Alors que revoilà une pétition ! Face au succès de la mobilisation contre la loi Duplomb avec une pétition qui recueille désormais plus d’1,8 million de signatures, l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU, SOLIDAIRES) a déposé la sienne mardi 22 juillet. Dans son viseur : les coupes budgétaires et « l’année blanche » annoncées par François Bayrou le 15 juillet dernier. Au total, le Premier ministre a annoncé un effort budgétaire de 43,8 milliards d’euros pour tenir la trajectoire de réduction du déficit.
« Vol de 2 jours fériés, baisse des pensions, des allocations familiales, du RSA, des salaires dans la fonction publique, doublement des franchises médicales, suppression de 3 000 postes de fonctionnaires… Ça ne passera pas ! », a déclaré sur X la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, invitant à signer la pétition. « Tout fait l’unanimité contre les propositions », assure de son côté Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
Intitulée « Budget Bayrou : ça suffit ! », la pétition, qui a déjà recueilli plus de 100 000 signatures, qualifie les mesures annoncées par le Premier ministre de « brutales, injustes et inefficaces ». Elle réclame l’arrêt des « sacrifices sur le monde du travail » et l’ouverture de la « discussion sur la progressivité de la fiscalité, la contribution des hauts revenus ou des patrimoines, et la légitimité de l’optimisation fiscale ». C’est la première fois depuis le mouvement des retraites de 2023 que les syndicats s’expriment à l’unisson. Au plus fort des mobilisations, le mouvement a rassemblé plus de 3 millions de personnes dans les rues partout en France.
Le succès des pétitions
« Le succès de la pétition Duplomb a forcément influencé l’intersyndicale à déposer la sienne », juge Jean-Marie Pernot, spécialiste du syndicalisme et des mouvements sociaux. Depuis quelques années, grâce au développement du numérique et des réseaux sociaux, le recours aux pétitions tend à se banaliser et conduit parfois à de vrais effets de mobilisation. En 2018, la pétition de « l’Affaire du siècle », qui mettait en cause l’Etat pour son inaction climatique, avait recueilli plus de deux millions de signatures. Trois ans plus tard, le tribunal administratif reconnaissait la faute de l’Etat en la matière.
« En 2016 également, la pétition contre la loi Travail de Myriam El Kohmri a largement accéléré le calendrier de la mobilisation syndicale », se souvient Stéphane Sirot, historien du syndicalisme. « Reste à savoir si le succès de cette pétition peut se traduire en une mobilisation concrète. Car la démarche syndicale, c’est avant tout de créer une dynamique pour les mobilisations à venir ».
L’union qui cache la division du conclave ?
Pourtant l’intersyndicale n’évoque pas la suite dans sa pétition si ce n’est le refus du « musée des horreurs » et la défense du modèle social. « Peut-être se disent-ils que cela va de soi », s’interroge Stéphane Sirot. « Seulement, la mobilisation contre la réforme des retraites de 2023 n’est que très peu évoquée, elle a pourtant été l’une des plus grandes mobilisations sociales de ces dernières années ».
Cet « oubli » s’explique peut-être par l’échec du conclave sur les retraites, initié par François Bayrou en mars dernier. Censée trouver un point d’accord après l’adoption de la réforme des retraites deux ans plus tôt, l’initiative tourne court. Dès les premières semaines, Force ouvrière annonce quitter les concertations. La CGT suivra peu de temps après. D’autres syndicats comme la CFDT vont aller jusqu’au bout du conclave sans parvenir à obtenir une modification de la loi adoptée.
« S’ils ne forment pas de menace pour la rentrée c’est peut-être qu’ils ne sont pas tout à fait d’accord sur la manière de riposter », analyse Stéphane Sirot pour qui le conclave sur les retraites a laissé des stigmates. « Malgré tout, il y a un héritage avec la mobilisation de 2023. La preuve, les échanges entre eux se poursuivent ». Le chercheur pointe cependant la difficulté de maintenir une position et une stratégie commune : « Nous avons ces dernières années huit syndicats qui se veulent de niveau national, c’est la première fois dans l’histoire. Comme au niveau européen, il est difficile de trouver une position commune avec 27 pays ».
« Ils ont un doute sur leur force »
Malgré une légère augmentation après le mouvement contre la réforme des retraites, le taux de syndicalisation ne cesse de reculer en France. Moins de 10 % des salariés déclarent adhérer à un syndicat contre environ 18 % dans la fonction publique. Un niveau historiquement bas. « Quand les syndicats commencent à utiliser des outils [pétitions] généralement mobilisés par les citoyens c’est peut-être qu’ils ont un doute sur leur force ou sur leur capacité à mobiliser ».
Dès lors l’intersyndicale pourrait bien se greffer aux mobilisations qui s’annoncent à la rentrée. En réaction au plan budgétaire de François Bayrou, un collectif d’une vingtaine de personnes s’est formé sur les réseaux sociaux et appelle à la mobilisation le 10 septembre prochain. Se disant apolitique et hors syndicat, le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur. Une forme de résurgence du mouvement des Gilets Jaunes qui, à l’origine, s’était déclenché par une pétition…