"Faire une différence" pour éviter l'"effondrement" de l'humanité: le gouvernement a promis mercredi de s'attaquer "à bras le corps" à la disparition accélérée de la biodiversité, se fixant des objectifs ambitieux toutefois critiqués pour le manque de moyens.
"Non, tout le monde ne s'en fiche pas, et certainement pas ce gouvernement", a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe, en référence au cri de détresse de Nicolas Hulot qui avait en mars lancé devant les députés: la biodiversité, "tout le monde s'en fiche".
"Nous sommes bien décidés à prendre cet enjeu à bras le corps" et "nous avons la possibilité de faire une différence", a-t-il assuré aux côtés de son ministre de la Transition écologique.
Pour donner ce "coup d'envoi d'une très grande mobilisation", le chef du gouvernement a réuni plusieurs ministres au Muséum d'histoire naturelle alors que "le rythme actuel d'extinction des espèces est sans équivalent depuis la fin des dinosaures il y a 65 millions d'années".
Abeilles décimées, campagnes vidées de leurs oiseaux, insectes volatilisés, espaces naturels grignotés... Le constat d'un déclin accéléré du monde du vivant est sans appel.
Au coeur de la centaine de mesures, à l'esprit plus incitatif que contraignant, figurent la gestion des plastiques, la réduction de l'artificialisation des sols, le rôle des agriculteurs.
Alors que la France perd l'équivalent d'un département comme la Loire-Atlantique tous les dix ans en espaces naturels et agricoles, le gouvernement se fixe l'objectif de zéro artificialisation nette. Ce qui veut dire compenser chaque surface bétonnée ou goudronnée par la même superficie rendue à la nature ailleurs. Mais l'échéance pour cet objectif doit encore être discutée, avec les collectivités locales notamment.
"On va prendre un an pour se fixer une date", a précisé Nicolas Hulot, satisfait de voir ce sujet de la biodiversité "sortir d'une sorte d'indifférence".
Le gouvernement va aussi débloquer 150 millions d'euros d'ici 2021 pour "rémunérer" les agriculteurs agissant pour restaurer les milieux: haies, mares...
Pour les océans, le plan prévoit de "supprimer progressivement" les produits en plastique à usage unique trouvés le plus fréquemment sur les plages. L'interdiction des sacs en plastique ou des cotons-tiges est déjà décidée, celle des pailles ou des touillettes votée par le Sénat sera soutenue par le gouvernement.
- Financements -
Nicolas Hulot veut agir avec la biodiversité comme avec le climat: mobiliser toutes les strates de la société, citoyens, élus, entreprises.
La défense de la faune et de la flore passera par la création ou l'extension de 20 réserves nationales d'ici la fin du quinquennat, financées par le gouvernement.
Autre mesure, un plan, dès cette année, pour protéger les cétacés du risque d'échouage ou de capture accidentelle.
Pour "enrayer la disparition silencieuse de la biodiversité", le plan réaffirme l'interdiction du glyphosate dans ses principaux usages d'ici 2021 et pour tous usages d'ici 5 ans. Comme prévu depuis la loi de 2016, le recours aux pesticides néonicotinoïdes sera prohibé au 1er septembre (avec dérogations possibles).
Au total, le gouvernement chiffre à 600 millions d'euros sur quatre ans les crédits "supplémentaires" pour financer ce plan, dont 250 millions pour un vaste champ allant de la restauration des milieux au développement de la nature en ville, en passant par la lutte contre le plastique. Mais certaines de ces sommes étaient déjà connues.
"On va gratter 100 millions ici, 30 millions là..., on voit bien qu'il n'y a pas de volonté de mettre les moyens", déplore le président de la Ligue pour la protection des oiseaux Allain Bougrain-Dubourg, assurant ne pas voir "d'initiatives nouvelles".
Même regret côté financement pour le directeur de WWF France Pascal Canfin, qui souligne que ce plan constitue "une avancée, un accélérateur".
"On franchit une étape importante avec ce plan, celle de mettre (enfin) la biodiversité au coeur des ambitions de la transition écologique (...) Reste à se donner les moyens des ambitions", a également commenté Sandrine Belier, de Humanité et Biodiversité.
La biodiversité n'en est pas à son premier "plan": il y a eu la stratégie nationale 2011-202O, les conférences environnementales des années Hollande, la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016... Et en parallèle le processus de négociations internationales.
A chaque fois, les diagnostics sont posés, des mesures annoncées, dont certaines mises en oeuvre plus vite que prévu comme l'interdiction des pesticides dans les espaces publics.
Mais la nature, indispensable à la survie de l'humanité perd en espèces et en espaces. Et le mouvement s'accélère.
Pour ses défenseurs, il faut engager un changement radical de modèles, agricoles comme urbanistiques, et de profondes réformes, fiscales notamment.