La désunion entre les membres de l’UE a de nouveau frappé. Le 4 mars, le chancelier autrichien et son homologue danoise ont rendu visite à Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien. Le but de cette rencontre : négocier un partenariat entre les trois pays concernant la production de vaccins contre la covid-19. Le chef du gouvernement autrichien déclare « ne plus vouloir dépendre de l’UE » à ce sujet.
Il n’est d’ailleurs pas le seul : la Hongrie recourt depuis février au vaccin russe (le Spoutnik V), la Slovaquie et la République tchèque suivent la même direction et la Pologne songe à se faire livrer des doses du Sinopharm, le vaccin chinois. « Ce qui est à l’œuvre, c’est la loi de la jungle », considère l’eurodéputée des Verts Michèle Rivasi, qui dénonce sans détour les initiatives individuelles de ces Etats. Autre motif d’inquiétude : ces pays vont injecter des vaccins qui ne sont homologués par aucune agence des médicaments en Europe. Pour l’eurodéputée écologiste, qui se déclarait « vaccino-sceptique » en 2017, « cela revient à faire peser un risque sur la population ».
« Libérer les citoyens des contraintes le plus rapidement possible »
Fabienne Keller, eurodéputée du groupe libéral Renew, invite aussi à la vigilance des Etats face aux vaccins qui n’ont pas reçu d’autorisation. Néanmoins, elle ne condamne pas l’initiative autrichienne et danoise de travailler avec Israël : « Je trouve intéressante la volonté de coopérer avec des pays innovants. » Quant à lui, le sénateur PS des Français à l’étranger Jean-Yves Leconte, quoiqu’il s’attriste de la mise à mal de la solidarité européenne, affirme « pouvoir comprendre » la décision de ces dirigeants, « soumis à une forte pression visant à libérer leurs citoyens des contraintes sanitaires et des restrictions de mouvement le plus rapidement possible ».
Les dissensions au sein de l’UE mettent avant tout en valeur les faiblesses de l’approvisionnement en vaccins du vieux continent. La concertation entre les 27 Etats membres prend du temps, la négociation des contrats avec les laboratoires a été peu transparente et les capacités des usines de production n’ont pas toujours été à la hauteur des quantités de doses commandées, malgré les près de trois milliards d’euros versés par l’UE. D’après Michèle Rivasi, l’UE « s’est fait rouler dans la farine ».
« L’Union européenne a beaucoup progressé pendant cette pandémie », tempère Fabienne Keller, qui met en exergue la décision prise par l’UE en décembre d’investir 5,1 milliards d’euros dans la santé d’ici 2027. Cependant, pour Jean-Yves Leconte, le compte n’y est pas : « L’Union doit être davantage actrice de son destin, nous avons besoin de plus de coopération européenne en matière de production, notamment pour les vaccins. »
Renforcer le rôle de l’Union en matière industrielle
Laurence Harribey, sénatrice de la Gironde, est du même avis : « La crise actuelle pose inévitablement la question de la capacité industrielle européenne, donc de la souveraineté européenne. » La sénatrice socialiste souhaite qu’à l’avenir, l’UE puisse construire une politique commune en matière d’industrie, mais aussi de santé. Pour cela, il faudrait d’abord que les Etats membres acceptent de partager ces compétences avec l’Union… Avant cela, Michèle Rivasi propose que l’UE soit en mesure de prendre des sanctions contre les laboratoires ne respectant pas leurs engagements. Elle appelle par ailleurs à soumettre les brevets de ces entreprises au régime des licences obligatoires, c’est-à-dire à autoriser leur exploitation même sans l’accord de leur propriétaire, quand des intérêts sanitaires l’exigent.
En outre, l’ancien sénateur de la Manche et ancien président de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean Bizet recommande d’investir davantage en matière de recherche et développement, tant au niveau français qu’à l’échelle européenne. « Il faut être très réactif, une implication supplémentaire de l’UE serait bienvenue », soutient-il. Un plus fort engagement permettrait peut-être à l’UE d’afficher de meilleurs résultats dans le futur, alors que début mars, seul un de ces membres faisait partie des dix pays les plus vaccinés (le Danemark, avec 10 % de sa population). La France, elle, avait alors vacciné 7 % de ses habitants.