Plainte contre Audrey Pulvar : « Gérald Darmanin a voulu marquer le coup », estime François Patriat
Le ministre de l’Intérieur a annoncé dimanche porter plainte contre l’adjointe à la mairie de Paris pour certains de ses propos concernant la police. Avant de rétropédaler et de proposer un entretien à la candidate en Ile-de-France.
Par Pierre Maurer, images Alexis Vallée
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La polémique des deux derniers jours finit en pétard mouillé. Après avoir provoqué un pataquès en annonçant porter plainte contre Audrey Pulvar la tête de liste des socialistes aux régionales en Ile-de-France qu’il a accusée de « diffamer la police », le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a finalement proposé une rencontre à l’ancienne journaliste. Rendez-vous accepté « avec enthousiasme et esprit purement républicain » par l’adjointe d’Anne Hidalgo. Le premier flic de France réussissant au passage l’exploit d’unir toute la gauche – de LFI au PS ! – derrière la candidate francilienne.
« Audrey Pulvar use de son droit d’expression »
Retour en arrière : dimanche, Gérald Darmanin avait déposé plainte contre Audrey Pulvar, l’accusant de diffamation contre la police, après qu’elle eut jugé « assez glaçante » la manifestation policière devant l’Assemblée nationale le 19 mai à laquelle le ministre s’était rendu. Marche au cours de laquelle de nombreux syndicats policiers s’en sont pris à la justice contraignant le garde des Sceaux à affirmer que les tribunaux n’étaient pas « laxistes ». « J’ai trouvé que cette mise en scène d’un faux délinquant qui tue un policier et la justice qui ne fait rien, c’était une honte. C’est indigne que des syndicats de policiers s’expriment de cette façon », a encore déploré lundi soir Éric Dupond-Moretti sur Quotidien.
La plainte de Gérald Darmanin vise également une vidéo de juin 2020, exhumée samedi sur Twitter par Pierre Liscia, porte-parole de Libres !, le mouvement de Valérie Pécresse, candidate à sa réélection en Île-de-France. Audrey Pulvar y dénonçait « le racisme dans la police » en France, lors d’une manifestation à Paris en hommage à George Floyd, Afro-américain tué par un policier à Minneapolis. Des propos tenus il y a près d’un an et donc prescrits (le délai est de trois mois en matière de diffamation), mais ils peuvent « être versés en accompagnement de la plainte pour l’étayer », a expliqué l’entourage du ministre.
Dans la foulée, la plupart des représentants de la gauche ont déploré l’attaque contre Audrey Pulvar, du patron du PS, Olivier Faure, dénonçant « une manœuvre d’intimidation gravissime », au numéro 1 des écologistes, Julien Bayou. Invité de la matinale de Public Sénat « Bonjour chez vous », le secrétaire national d’EELV – et adversaire de Pulvar aux régionales - a répliqué : « Sa phrase n’a rien de diffamatoire, ce sont des faits. Vous avez un ministre de l’Intérieur qui a marché avec l’extrême droite face au Parlement. Quelle dérive ! »
Même chose dans les rangs des sénateurs socialistes, organisés en phalanges derrière leur candidate. De Marie-Pierre de La Gontrie à David Assouline, en passant par Vincent Eblé et Jean-Pierre Sueur. Dans la matinale de Public Sénat, le sénateur de la commission des lois a dénoncé une plainte « qui n’a pas de sens ». « Il doit la retirer. Audrey Pulvar use de son droit d’expression », a estimé le sénateur du Loiret.
Directeur de campagne d’Audrey Pulvar, le sénateur Rachid Temal n’a pas manqué de railler « l’égarement du ministre ». Au sein même de la majorité présidentielle, la prise de position de l’ancien maire de Tourcoing a provoqué des remous. Sa collègue du ministère de l’Ecologie, Barbara Pompili a tempéré sur Europe 1, arguant que la passe d’armes relève de la liberté d’expression et qu’elle ne devrait pas aboutir à un affrontement devant la justice. Et pour cause, comme le rappelle l’Opinion, Gérald Darmanin a déposé plainte dimanche, répondant ainsi à une demande du Syndicat des commissaires, donnant l’impression de se faire dicter son agenda. Initiative saluée immédiatement par le patron du syndicat Alliance, Fabien Vanhelrick, approuvant l’image d’un « ministre qui est derrière les policiers », toujours d’après le quotidien.
« Ils ont commencé par tirer sur la gâchette judiciaire, ils ont fini sur la détente politique »
En retour, Audrey Pulvar avait annoncé le lendemain qu’elle porterait plainte contre le ministre pour « dénonciation calomnieuse ». Avant de s’expliquer mardi matin sur LCI : « J’ai toujours tenu les mêmes propos : non, je ne considère pas que toute la police nationale est violente et raciste ; au contraire, je soutiens la police nationale, qui est une institution de la République que je respecte ». Résultat, Gérald Darmanin rétropédale et lui propose un entretien qu’elle accepte. Pour l’heure, aucun des deux n’avait encore déposé sa plainte mardi, même si leurs entourages respectifs n’excluaient pas cette éventualité.
Audrey Pulvar : "Je n'ai pas compris ce qu'il me reprochait"
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Patron des sénateurs RDPI (LREM), François Patriat observe un « message de bonne volonté » du ministre de l’Intérieur. « Je crois que Gérald a voulu marquer le coup par rapport à ces propos. Il n’a pas voulu laisser passer sur le racisme dans la police. C’était quand même assez réducteur et caricatural », ajoute ce proche d’Emmanuel Macron.
A droite, on se gausse avec allégresse du « ridicule » de la situation. « Ils ont commencé par tirer sur la gâchette judiciaire, ils ont fini sur la détente politique », analyse Jérôme Bascher. Ils ont choisi d’arrêter ces querelles ridicules sur un sujet extrêmement important. On sait le goût d’Audrey Pulvar pour la provocation, on connaît aussi le côté bravache de Gérald Darmanin. Ils se couvrent de cendres après s’être couverts de ridicule dans cette affaire », cingle le sénateur LR de l’Oise.
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