« Ce n’est pas parce que c’est Paris qu’il faut en faire un psychodrame ». Ce cadre de Renaissance est optimiste. Le parti présidé par Gabriel Attal a décidé, ce mardi soir, de soutenir Pierre-Yves Bournazel pour l’élection municipale de mars prochain, à Paris. Et ça change tout. L’idée de soutenir le Monsieur élections d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, était dans les tuyaux. C’est maintenant officiel. La commission nationale d’investiture en a pris la décision à l’unanimité, moins 2 voix (la ministre Aurore Bergé et Marie Guévenoux), après qu’un comité politique s’est prononcé à la quasi-unanimité en faveur de l’ex-député. Gabriel Attal a ensuite rassemblé 300 adhérents de la capitale.
« Je connais Rachida, elle ne va certainement pas rester sans rien faire dans son coin »
Pas de psychodrame, vraiment ? Alors qu’avant l’été, tout laissait croire que Renaissance soutiendrait la ministre de la Culture, Rachida Dati, conformément au deal passé avec Emmanuel Macron ? « Dès demain, Dati va riposter », prévient ce mardi soir l’un de ses soutiens. « Je connais Rachida, elle ne va certainement pas rester sans rien faire dans son coin. Je suis persuadé qu’elle sera à l’offensive », lâche un autre datiste. En effet, ça ne tarde pas. Dès ce mercredi matin, la candidate, bien officiellement soutenue en revanche par les LR, sera aux côtés de deux figures Renaissance de Paris, à commencer par le député Sylvain Maillard, qui n’est autre que le responsable du mouvement dans la capitale, et Benjamin Haddad, ministre de l’Europe.
Le parti se retrouve divisé au moment où la campagne commence. Mais le patron du parti ne laisse pas faire. « Gabriel Attal les a reçus. Il y aura évidemment des conséquences et des mesures, qui ont déjà été discutées. On ne veut ni chasse aux sorcières, ni vaisselle cassée », prévient un cadre de Renaissance. Mais selon un journaliste de TF1, Sylvain Maillard a pris les devants et annonce se mettre « en retrait » de ses « fonctions chez Renaissance ».
« Il y a une lassitude, une fatigue du spectacle politique parisien avec du vacarme, du bruit, des polémiques », justifie un cadre de Renaissance
Une bataille à fleurets mouchetés s’ouvre maintenant entre les deux camps. Pierre-Yves Bournazel donne une interview au Parisien, Franck Riester, responsable des élections pour Renaissance, dans Les Echos. Une offensive médiatique complétée par une tribune de soutiens à Pierre-Yves Bournazel des cadres Renaissance, dans L’Opinion. Un candidat qui connaît bien les médias. Car un détail de son CV devient aujourd’hui plutôt croustillant : Pierre-Yves Bournazel avait été le conseiller presse et communication de Rachida Dati, lorsque celle-ci était ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy…
Du côté de Renaissance, on explique que « ce soutien à Pierre-Yves Bournazel était réclamé par les militants et les cadres parisiens », dans « une volonté partagée d’une campagne d’apaisement. Il y a une lassitude, une fatigue du spectacle politique parisien avec du vacarme, du bruit, des polémiques », pointe un cadre du parti. Chez Renaissance, on mise sur cette « troisième voie avec des valeurs, pas d’hystérisation et de l’apaisement », insiste-t-on. Et d’ajouter : « On présente une autre offre que le passé contre le passé ».
Et promis, Renaissance n’est pas là pour faire de la figuration. « On jette toutes nos forces dans la bataille, on y va à fond », prévient un cadre du parti de Gabriel Attal. Côté négociation sur les places, Renaissance obtient la majorité, avec 10 têtes de listes sur 17 et 55 % des places.
« L’attitude de Renaissance va à l’encontre de l’intérêt des Parisiens », déplore la sénatrice LR Catherine Dumas
Une décision qu’on regrette évidemment, côté LR, où on misait sur l’union pour augmenter les chances de victoires. « Je trouve que l’attitude de Renaissance – pas de tous, mais de ceux qui prennent cette décision – va à l’encontre de l’intérêt des Parisiens. Et je le déplore », réagit auprès de publicsenat.fr la sénatrice LR et conseillère de Paris, Catherine Dumas, proche de Rachida Dati. Elle rappelle que « pour gagner Paris, il faut que la droite se rassemble. Ils étaient d’accord pour être derrière Dati. C’est dommage qu’ils changent d’avis. En tout cas, ce n’est pas une bonne impulsion ».
Mais comment expliquer ce qui s’apparente à un revirement, certes progressif ? « C’est un ensemble de facteurs », avance-t-on chez Renaissance. Outre la personnalité clivante de la ministre, les ennuis judiciaires de Rachida Dati n’ont pas aidé. « Ça joue forcément sur le climat de la campagne », estime un cadre du parti. Mais c’est surtout la législative partielle à Paris, qui a permis l’élection en septembre de l’ex-premier ministre LR, Michel Barnier, qui a allumé la mèche. « Ça a d’abord laissé des traces chez nos militants et cadres locaux, qui ont eu le sentiment d’une relation de confiance brisée », avance un responsable Renaissance, qui évoque « deux épisodes qui ont marqué : quand elle a repris sa carte chez LR pour soutenir Laurent Wauquiez. Et quand, en dépit de ses engagements, elle a opéré un revirement de dernière minute dans le cadre de la législative partielle ». Pour rappel, en contrepartie de l’investiture LR aux municipales, Rachida Dati avait retiré sa menace de candidature à la partielle, au profit de Michel Barnier.
« Gabriel Attal s’est vexé comme un dindon »
Un soutien de Rachida Dati y va de son explication complémentaire, pour comprendre les motivations du patron de Renaissance. Elle est évidemment moins favorable pour l’ex-premier ministre. « Gabriel Attal s’est vexé comme un dindon qu’Antoine Lesieur, son protégé, conseiller et ex-chef de cabinet, ne soit pas retenu lors de l’opération de Barnier. Antoine Lesieur avait par ailleurs une visée sur la mairie du 6e, ce qui ne plaît pas au maire de l’arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, qui soutient Dati. C’est juste ça », avance ce pro Dati. Le nom d’Antoine Lesieur était cité comme potentiel suppléant de Rachida Dati lors de la législative. En cas d’élection, si cette dernière était restée ministre, Renaissance aurait pu garder le siège et Gabriel Attal voir un de ses proches élu député.
« Ce sont des raisons de personnes. En politique, l’humain, ça compte beaucoup. La gestion des gens, ça compte beaucoup », ajoute une élue parisienne. Quelles que soient les raisons profondes, le résultat est là : la droite et Renaissance partent divisés. Quelques bonnes âmes ont bien tenté de recoller les morceaux qui étaient en train de se séparer, comme l’ancien sénateur LR, Pierre Charon. Celui qui a eu l’oreille du Président ces dernières années connaît par ailleurs très bien Pierre-Yves Bournazel. Ce dernier avait été son directeur de campagne, lors des sénatoriales de 2011, où Pierre Charon avait réussi à être élu, malgré une candidature dissidente. De quoi mettre du lien, au moment où il faudra.
« Gabriel Attal ferait bien de faire attention, dans les Hauts-de-Seine, c’est une circonscription de droite qu’on lui a prêtée »
Mais pour l’heure, la température monte. Certains, sous couvert d’anonymat, lâchent quelques menaces à peine voilées. « Il y a beaucoup de députés Renaissance de Paris qui iront avec Dati, sinon, ils auront des candidats contre eux. Ils veulent rester députés », avance un soutien de la ministre, qui vise aussi le secrétaire général de Renaissance : « Gabriel Attal ferait bien de faire attention, dans les Hauts-de-Seine, c’est une circonscription de droite qu’on lui a prêtée. Si LR dit on la reprend… Il ne faut pas qu’il oublie ça ».
Reste encore une autre solution : en rire. « Je ne savais pas que Renaissance avait adopté le même slogan de « la droite la plus bête du monde », raille un observateur avisé. Mais le même « pense que ça finira bien à la fin. Ça passe toujours par des moments de tension. C’est en ce moment ».
« L’idée, c’est de les ramener à la raison », confirme Catherine Dumas. Surtout qu’« à Paris, rien n’a jamais été tant ouvert » pour la droite, ajoute la sénatrice LR. « Après, les sondages vont s’occuper du reste », glisse un autre pro Dati, qui compte sur l’effet « vu à la télé », soit la notoriété de la ministre de la Culture, pour tuer le match face au responsable Horizons, qui avait déjà tenté d’être candidat lors des municipales de 2020, avant de se retirer au profit de Benjamin Griveaux.
« Il faut que la riposte soit graduée. Il ne faut pas que ce soit irréconciliable »
Mais si la division sonne avec défaite en politique, elle peut aussi avoir son avantage. Celui de créer une réserve de voix pour le second tour, alors que la gauche, qui part aussi divisée, pourra compter sur ce coup de boost au moment fatidique. Un représentant de la droite va jusqu’à penser que « c’est mieux qu’il soit candidat, car il y a un apport pour Dati au second tour ». Méthode Coué, volonté de minimiser ou savant calcul ? En politique, il ne faut jamais insulter l’avenir. Un élu rodé à la politique parisienne et ses coups de billard à plusieurs bandes le sait bien : « Il faut que la riposte soit graduée. Il ne faut pas que ce soit irréconciliable ». S’il ne réussit pas son pari, Pierre-Yves Bournazel, ancien de l’UMP et des LR jusqu’en 2017, se rappellera peut-être qu’il est issu du même parti que Rachida Dati. A moins qu’il ne réussisse à inverser la vapeur et faire mentir les sondages.