La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
PMA pour toutes : Olivier Véran espère « lancer les premiers parcours à la fin de l’année 2021 »
Par Public Sénat
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C’était il y a un an. Une éternité, où la crise du Covid s’est glissée pour tout bouleverser. Le Sénat avait adopté, de peu, le projet de loi sur la bioéthique qui ouvre la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Le texte, l’un des rares qui ne soit pas sous procédure accélérée, va faire son retour en seconde lecture devant la Haute assemblée le 2 février. Avant l’examen en commission, les sénateurs ont auditionné ce mercredi le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet.
Les débats avaient été riches, longs et intenses, en première lecture. Sur la question de la PMA, les clivages traversent les familles politiques. Le président du groupe LR, Bruno Retailleau, s’y oppose avec conviction, quand le président LR de la commission spéciale, Alain Milon, milite pour depuis des années. Le renouvellement de la moitié du Sénat, en septembre dernier, pourrait rendre l’issue de ce second vote un peu incertaine.
Malgré les divisions au sein de la majorité sénatoriale, le Sénat avait cependant adopté la PMA pour toutes en première lecture, mais en excluant les couples de femmes du remboursement par la Sécurité sociale. Sans surprise, lors du retour du texte à l’Assemblée, les députés sont revenus sur ce point.
« Beaucoup de Français et de familles attendent que la loi soit appliquée »
A l’heure du bilan, la PMA pour toutes sera à mettre à l’actif d’Emmanuel Macron et l’exécutif compte bien aller au bout sur cette réforme sociétale. « Je souhaite vivement que ce texte puisse être adopté de façon définitive avant l’été car il est porteur de droits nouveaux. Et beaucoup de Français et de familles attendent que la loi soit appliquée » a souligné dès ses premiers mots, le ministre de la Santé. En cas de nouveau désaccord probable, entre sénateurs et députés, la navette parlementaire se poursuivra avec une nouvelle et dernière lecture (c’est-à-dire une troisième), où les députés auront cette fois le dernier mot.
Répondant à une question du sénateur LREM de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, Olivier Véran s’est montré optimiste quant à l’arrivée des premières PMA pour toutes. Et son ministère prend un peu d’avance. « Sur le calendrier, on travaille en parallèle des débats sur les textes d’application de la loi pour qu’elle puisse sortir vite. Si la loi est adoptée en lecture définitive avant l’été, on pourrait sortir les textes d’application dans la foulée, immédiatement », imagine le ministre, n’écartant cependant pas une éventuelle « saisine du Conseil constitutionnel » par des parlementaires d’opposition, qui retarderait les choses. Mais au mieux, « l’idée est de lancer les parcours de PMA à la fin de l’année 2021 pour les premiers parcours. Les naissances mettront évidemment quelques mois de plus » affirme devant les sénateurs Olivier Véran.
Sur ce texte, les débats se concentrent souvent sur la PMA, mais le projet de loi bioéthique est très large et touche de nombreux domaines. En première lecture, le Sénat avait refusé la levée systématique de l’anonymat des donneurs de gamètes, interdit la transcription à l’état civil d’enfants nés de GPA. Il s’était opposé à la création d’embryons chimériques et à certains diagnostics préimplantatoires, tout en ouvrant la recherche de « certaines pathologies très graves dans le cadre de dépistage néonatal », rappelle la corapporteure Corinne Imbert (rattaché au groupe LR). La recherche sur les cellules souches avait été encadrée et le principe des « bébés médicaments » avait été réintroduit (lire ici pour plus de détails sur le vote du Sénat en première lecture).
« Conservateur pragmatique »
Le sénateur LR Roger Karoutchi, qui se définit comme « un conservateur pragmatique » et qui avait voté pour l’extension de la PMA, mais s’était abstenu sur l’ensemble du texte, n’est plus certain de son vote du fait des modifications des députés. « L’Assemblée a passablement charcuté le texte du Sénat », regrette l’ancien ministre, appelant le gouvernement à « évoluer » avec les sénateurs vers un accord.
« Il y a des choses que l’on n’a pas gardées, comme la non-prise en charge par l’assurance maladie de la PMA. Je tiendrai une position ferme sur ce sujet », répond Olivier Véran, « on a aussi rétabli l’article 2 sur l’autoconservation » des gamètes. « Mais il y a des choses qu’on a gardées », poursuit-il, comme sur « les enjeux de dépistage prénatal ou sur l’ouverture au privé pour la conservation » des gamètes. « Sept ou huit articles ont été adoptés conformes », c’est-à-dire à l’identique, ajoute Adrien Taquet.
« Risque » sur les stocks de gamètes : « On est dans un flux tendu sur les spermatozoïdes et les ovocytes »
Muriel Jourda, corapporteure LR, souligne pour sa part que la PMA étendue et la levée de l’anonymat pour les donneurs de gamète risquent de créer « une pénurie ». La crise du Covid risque-t-elle aussi d’avoir un impact ? Concernant le niveau des stocks de gamètes, « c’est un risque » reconnaît le ministre, « on est dans un flux tendu sur les spermatozoïdes et les ovocytes. C’est un risque qu’on prend très au sérieux ». Mais Olivier Véran ne pense pas que la levée de l’anonymat entraîne une baisse du nombre ds donneurs.
La communiste Laurence Cohen salue pour sa part l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Mais elle regrette qu’on ait « maintenu un régime dérogatoire en matière de filiation pour l’enfant né par PMA. Et même si la rédaction actuelle a évolué, par rapport à la version initiale, le fait de créer deux régimes différents entre couples hétérosexuels et couples lesbiens institue obligatoirement une discrimination et une non-reconnaissance d’une parfaite égalité de ces familles ». Les débats continueront en séance.