Plan de l’État en Seine-Saint-Denis : un « rendez-vous manqué » pour l’éducation

Plan de l’État en Seine-Saint-Denis : un « rendez-vous manqué » pour l’éducation

Les mesures inédites prises par le gouvernement pour la Seine-Saint-Denis, département défavorisé à tout niveau, constituent une forme de prise de conscience, saluée par des élus de tout bord politique. Mais beaucoup s’inquiètent de la faiblesse des dispositifs retenus pour l’éducation.
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Pour répondre à des « difficultés hors normes », il faut des solutions « qui seront un peu hors normes », a expliqué ce 31 octobre le Premier ministre, qui entend « casser un certain nombre de spirales ». Aux côtés de six membres de son gouvernement, Édouard Philippe a annoncé un plan général pour la Seine-Saint-Denis, qui cumule d’importantes difficultés. Moyens pour la santé ou l’éducation, recrutements dans la police ou la justice : 23 mesures ont été officialisées à Bobigny, principalement des moyens humains dans des secteurs-clés, et des moyens matériels.

Réclamé de longue date par les élus et parlementaires du département, ce plan d’action intervient un an et demi après la remise d’un rapport de deux députés (extérieurs au département), dénonçant « l’échec » de l’État sur ce territoire et appelant à une refondation de l’action publique. Prise dans sa globalité, la teneur du discours de l’exécutif a redonné du baume au cœur des élus séquano-dionysiens, confrontés par un sentiment d’abandon.

« C’est la première fois qu’un gouvernement reconnaît officiellement que l’État est défaillant. Nous avons moins que les autres : c’est reconnu. » Le sénateur communiste Fabien Gay ne boude son plaisir. « C’est plus qu’un plan de rattrapage […] c’est vraiment un effort utile », estime le centriste Vincent Capo-Canellas, même si « ce n’est pas Noël à la Toussaint » :

Seine-Saint-Denis : « C’est plus qu’un plan de rattrapage », selon Vincent Capo-Canellas
01:20

Quant au président socialiste du Conseil départemental, Stéphane Troussel, ce 31 octobre marquera un « changement d’ambition ».

Une « amplification » selon Jean-Michel Blanquer

Comme d’autres collègues, de sensibilité différente, l’élu local relève des « annonces intéressantes », tout en restant sur sa faim. « Ce n’est pas un solde de tout compte, le verre est au tiers plein, et aux deux tiers vides », considère-t-il. Et d’après lui, l’un des « grands manques » se retrouve dans le domaine de l’éducation nationale, le véritable « rendez-vous manqué ». « Il y a depuis des semaines des tensions dans les établissements scolaires, des difficultés dans les directions scolaires, il y a des premières difficultés qui réapparaissent sur le remplacement des enseignants absents : je n’ai pas entendu de mesures s’agissant de l’éducation ce matin », résume-t-il :

Plan pour la Seine-Saint-Denis : « Ce n’est pas un solde de tout compte », selon Stéphane Troussel
01:51

Le gouvernement n’est pas de cet avis. « Le volet éducatif est puissant […] c’est une amplification », insiste le ministre Jean-Michel Blanquer, qui aime rappeler les mesures déjà en vigueur, comme le dédoublement des classes en CP et CE1 dans les réseaux éducatifs prioritaires, qui concerne 28.000 élèves dans le département. Et 42.000 demain avec l’extension aux classes de grande section. Le ministre de l’Éducation nationale rappelle également que le dispositif des contrats préprofessionnalisants, cette aide aux étudiants qui s’engagent à rester dans le département, va continuer de monter en puissance.

Plan pour la Seine-Saint-Denis : une « amplification » selon Jean-Michel Blanquer
01:37

Des questions autour de la prime de « fidélisation »

Face au constat d’une fonction publique qui peine à recruter et à retenir des candidats dans le département, l’État a trouvé une solution : l’instauration d’une « prime de fidélisation ». Les conditions d’éligibilité sont encore à préciser, mais l’État s’engage à verser 10.000 euros à un fonctionnaire s’il reste 5 années dans le département. Actuellement, les jeunes enseignants sont sur-représentés dans le département. Selon le rapport Cornut-Gentille, près de 36% des professeurs du primaire restent moins de deux ans dans leur établissement, c’est 10 points de plus par rapport à la moyenne nationale. Dans le secondaire, ils sont la moitié dans ce cas (contre un tiers dans l’ensemble du pays). « Là où le service public devrait être le plus expérimenté, le plus aguerri, il se révèle le plus souvent le plus démuni et le plus inexpérimenté, ce dont tout le monde pâtit », a soulevé Édouard Philippe.

Le flou entourant à l’heure actuelle cette mesure interpelle. Notamment sur les potentiels bénéficiaires. Seule certitude : elle touchera les « agents de première ligne de l’action de l’État ». « Il y a plein de questions : qui va en bénéficier ? Les agents déjà en poste ou les futurs arrivants ? Beaucoup d’enseignants ont déjà 15 à 20 de carrière en Seine-Saint-Denis », précise Marie-Hélène Plard, secrétaire départementale du SNipp-FSU (premier syndicat du premier degré). « Il y a besoin d’une compensation financière, mais elle ne peut pas être la seule », ajoute-t-elle.

Cette directrice d’école note « qu’aucune mesure ne concerne des augmentations de nombre de postes ». « C’est la grande déception ». « Ce n’est pas un plan à la hauteur de l’urgence du département ».

La rallonge budgétaire dédiée aux bâtiments scolaires jugée anecdotique

Parmi les associations, certaines saluent néanmoins le signal envoyé. Comme Le choix de l’école, une structure qui encourage de jeunes actifs qui n’étaient pas destinés à l’éducation à se réorienter vers l’enseignement en réseau prioritaire. « Ce qui m’intéresse, c’est la volonté de permettre à des jeunes de s‘engager comme enseignants en Seine-Saint-Denis, et c’est cela qui est mis en avant », explique l’un des directeurs, Damien Baldin.

Autre annonce de l’État : une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros sur dix ans, pour accompagner les collectivités locales sur l’immobilier. « Pour que le dédoublement des classes soit effectif, il faut aussi souvent dédoubler les locaux », reconnaît Édouard Philippe. Mais beaucoup reconnaissent que ce coup de pouce supplémentaire ne bouleversera pas les moyens des communes (en charge des écoles) et du département (responsables des collèges). « Quand on sait qu’un groupe scolaire coûte 15 millions, c’est une goutte d’eau », s’inquiète le sénateur LR Philippe Dallier.

« 20 millions sur 10 ans, on prend, mais quand on sait qu’un collège c’est 25 millions d’euros… C’est un plus mais ce n’est pas au niveau de ce qu’il faudrait », admet aussi Fabien Gay, qui juge le volet éducatif du plan « un peu léger ».

Verre à moitié plein ou verre à moitié vide, une chose est certaine, les différents acteurs du département assurent qu’ils se montreront vigilants sur le suivi de l’application des décisions du jour.

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