Élisabeth Borne recevait ce lundi matin les chefs des principaux partis politiques pour un débat sur la planification écologique, qui doit également faire l’objet d’une prise de parole du président de la République lundi prochain. Initialement attendu en juillet, puis repoussé en raison des émeutes urbaines et du remaniement, le plan d’action du gouvernement pour réduire d’ici 2030 nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport au niveau de 1990, fait l’objet de nombreuses spéculations. Parmi les leviers sur lesquels l’exécutif devrait tabler : une montée en puissance de la voiture électrique, qui ne représente pour l’heure que 1 % du parc automobile français, la rénovation thermique des logements, le remplacement des chaudières à gaz, ou encore la transformation des pratiques agricoles. Mais pour y voir plus clair sur les pistes privilégiées, et notamment le fléchage de 7 milliards d’euros supplémentaires en faveur de la transition écologique dans le prochain budget, il faudra attendre l’intervention d’Emmanuel Macron.
« La planification ne sert à rien s’il n’y a pas d’action »
À leur arrivée dans la cour de l’hôtel Matignon, ce lundi matin, les leaders de l’opposition de gauche ne cachaient pas leur scepticisme. « Je crains que ce soit encore une fois la planification du vide », a raillé Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, devant un parterre de micros. Marine Tondelier, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie – Les Verts a évoqué un « oral de rattrapage ». Rappelons que la gauche avait largement regretté le peu de place accordée à l’écologie – une phrase sur six pages – dans la lettre adressée par Emmanuel Macron aux chefs de partis après une rencontre organisée à Saint-Denis fin août.
Deux heures plus tard, en quittant les salons de Matignon, la patronne des écologistes s’est montrée plus nuancée, saluant le travail des équipes de l’Etat « pour un constat très complet, lucide et inédit ». « Mais la planification ne sert à rien s’il n’y a pas d’action », a-t-elle averti. Olivier Faure a pointé la question des financements, se montrant peu convaincu par la démonstration de l’exécutif : « Une guerre contre le climat, ça suppose une économie de guerre, et on en est très, très loin ».
« La Première ministre a tracé des lignes, dressé des constats et fixé des objectifs. Tout le monde a acquiescé. Les divergences se font sur les conditions d’application », résume auprès de Public Sénat Hervé Marseille, le président de l’UDI. « Les gens les plus à gauche veulent taxer les grandes entreprises, quand une personnalité plus à droite, comme Edouard Philippe, propose d’intégrer le coût du carbone dans les prix ». Pour sa part, celui qui préside également le groupe centriste du Sénat confie encore avoir adressé deux avertissements à la Première ministre : « Sur la nécessaire implication de l’Union européenne pour trouver des moyens collectifs de réduction des émissions, et sur le problème de l’acceptabilité. Nous devons informer, accompagner et impliquer les élus et les citoyens dans cette transition pour qu’elle ne soit pas vécue comme une punition », martèle-t-il.
Le pouvoir d’achat sur la table
Le patron des LR, Éric Ciotti a également mis l’accent sur une écologie non punitive, sa famille politique s’opposant à une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires pour financer la transition. Alors que l’inflation et le pouvoir d’achat sont au cœur des préoccupations de la rentrée, le député des Alpes-Maritimes a également tenu à rouvrir l’épineux dossier de la réforme du marché de l’électricité, dont les règles de fixation des tarifs ont été récemment éprouvées par la guerre en Ukraine et l’envol des prix du gaz. Mais ce chantier patine du côté des instances européennes, puisque la Commission et le Parlement se sont prononcés pour une réforme a minima. « Enfin, j’ai demandé la construction de 35 EPR d’ici 2050 », a encore indiqué le député des Alpes-Maritimes sur ses réseaux sociaux.
LFI en retrait
LFI, pour sa part, a choisi de faire cavalier seul et, contrairement à ses partenaires de la Nupes, de bouder la rencontre. Le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon dénonce une nouvelle « opération de communication », quelques semaines après les discussions de Saint-Denis. « Nous étudierons donc les annonces que vous ferez ce lundi et nos parlementaires participeront, comme elles et ils l’ont toujours fait, aux débats qui auront lieu sur ce sujet à l’Assemblée nationale », a fait savoir Manuel Bompard dans un communiqué. Le coordinateur de LFI reproche notamment à l’exécutif de contourner les institutions avec ces réunions informelles, tenues à huis clos. « Alors que les défis pour notre planète sont immenses, cette décision est incohérente et irresponsable », a regretté Élisabeth Borne dans un post sur X (anciennement Twitter).
Sans totalement snober la rencontre, le président du Rassemblement National, Jordan Bardella, s’est contenté de se faire représenter par Mathilde Androuët, députée européenne qui siège à Strasbourg au sein de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire.