Direct. Suivez le vote du Sénat sur le budget 2025
Alors que le projet de loi de finances sera voté aujourd'hui au Sénat, l’issue du scrutin fait peu de doutes. La majorité sénatoriale de droite et du centre devrait voter en faveur du budget.
Par Public Sénat
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Plus les textes budgétaires défilent, et plus les inquiétudes sur la trajectoire des finances publiques, grandissent. Comme c’est l’usage, Pierre Moscovici était auditionné ce 3 juin 2021 par la commission des finances du Sénat, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, pour commenter le projet de loi de finances rectificative. Comme pour les précédentes lois de finances initiales ou rectificatrices, le Haut conseil doit replacer les mouvements budgétaires sur une perspective plus longue, et donner son appréciation du scénario macroéconomique du gouvernement.
Le rechargement des mécanismes d’urgence, prévu dans le projet de loi de finances présenté la veille en Conseil des ministres, va venir dégrader un peu plus le déficit budgétaire en 2021. Il devrait passer de 9,2 % (selon la loi de finances initiale) à 9,4 %. Mais Pierre Moscovici alerte également sur le poids des dépenses ordinaires, qui a continué de progresser ces derniers mois. « L’ampleur du déficit structurel témoigne de la situation très dégradée des finances publiques de la France en 2021 », considère-t-il.
Le niveau du déficit public pourrait évoluer à la hausse ou à la baisse, suivant le contexte du second semestre. Si le rebond économique s’avère être « plus vigoureux », avec une moindre montée en charge du plan de relance (35 milliards d’euros sur 100 ont été engagés, selon les chiffres communiqués la veille par Bruno Le Maire), alors le déficit pourrait être « amoindri », selon le Haut conseil des finances publiques. Inversement, celui-ci pourrait davantage se creuser en cas de nouvelle dégradation sur le front sanitaire, ou d’adoption de « mesures additionnelles de santé ». Pierre Moscovici a illustré son propos en mentionnant le report de la hausse du tarif du gazole non routier (utilisé dans le bâtiment et les travaux publics), du 1er juillet 2021 au 1er janvier 2023.
Côté conjoncture, le budget rectificatif a été construit par le gouvernement sur une hypothèse de croissance de 5 %, inchangée par rapport au programme de stabilité d’avril transmis à la Commission européenne. De l’avis de Pierre Moscovici, la prévision est à la fois « réaliste » et « cohérente » avec les décisions gouvernementales sur le front sanitaire. « La prudence reste quand même l’orientation dominante », a-t-il également reconnu, la situation reposant sur l’évolution de l’épidémie étant « entourée d’incertitudes importantes ».
Le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR), a tout de même noté que le chiffre arrêté par Bercy était loin des 5,8 % calculés par l’OCDE. Un « écart significatif » qui appelle quelques explications, selon lui. Pour le président de la Cour des comptes, l’écart entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des autres instituts « s’explique en partie » par la révision très récente des statistiques de l’Insee pour le premier trimestre. « Les autres instituts devraient revoir leur estimation à la baisse », a-t-il tablé. Il n’exclut pas cependant quelques « marges » de progression pour le chiffre de la croissance 2021. « On peut attendre de bonnes surprises », a-t-il déclaré.
Au chapitre de la dette, qui a augmenté de 20 points depuis le début de la crise pour atteindre les 117 % du PIB, Pierre Moscovici a estimé que les taux d’intérêt représentaient un « point de vulnérabilité incontestable ». Depuis le début de l’année, le coût des emprunts pour l’Etat s’est renchéri. En décembre encore, la France empruntait à taux négatifs (jusqu’à -0,38 % en décembre). Cela n’a évidemment pas duré. Aujourd’hui, le bon du Trésor, avec une maturité de 10 ans, n’est plus en terrain négatif. Il est à 0,17 %, après avoir tutoyé les 0,30 % mi-mai. Le président du Haut conseil pour les finances publiques a appelé à prendre en compte ce signal. « Il faut prendre cette remontée, extrêmement légère à ce stade et indolore, quand même, comme une piqûre de rappel. Penser qu’on peut faire n’importe quoi en matière de finances publiques parce que les taux d’intérêt pour l’éternité sont bas, est imprudent. »
L’Agence France Trésor, chargée de lever la dette sur les marchés, a récemment indiqué qu’une hausse d’un point du taux d’intérêt (soit un retour en arrière à janvier 2017) se traduirait par une hausse de la charge de la dette de 2,5 milliards d’euros la première année. Et jusqu’à 28,9 milliards d’euros à horizon dix ans. Cette crainte d’une situation moins favorable appelle à la « plus grande vigilance sur le chemin de la résorption de la dette », insiste Pierre Moscovici.
Les taux d’intérêt ne sont pas les seuls à remonter, la hausse de l’inflation a aussi fait son retour dans plusieurs régions du monde. « L’inflation pourrait se révéler un peu supérieure à la prévision du projet de loi de finances rectificative », a estimé Pierre Moscovici. Redoutée par le consommateur, l’inflation serait plutôt synonyme de bonnes nouvelles pour le budget de l’Etat. Cette inflation plus élevée « pourrait soutenir le regain des recettes publiques », selon le président du HCFP. Mais cette nouvelle vigueur de l’inflation reste « extrêmement limitée », selon ses termes, loin du niveau américain.
Interrogé par Jean-François Husson sur la durée nécessaire pour retrouver le déficit public d’avant-crise, Pierre Moscovici a estimé que le redressement ne se verrait pas de sitôt. « En toute hypothèse, il faudra du temps, et même pas mal de temps. »
D’autres sénateurs de la commission, membres de la majorité sénatoriale, ont fait part de leur pessimisme sur les montants qui se sont accumulés en plus d’un an de crise. « J’ai le sentiment d’être en apesanteur depuis quelques mois », a témoigné Philippe Dallier (LR). Son collègue Roger Karoutchi s’est demandé comment réagira la France, lorsque les budgets reviendront à une modération. S’il estime que la prise en charge des besoins en situation d’urgence était « absolument nécessaire », il considère que le discours du « quoiqu’il en coûte » était « financièrement une folie ».
« Notre sentiment, c’est que les différents pays ont en fait en gros la même chose », a tenu à rappeler le président du Haut conseil des finances publiques. « Cela ne signifie pas que notre situation est meilleure en termes de finances publiques. Elle est, à bien des égards, plus dégradée. » Et sans attendre la fin de la crise, Pierre Moscovici recommande de se pencher sur les moyens d’y répondre. « On a besoin d’un débat maintenant sur la soutenabilité de la dette en sortie de crise et sur la sortie du quoiqu’il en coûte », a-t-il conseillé, dans la foulée des ministres de Bercy qui préparent les esprits à la fin du quoiqu’il en coûte. « Il faut absolument commencer à faire de la pédagogie sur ce qu’il se déroulera dans l’après-crise et sur l’état de nos finances publiques », a-t-il insisté à plusieurs reprises.
Son institution y prendra vite sa part. Elle doit remettre dans les prochaines semaines un rapport sur situation et les perspectives des finances publiques, mais aussi les résultats d’un audit au Premier ministre.
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