Philippe Martinez : « Les conditions ne sont pas réunies pour rouvrir les écoles »
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, pense que les conditions ne sont pas réunies pour une réouverture des écoles le 11 mai et milite pour un report en septembre. Il appelle également le gouvernement à engager un vaste plan en faveur des hôpitaux et des EHPAD. Enfin, il dénonce l’absence d’encadrement du télétravail. Il répond aux questions d’Oriane Mancini.

Philippe Martinez : « Les conditions ne sont pas réunies pour rouvrir les écoles »

Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, pense que les conditions ne sont pas réunies pour une réouverture des écoles le 11 mai et milite pour un report en septembre. Il appelle également le gouvernement à engager un vaste plan en faveur des hôpitaux et des EHPAD. Enfin, il dénonce l’absence d’encadrement du télétravail. Il répond aux questions d’Oriane Mancini.
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Par Oriane Mancini

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Le déconfinement au 11 mai :

« Un des soucis majeur que pose ce déconfinement, c’est la protection. Il y a toujours un débat sur les masques. Qui doit en porter ? Qui ne doit pas en porter ? Nous considérons que tout le monde devrait en porter et qu’ils devraient être gratuits. Par exemple, la grande distribution qui en a beaucoup comme par hasard et qui a gagné beaucoup d’argent ces derniers mois, devrait les mettre à disposition des citoyens gratuitement. On attend aussi des réponses sur l’école car tout n’est pas clair. Quid des parents qui refuseront d’envoyer leurs enfants à l’école faute de garanties sur la sécurité et surtout quid de la réaction de leurs employeurs ? Et il y a la question des transports et particulièrement en Ile-de-France ».

 

La reprise du travail :

« Il y a déjà beaucoup de salariés qui ont repris le travail. Ce que nous disons depuis le début c’est qu’il faut qu’ils soient protégés via les masques, le gel et les gestes barrières. Tout est loin d’être réglé. Le confinement pèse sur les citoyens moralement et financièrement donc je comprends cette volonté de retourner au travail mais ça ne doit pas être au détriment de sa santé. L’expérience montre que dans le commerce ou la sécurité, de nombreux salariés n’ont pas eu suffisamment de protections. Si les moyens et les consignes de protections sont respectés au moins il y a toutes les garanties. C’est aux employeurs d’abord de s’assurer du respect de ces consignes ou sinon de dire à leurs employés de ne pas venir travailler. C’est ensuite de la responsabilité de l’État de garantir une égalité de traitement des salariés en mettant par exemple des masques à disposition gratuitement. »

 

Les plaintes contre des ministres :

« Dans la mesure où la responsabilité de ces ministres est fondée, oui il faut le non-respect. Les consignes gouvernementales ont été fluctuantes et particulièrement sur le port du masque. Nous nous sommes battus pour que les activités non essentielles soient arrêtées par exemple mais le gouvernement a refusé. Il y a une responsabilité de l’État avec un discours ambigu qui permettait aux gens d’aller bosser mais de rester chez eux quand il s’agissait des loisirs. »

 

Les transports publics :

« Nous n’avons pas signé l’accord visant à étaler les horaires d’embauche dans les entreprises en Ile-de-France. C’est un accord très théorique mais difficile à mettre en œuvre et qui remet en cause les droits des salariés. Les horaires décalés ne sont pas applicables partout. Dans les usines automobiles, c’est impossible. On va imposer des horaires aux salariés alors qu’ils ont des contraintes familiales déjà fortes. C’est un texte qui incite les gens à aller travailler mais en mettant de côté leurs droits et obligations. Il y a aussi beaucoup d’inquiétudes parmi les salariés des transports. Qui va faire respecter les gestes barrières dans les transports ? Qui va s’occuper des personnes qui ne porteraient pas de masque ? C’est un accord théorique mais qui soulève beaucoup de problèmes. »

 

Le télétravail :

« Il y a un texte de 2005 sur le télétravail et un rapport devait l’encadrer voilà 3 ans. Les ordonnances prises pendant cet état d’urgence sanitaire ont cassé la majorité de ce texte. Il faut l’encadrer notamment pour répondre à la question des horaires ou encore des frais engagés par les salariés. Le télétravail c’est contraignant, ce n’est pas travailler et s’occuper de ses enfants en même temps. C’est un sujet qui est sur la table mais le gouvernement comme les employeurs ne sont pas pressés à l’encadrer. Les employeurs se satisfont bien de ces millions de salariés qui travaillent à la maison avec des règles floues et des horaires à rallonge. Le patronat n’est pas très enthousiaste à l’idée d’encadrer le télétravail. » 

 

La réouverture des écoles :

« Nous pensons que les écoles auraient dû rouvrir en septembre car les conditions ne sont pas réunies pour protéger les enfants et le personnel. La notion de volontariat est floue. Quels parents seront prioritaires ? Nous disons à l’État que la meilleure solution aurait été de les rouvrir en septembre. Je salue d’ailleurs le travail des enseignants dans cette période de confinement qui n’étaient évidemment pas en vacances mais qui ont continué à encadrer les élèves. On a l’impression qu’en France, on a décidé de renvoyer les petits à l’école parce qu’ils ne peuvent pas se garder tout seul et ainsi permettre aux parents d’aller travailler. »

 

Une prime pour les salariés des EHPAD :

C’est une forme de reconnaissance. Quand on est payé au SMIC, une prime c’est comme un 13ème mois mais une juste reconnaissance aurait été d’augmenter les salaires. Le malaise dans ces établissements ne date pas de cette crise. Il y a eu des mobilisations pour demander plus de personnels, de moyens et une reconnaissance des qualifications. Le gouvernement devrait annoncer dès aujourd’hui un vrai plan de santé en faveur des hôpitaux et des Ehpad avec des embauches supplémentaires. Rien que dans les Ehpad, il faudrait 200 000 soignants en plus. »

 

Le secteur de la culture :

« Nous demandions que cette année 2020 soit considérée comme blanche et que les droits des intermittents soient prolongés automatiquement. Là encore, nous avons besoin de mesures plus importantes pour rouvrir dès que possible les lieux culturels. Il y a beaucoup de milliards accordés aux grandes entreprises mais il y a aussi besoin de donner des moyens à la culture. »

 

Plan social chez Air France :

« Il y a besoin d’une réflexion globale sur la mobilité. Il ne faut pas mettre de côté les années précédentes. On peut avoir une année difficile mais je rappelle qu’en 2019 la France a été championne du monde des dividendes versés aux actionnaires. Tout cet argent pourrait aider à éviter les licenciements. Plutôt que de ressortir les moyens traditionnels et brutaux qui consistent à virer des gens, il faut trouver d’autres solutions. La formation continue peut par exemple être une solution pour éviter des suppressions d’emplois.»

 

Le chômage partiel :

« Nous redoutons des licenciements et il y en a déjà aujourd’hui. Je précise qu’il y a 12 millions de salariés potentiellement en chômage partiel. Il faudra affiner quand les demandes seront réellement faites. On peut se féliciter qu’il y ait des mesures sociales dans notre pays comme le chômage partiel. On est mieux ici qu’aux États-Unis et c’est bien de le rappeler dans ce genre de période. Il faut être vigilant face à la tentation pour certaines entreprises d’évoquer la crise pour réaliser des restructurations dans les tiroirs. »

 

Le temps de travail :

« Moi je ne comprends pas comment on pourrait résorber le chômage en faisant travailler plus ceux qui ont un travail. Au contraire, il faut travailler moins pour libérer du temps et du travail pour ceux qui n’en n’ont pas. C’est pour cette raison que notre proposition de 32 heures hebdomadaires est plus que jamais d’actualité. Vous savez dans les hôpitaux, ils n’ont pas attendu de décrets pour travailler plus et sauver des vies. Nous on croit à la conscience professionnelle et au sens du travail. Il n’y a pas besoin d’ordre pour bien faire son boulot si l’on est convaincu qu’on nous laisse bien le faire. C’est ridicule et une défiance vis-à-vis des salariés que de parler ou décréter de travailler plus. Les personnels soignants ont montré un bel exemple. »

 

Pendant toute la période du confinement, retrouvez chaque jour de semaine à midi notre interview politique, en ligne sur publicsenat.fr et notre chaîne YouTube.

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