565,60 euros au cabinet Roland Berger pour différentes missions du projet « les mille premiers jours de l’enfant ». Le Sénat compare ce montant avec l’évaluation négative de la direction ministérielle de la transformation publique (DITP). Elle décrit, effectivement, une prestation « pas au niveau » et « pas à la hauteur d’un cabinet de stratégie ».
« On ne pensait pas qu’autant d’argent était en jeu »
Interrogé par L’Obs mardi, Boris Cyrulnik s’est dit « étonné » et « désorienté » par les révélations de la commission d’enquête du Sénat.
Isabelle Filliozat, psychothérapeute et vice-présidente de la commission d’experts dénoncent « le manque transparence » du Secrétariat d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles. « Je me sens maltraitée et j’ai l’impression d’avoir été utilisée », confie-t-elle à publicsenat.fr. A l’époque, Isabelle Filliozat avait bien perçu que les services du ministère travaillaient en parallèle de leur mission. « Nous savions qu’ils avaient mené des consultations auprès des parents, des syndicats, des gens de la PMI… On se disait que ce n’était pas vraiment utile car nous les avions nous-même auditionnés. Mais on ne pensait pas qu’autant d’argent était en jeu. Des membres de notre mission venaient parfois de loin. Ils étaient défrayés de 10 euros pour le déjeuner et avaient à peine de quoi se payer une chambre d’hôtel. Le ministère nous disait même qu’il n’avait pas le budget pour faire traduire notre rapport en anglais ».
« Mais ça n’a rien à voir. Nous sommes des universitaires. On nous consulte, ça fait partie de notre job. Et on le fait gratuitement pour l’intérêt général », estime pour sa part, Alexandra Benachi, responsable du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Antoine Béclère, également vice-présidente de la commission d’experts.
« Surprise » par la révélation de cette prestation d’un cabinet de conseil, Alexandra Benachi craint surtout qu’elle ne « décrédibilise » son travail « et celui réalisé par Adrien Taquet et ses équipes pour que notre rapport ne reste pas dans un tiroir ». « Je vois que les choses se mettent en place sur le territoire. Après, ce n’est pas à moi de vous dire si oui ou non le ministère avait besoin d’un cabinet de conseils pour décliner sur le terrain nos préconisations. Quelque part, ça ne me regarde pas », ajoute-t-elle. (Contacté par publissenat.fr, le cabinet d’Adrien Taquet n’a pas encore donné suite à nos sollicitations à l’heure où nous écrivons ces lignes)
Quand le représentant de Roland Berger présentait la « vraie valeur ajoutée » de son cabinet
Ce sujet regarde le Sénat dont l’une des fonctions institutionnelles est de contrôler l’action du gouvernement. En janvier dernier, la rapporteure communiste de la commission d’enquête, Éliane Assassi interrogeait Laurent Benarousse, associé chez Roland Berger sur la nature de cette prestation facturée plus de 425 000 euros.
« L’objectif était d’organiser au mieux pour le nouveau-né, mais aussi pour la maman, l’accès aux services publics », répond le représentant du cabinet Roland Berger qui confirme que le travail a été mené « en collaboration avec les services de l’État, à travers des ateliers, des entretiens avec des jeunes mamans […] des jeunes papas ».
Laurent Benarousse insiste également sur la « vraie valeur ajoutée » de la prestation de son cabinet « C’est une expertise que de savoir écouter, prendre le temps, concilier, convaincre les agents de l’État de changer. C’est ce que nous avons mis en place dans ce projet ». (voir la vidéo)
L’allongement du congé paternité décidé en amont ?
« Ce qui me choque, c’est de lire que ce cabinet de conseil a contribué aux recherches de notre mission », insiste Isabelle Filliozat. La psychothérapeute a désormais des interrogations sur la prise en compte des recommandations de la mission par le gouvernement. « Nous demandions l’allongement de congé paternité. C’est effectif et c’est très bien mais nous demandions une durée plus longue qu’un mois. Et avec Boris Cyrulnik nous pensons que cette mesure était décidée avant la mise en place de notre mission. De même le gouvernement a mis en place une ‘’bébé box’’ pour les jeunes parents, nous n’avons jamais recommandé cette mesure ».
« Nous avions une feuille de route fixée dès le début par le ministère avec les points que nous devions aborder. Il me semble normal qu’Adrien Taquet ait voulu réfléchir pour voir si telle ou telle mesure était financée », tempère l’autre vice-présidente de la mission, Alexandra Benachi.
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