« C’est un plan de relance qui était incontournable sinon on allait au chaos », affirme Jean Bizet. Pour le président de la Commission des Affaires européennes du Sénat l’accord entre les vingt-sept est « une bonne nouvelle » d’autant plus que le dispositif inédit implique pour la première fois une dette commune entre les États membres de l’Union européenne : « On touche du doigt pour la première fois le fédéralisme budgétaire », affirme le sénateur LR de la Manche. Des propos que rejoint la sénatrice PS Hélène Conway-Mouret : « L’accord est indéniablement historique au vu des sommes qui ont été décidées et surtout parce que cela a abouti. » selon elle. André Gattolin, sénateur LREM, se réjouit également de cet accord qui renforce selon lui la cohésion économique entre les pays membres.
« Il arrivera un jour où les pays frugaux ne voudront plus payer »
Si la sénatrice socialiste, Hélène Conway-Mouret, parle d’une « solidarité budgétaire » qui fait « basculer l’Union européenne dans une nouvelle dimension », Jean Bizet, lui, reste plus sceptique quant à l’avenir de l’Union européenne : « Il faut regarder les choses en face, le fossé se creuse avec les pays dits frugaux », explique-t-il avant de préciser, qu’il préfère plutôt les appeler « pays vertueux et rigoureux ». Selon lui, si la France « qui ne fait pas partie des pays ni vertueux ni rigoureux », ne procède pas à des réformes structurelles, « il arrivera un jour où on n’aura pas d’accord (…) Il arrivera un jour où les pays frugaux ne voudront plus payer » prévient-il. Il regrette également que la France ait décidé de repousser les réformes de l’assurance chômage et des retraites : « Je salue l’engagement européen du Président mais je déplore la vacuité de la politique nationale », affirme-t-il.
Pour Hélène Conway-Mouret, au contraire, cet accord rejoint l’esprit des pères fondateurs : « Il y a eu des concessions car il faut rassurer la population de chaque État, mais collectivement on a tous gagné », affirme-t-elle. En effet, sous la pression des pays frugaux, Pays-Bas en tête, le montant des subventions est passé de 500 milliards à 390 milliards et la part des prêts mis à disposition des États membres passent de 250 milliards prévus initialement à 360 milliards. « C’est en deçà de ce qu’avaient proposé la France et l’Allemagne », regrette André Gattolin. « Est-ce que l’Allemagne, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne a usé de tous les moyens pour convaincre ? », s’interroge le sénateur LREM. « On aurait pu s’attendre à ce que l’Allemagne pèse plus sur la position autrichienne », regrette-t-il.
Le budget européen 2021-2027 : « Victime collatérale »
Le plan de relance négocié âprement pendant quatre jours prévoit donc un fonds de 750 milliards d’euros auquel s’ajoute un budget européen aussi appelé « cadre financier pluriannuel » de 1074 milliards d’euros pour la période 2021-2027. « C’est la victime collatérale de cet accord », regrette Hélène Conway-Mouret. La Commission européenne préconisait en effet un budget de 1100 milliards d’euros et le Parlement espérait 1300 milliards. « Cette baisse annoncée du budget 2021-2027 m’inquiète » affirme Hélène Conway-Mouret. Le 13 juillet la sénatrice socialiste avait en effet publié une tribune dans six journaux nationaux dont Le Monde pour rappeler l’importance du budget de défense européen, elle craint aujourd’hui que la baisse du cadre financier pluriannuel entraîne une baisse du budget de la défense. « Au vu du contexte, les pays vont mettre le paquet sur le social et l’économie », prédit-elle. Hélène Conway-Mouret pense aussi que l’objectif climatique décidé par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pourrait entraîner des coupes dans le budget de la défense. Néanmoins pour André Gattolin, suite à cet accord, le budget européen représente aujourd’hui 2% du PIB de l’Union européenne (contre 1% actuellement) : « Cela va être difficile de revenir en arrière au regard de la compétition internationale », affirme le sénateur qui va encore plus loin : « A l’horizon 2050, l’Union européenne ne peut rester dans la compétition que si elle dépense 3% de son PIB », conclut-il.