Gabriel Attal accompagne de Amelie Oudea-Castera au college Saint-Exupery d’Andresy

Polémique Oudéa-Castéra : une proposition de loi s’attaque au financement public des écoles privées

La mixité sociale à l’école est au cœur de la polémique suscitée par les propos de la nouvelle ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castéra pour justifier la scolarisation de ses enfants dans le privé. Une proposition de loi sénatoriale du sénateur communiste Pierre Ouzoulias vise à demander aux établissements privés d’assurer un minimum de mixité sociale contre l’octroi de subventions publiques.
Stephane Duguet

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Sa déclaration devant les caméras de télévision vendredi 12 janvier a mis le feu aux poudres. La toute nouvelle ministre de l’Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, nommée la veille à tête d’un super-ministère qui regroupe l’Éducation et les Sports, s’explique sur la scolarisation de ses enfants dans l’établissement privé catholique Stanislas dans le VIe arrondissement de Paris. Elle invoque « un paquet d’heures non remplacées » à l’école publique Littré, également située dans le IVe arrondissement de Paris.

Cette affirmation est fausse selon les informations du journal Libération et le témoignage du journaliste Nicolas Poincaré sur RMC dont le fils qui a le même âge que celui de la ministre, a été scolarisé huit ans à l’école Littré sans qu’il n’y ait eu d’absences non remplacées. « Il y a un mensonge dans ce qu’elle dit et on comprend que ce qui a motivé son choix, c’est un refus de la mixité sociale et un désir politique de cultiver une forme d’entre-soi », considère Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine.

Manque de mixité des écoles privées

Celui qui occupe l’une des vice-présidences du Sénat prend le sujet de la mixité à l’école publique à bras-le-corps. En avril 2023, il a déposé une proposition de loi signée par le groupe communiste, certains socialistes, écologistes et Nathalie Goulet, sénatrice centriste, pour « autoriser la puissance publique à conditionner les subventions accordées aux établissements privés sous contrat à des critères de mixité sociale et scolaire ». Il espère pouvoir la présenter dans l’hémicycle du Sénat lors de la niche parlementaire des communistes, le 21 mars prochain.

Les établissements privés sont financés à 73 % par des fonds publics qui proviennent de l’Etat et des collectivités territoriales. En se basant sur l’indice de position sociale (IPS) des établissements scolaires, calculé par les services du ministère de l’Education et qui révèlent le profil social des élèves des collèges et des lycées, on s’aperçoit que « parmi les 10 % des collèges à l’IPS le plus important, on dénombre 424 établissements privés » sur les 696 que compte la France soit « 60,9 % » d’entre eux, explique le député dans l’exposé des motifs de son texte.

Pierre Ouzoulias précise qu’il « respecte le choix individuel des parents » de scolariser leurs enfants dans le privé mais qu’il trouve « anormal que l’argent public aille dans les mêmes proportions aux établissements qui font le choix politique et économique de la non-mixité » et les établissements publics.

Conditionner les financements publics du privé à la mixité sociale

Ainsi, la proposition de loi, soutenue publiquement par le secrétaire du PCF Fabien Roussel dimanche, vise à permettre aux collectivités de moduler leur financement des établissements privés en mettant en place un barème de mixité sociale. « En fonction des villes, les IPS sont différentes », détaille Pierre Ouzoulias qui assure répondre à une demande de certains départements qui souhaitent avoir le choix de financer certains établissements.

Le lycée Stanislas dans lequel Amélie Oudéa-Castéra scolarise ses trois enfants avait un IPS de 147,1 (le maximum étant 179 et le minimum 38) pour l’année scolaire 2021-2022, ce qui en fait le 13e établissement (sur 80) à Paris dont l’indice est le plus élevé. « Quand on regarde les établissements publics du VIe arrondissement, les IPS ne sont pas si éloignés de celui de Stanislas, relève le sénateur communiste. Cela veut dire qu’elle avait le choix entre deux établissements très bien classés : un privé et un public et qu’elle a choisi le privé. »

« Ministre de l’éducation du privé »

L’élu des Hauts-de-Seine insiste néanmoins sur le fait qu’Amélie Oudéa-Castéra n’est pas la première ministre de l’Education à scolariser ses enfants dans une école privée. Lors de sa nomination Pap Ndiaye avait été critiqué parce que ses deux enfants étaient inscrits à l’école Alsacienne, un établissement privé laïque du VIe arrondissement de Paris. « Sauf qu’il avait eu une attitude rigoureusement inverse de celle d’Amélie Oudéa-Castéra, rappelle Pierre Ouzoulias. Dès qu’il est entré en fonction il dit que le problème fondamental de l’école, c’était la mixité sociale alors que la nouvelle ministre dit que l’école publique est pourrie ! »

Si la ministre de l’Education s’est excusée auprès des enseignants très remontés, elle a demandé ce lundi à ce que soit clôt « ce chapitre attaques personnelles ». Elle risque pourtant d’être interpellée à nouveau sur le sujet lors des questions au gouvernement de mardi et mercredi à l’Assemblée nationale et au Sénat. Pierre Ouzoulias fait d’ailleurs partie des parlementaires qui demandent sa démission. « Après ses propos, je ne vois pas comment elle peut convaincre les enseignants du public qu’elle veut développer l’école publique. C’est la ministre de l’enseignement du privé », dénonce-t-il. Avec les déclarations de la ministre de l’Education, le sénateur estime que « cela montre que pour elle, l’enseignement n’est plus une mission de l’Etat mais un système concurrentiel. C’est une conception profondément antirépublicaine parce que l’école est un endroit où on donne les mêmes droits aux élèves quel que soit leur milieu social. »

Le sénateur Les Républicains de la Manche Philippe Bas nuance : « La liberté de l’enseignement est constitutionnelle. La ministre de l’Éducation nationale en est garante, responsable du privé autant que du public. » Amélie Oudéa-Castéra a été soutenue par Gabriel Attal, le Premier ministre, et Prisca Thévenot, la porte-parole du gouvernement. Demain, c’est Emmanuel Macron qui devra sûrement se positionner sur cette polémique lors de la conférence de presse organisée à l’Elysée. D’autant plus qu’il a fait de l’éducation un « domaine réservé » du président de la République.

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