Ce chiffre ne nous a malheureusement pas surpris à la commission des lois du Sénat car, après la mort brutale du maire de Signe, dans le Var, le 5 août 2019, nous avions fait une enquête grandeur nature auprès de tous les maires de France pour prendre la mesure du phénomène avant toute réaction.
Nous avions pu mesurer déjà qu’entre 2014 et 2019, une grande proportion de maires indiquait que la situation s’était fortement dégradée. Cela va des insultes aux dégradations des maisons ou des voitures, en passant par des coups et blessures, des menaces, le harcèlement, la mise en cause des conjoints et des enfants… Tout ce qui peut rendre la vie invivable.
Donc nous avons, dès octobre 2019, rendu public douze recommandations. Une partie d’entre elles a été suivie d’effets, mais reste un certain nombre de recommandations à appliquer et c’est la raison pour laquelle, face à la multiplication des agressions au mois de juillet, j’ai demandé par lettre au Premier ministre qu’un plan gouvernemental pour la sécurité des maires soit mis en place urgemment.
Pour vous, quelle devrait être la priorité du gouvernement en la matière ?
La première, c’est la protection du maire. Quand on agresse un maire, on n’agresse pas seulement un élu, mais aussi un agent de l’État qui est officier de police judiciaire, qui est responsable de la sécurité et de la tranquillité publique dans sa commune.
Donc on ne peut pas laisser sans défense les maires, de même que lorsque qu’on attaque un gendarme ou un policier, c’est un facteur aggravant dans les sanctions pénales. Nous avons par ailleurs demandé la mise en place dans chaque préfecture d’une cellule de contact avec laquelle les maires pourraient entrer en relation en cas d’agression, pour être conseillés dans leurs démarches et être soutenus.
Nous avons demandé que la protection juridique du maire soit mise en place automatiquement
Nous avons demandé aussi que la protection juridique du maire soit mise en place automatiquement, et non pas à la suite d’une délibération du conseil municipal, parce que certains maires répugnent à réunir leur conseil municipal pour leur propre compte. Et on peut le comprendre.
Il y a aussi les instructions données aux procureurs, dont on a vu qu’elles n’étaient pas toujours respectées. Il y a eu un cas dans la Manche, à Portbail, où l’affaire a été classée sans suite. Chaque agression doit donner lieu à des poursuites et c’est au tribunal d’apprécier la gravité de l’agression pour proportionner la sanction à celle-ci.
En l’occurrence, à Portbail, l’auteur de l’agression n'avait reçu qu un simple rappel à la loi...
Je pense que pour assurer l’ordre républicain, ou le rétablir quand il est compromis, cela passe d’abord par le renforcement des maires. Ils sont le premier visage de l’autorité républicaine. C’est l’autorité républicaine de proximité, or si cette autorité n’est pas respectée, on peut craindre pour toutes les autres autorités.
On demande donc qu’une attention particulière soit apportée – dans l’intérêt du maire, qui est un citoyen français qui se dévoue au service de sa commune –, mais aussi dans l’intérêt de leurs concitoyens. Car ce sont eux, les maires, qui assurent la paix civile et si chacun fait ce qui lui plaît alors c’est la loi de la jungle.
Que la sanction soit proportionnée, mais qu’elle soit certaine
Impolitesse, injures, agressions... Il y a d’un côté ce que l’on appelle les « incivilités » et de l’autre des délits, voire des crimes…
Il faut faire confiance à la justice. Mais, dans tous les cas, l’important est que la justice se prononce et qu’elle soit sévère. C’est comme si un gendarme ou un policier est attaqué. Si ceux qui sont chargés de faire respecter la loi ne sont pas protégés alors il n’y a plus de respect possible pour la loi.
Naturellement, il faut avoir le sens de la mesure. Il peut y avoir des bousculades qui ne sont pas des coups et blessures… Il y a toujours une part d’interprétation. Mais cela doit être l’exception, dans le cas général, il faut aller au tribunal, y aller vite, que la sanction soit proportionnée, mais qu’elle soit certaine.
Vous avez parlé de la nécessité de « renforcer l’autorité des maires ». Qu’entendez-vous par là ?
Aujourd’hui, quand un individu commet des violations à un arrêté municipal, il faut entreprendre une procédure de plainte et puis attendre des mois pour que cela soit éventuellement jugé par un tribunal.
Or, très souvent, il s’agit de violations caractérisées qui n’ont pas besoin d’une enquête pour être établies. Donc nous demandons que le champ des amendes purement administratives soit étendu, c’est-à-dire que les amendes forfaitaires puissent être directement prononcées par le maire, sans avoir besoin de passer par le tribunal.
Cela nous paraît vraiment être un élément important pour faire respecter son autorité. Par ailleurs, il faudrait aussi que les policiers municipaux puissent recueillir le produit des amendes par un simple timbre-amende. Cela serait une simplification de la procédure et permettrait de faire respecter davantage l’autorité municipale.
Il est temps de reprendre le dossier en main car la situation s’aggrave
Alors comment faire dans les communes rurales, qui n’ont pas les moyens de constituer une police municipale ?
Quand elles sont à plusieurs dans une communauté de communes, elles peuvent le faire. Il faut donc qu’on incite fortement la création de polices intercommunales pour faciliter l’application des lois dans nos communes rurales.
C’est un ensemble de mesures qu’il faut mettre en œuvre. Il est temps de reprendre le dossier en main car la situation s’aggrave.