À l’Élysée, le plan présenté mardi 28 avril est qualifié de plan de déconfinement « de la Nation ». Une manière d’inviter à l’union de toutes les forces politiques autour du plan du gouvernement. Mais depuis plusieurs jours, des voix dans l’opposition se font de plus en plus fortes pour dénoncer les approximations dans la gestion de la crise.
Parmi les dernières en date, le président du Sénat, Gérard Larcher. Dans une interview ce week-end au JDD, il estime que « la pénurie, le manque de masques et de tests » ont été « gérés par l'approximation ». Il a également dénoncé « les prises de parole incessantes et contradictoires » du gouvernement, depuis le début de la crise sanitaire.
Manque de cohérence
Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine et ancien ministre de Nicolas Sarkozy note, lui aussi, que les critiques se font de plus en plus fortes. « De semaine en semaine, le gouvernement nous laisse dans un état de grande perplexité. Il y a des contradictions entre ministres, parfois entre les ministres et le Président de la République, des hésitations, des retournements… ». Selon lui, c’est la somme de ces couacs qui expliquerait, aujourd’hui, la montée des critiques, après un calme relatif de six semaines.
À droite, on critique le manque de clarté sur trois sujets très concrets : les masques, les tests et le traitement. « Par ses contradictions, par ses fautes de communication, par son manque de cohérence depuis 40 jours, le gouvernement ne peut déclencher dans l’opposition que de l’étonnement », continue Roger Karoutchi.
Même analyse du côté du groupe socialiste au Sénat. Patrick Kanner explique : « Le Président de la République a fixé une date le 11 mai. Et on se demande s’il y a eu un vrai rétroplanning sur tous les aspects des choses pour savoir si le 11 mai était la bonne date. »
Recours au conseil scientifique à géométrie variable
Une partie des mesures a déjà été esquissée : réouverture des écoles et volontariat des parents, reprise de l’activité dans les commerces et d’une partie des transports sous conditions. Certaines décisions ont été validées par le Conseil scientifique installé par l’exécutif, d’autres non. Ce qui interroge l’opposition : « Le gouvernement se met sous la protection du conseil scientifique, quand cela l’arrange et hors protection, quand cela ne l’arrange pas. Maintenant un coup ‘oui’, un coup ‘non’, un coup ‘peut-être’. » Ce recours au Conseil scientifique à géométrie variable empêcherait l’opposition de faire bloc derrière les solutions avancées par l’exécutif.
L’impossible ‘union sacrée’ à gauche
À gauche, on a bien noté « une forme de main tendue » d’Emmanuel Macron à toutes les forces politiques du pays au soir du 13 avril. Patrick Kanner raconte : « J’ai bien entendu le Président de la République, dans son discours du soir du lundi de Pâques, évoquer le fait qu’il fallait se réinventer et qu’il prendrait lui-même des initiatives dans les semaines à venir. » Mais ce nouveau départ, l’ancien ministre de François Hollande l’attend toujours.
Le Parti socialiste refuse toute « union sacrée » sans changement de pied par rapport au début du quinquennat. Le patron du groupe socialiste explique : « Le gouvernement doit assumer ce qu’il a fait depuis bientôt trois ans. Il ne faudrait pas que dans une grande amnésie générale, on ait une logique d’amnistie générale. Le gouvernement ne peut pas, parce qu’il y a eu un virus, faire oublier l’option ultralibérale prise par le Président de la République, y compris sur le plan social. »
À défaut d’« union sacrée » comme en 1914, les socialistes, deuxième force politique au Sénat après les LR, plaident en faveur d’une « responsabilité nationale » : « Nous serons toujours présents quand les choses iront dans le bon sens », explique Patrick Kanner.
Plan de déconfinement : quel vote des groupes d’opposition ?
Enfin, quel sera le calcul pour les groupes d’opposition dans les prochains jours ? Quel position adopter sur le plan de déconfinement annoncé dans les prochaines heures par le chef du gouvernement ?
« Moi je ne peux pas me prononcer sans savoir ce que le Premier ministre a l’intention de dire ou pas », tranche dans un premier temps Roger Karoutchi, avant de nuancer : « Il y a eu beaucoup d’appels au gouvernement depuis plusieurs jours, pour qu’il soit très clair sur les moyens matériels, sur les masques, les tests, et sur les premiers résultats des traitements ».
Et l’ancien Ministre de Nicolas Sarkozy de tendre une perche à Édouard Philippe : « Si déjà, là-dessus, le Premier ministre demain peut prendre des engagements précis sur là où en sera la situation au 11 Mai : on a un petit pas. Après on verra. »