Politique de la Ville : « Il était temps que le gouvernement se réveille ! »
En déplacement à Grigny dans l’Essonne, Jean Castex a réaffirmé, lors d’un comité interministériel de la Ville, l’action de l’Etat en faveur des quartiers prioritaires, durement touché par la crise sanitaire et économique. Des fonds supplémentaires pour la rénovation urbaine, l’éducation ou la sécurité qui sont les bienvenus, mais jugés tardifs par les sénateurs.
C’est à Grigny, dans l’Essonne, la ville la plus pauvre de France selon l’Observatoire des inégalités, où 45 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, que Jean Castex a choisi de présider le comité interministériel de la Ville. Accompagné de Jean-Michel Blanquer (Education) Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires), d’Emmanuelle Wargon (Logement), Roxana Maracineanu (Sports) , Marlène Schiappa (Citoyenneté), et Nadia Hai (Ville), le Premier ministre a présenté la réponse de l’Etat « à la crise sociale qui frappe de manière criante les quartiers prioritaires de la ville » et que l’épidémie de covid-19 n’a fait qu’aggraver.
« Le rôle de l’Etat, plus que jamais en période de crise, est d’être aux côtés de ceux qui souffrent »
« Que personne ici n’en doute, le rôle de l’Etat, plus que jamais en période de crise, est d’être aux côtés de ceux qui souffrent, de ceux qui se sentent exclus, de ceux qui se sentent victimes d’inégalités de tous ordres. Nous venons leur apporter des réponses concrètes » a-t-il assuré confirmant qu’1 % du plan de relance de 100 milliards d’euros, soit 1,1 milliard d’euros sera consacré aux quartiers prioritaires. « Au total, ce sont 3,3 milliards de financements supplémentaires à leur destination » a-t-il précisé.
Une enveloppe supplémentaire de deux milliards d’euros pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est également prévue, portant à 12 milliards son budget.
Une réponse au cri d’alarme lancé en novembre dernier par une centaine d’élus de droite comme de gauche, inquiets de la « détresse sociale et économique » dans laquelle la crise sanitaire avait plongé leurs communes. Jean Castex avait alors promis « lisibilité » et « transparence » sur l’utilisation de cette part du plan de relance.
« Les collectivités ont besoin d’aides concrètes et immédiates », rappelle Valérie Létard
« C’est une annonce positive. C’est un revirement du gouvernement qui montre qu’il s’intéresse enfin à la politique de la Ville, après avoir boudé le rapport de Jean-Louis Borloo il y a deux ans », relève Valérie Létard vice-présidente centriste du Sénat. « Mais, il est urgent de savoir par quelles voies et moyens ces crédits vont être dirigés vers les collectivités. Nous allons rentrer dans un nouveau confinement, les collectivités ont besoin d’aides concrètes et immédiates dans le domaine de l’insertion des jeunes, de la collecte alimentaire, de la lutte contre les violences intrafamiliales », prévient-elle avant d’ajouter : « C’est à l’Etat déconcentré, les préfets, de flécher ces enveloppes via des conventions de projets avec les collectivités ».
Ce vendredi, Jean Castex a plutôt décliné des crédits sur le moyen terme comme la création de 7 nouveaux quartiers de reconquête républicaine ou le déblocage de « 6 millions d’euros supplémentaires » pour le recrutement à l’été 2021 de « 300 médiateurs et 300 éducateurs spécialisés » dans les quartiers.
Le chef du gouvernement a aussi confirmé le lancement de 46 nouvelles « cités éducatives », qui s’ajoutent au 80 existantes, ou encore la prolongation des dispositifs de « vacances apprenantes » et « quartiers d’été » qui ont bénéficié à un million de jeunes en 2020. Sur le volet emploi, quelque 500 conseillers Pôle emploi supplémentaires seront également déployés dans des agences situées dans les quartiers prioritaires de la ville.
De même, 36 millions d’euros supplémentaires seront alloués à l’Agence nationale du sport, afin de « soutenir la mise en place rapide de 1 000 équipements de proximité dans les quartiers prioritaires ».
Pour Patrick Kanner : « On est dans le ruissellement du désespoir dans ces quartiers »
Le président du groupe PS du Sénat, ancien ministre de la Ville de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner prend acte de ces annonces qui vont dans le bon sens « mais dont il faudra attendre la concrétisation ». Nous sommes à un an de la fin du quinquennat, plus de trois ans après le grand discours de Tourcoing du président de la République (Emmanuel Macron y avait annoncé le retour des services publics dans les quartiers, ou encore le renforcement des internats d’excellence). Et la pauvreté a augmenté depuis 4 ans. On est dans le ruissellement du désespoir dans ces quartiers » relève-t-il.
« On peut bien en parler des heures et des heures, le gouvernement ne fait rien pour résoudre la crise sociale. Tout est fait pour sauvegarder les dividendes et le capital. Rien n’est mis sur l’emploi public et les services publics », abonde Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis.
Patrick Kanner regrette également l’approche du gouvernement qui donne « la priorité au régalien » dans les quartiers prioritaires, autrement dit plus axée sur les « conséquences que sur les causes » de la misère. L’occasion pour lui de rappeler la proposition de loi de son groupe en faveur d’un RSA pour les 18-25 ans qu’il entend « être le pendant de la loi séparatisme ».
A quelques heures du « Beauvau de la sécurité » et de l’examen à l’Assemblée du projet de loi sur les séparatismes, le Premier ministre n’a en effet pas oublié « le régalien » à savoir la sécurité. Il a d’ailleurs commencé la visite de la ville, au petit matin, par un poste de police de Grigny. « L’Etat est d’abord là pour veiller à la première des libertés, c’est d’abord la sécurité de nos concitoyens […] L’Etat ne peut en aucun accepter que ces quartiers ne soient un terrain d’action privilégié pour des visées séparatistes […] Le combat contre l’islamisme radical est un combat essentiel qui vise à défendre la République et à protéger tous nos concitoyens dont les musulmans de France. Il n’est pas question de transiger dans cette lutte » a-t-il martelé.
Pour la sénatrice LR de l’Essonne, Laure Darcos, présente à l’allocution du Premier ministre, ce comité interministériel de la Ville « était un bon timing ». « On est au bord de l’implosion économique et sociale. Il était important que le Premier ministre rappelle la politique du gouvernement en matière d’éducation prioritaire, de sécurité, de politique de la ville. Ça remet de la cohérence. C’est une réponse au rapport Borloo. Mieux vaut tard que jamais. Après son discours chaque ministre est venu faire de la pédagogie auprès des élus locaux », confie-t-elle.
« En Seine-Saint-Denis, on est sous-doté en tout »
« Il était temps que le gouvernement se réveille, c’est à se demander si le gouvernement se serait intéressé à la politique de la ville sans la crise du covid-19 », remarque toutefois le sénateur LR de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier qui se réjouit néanmoins de l’augmentation de l’enveloppe de l’ANRU même « s’il n’y a pas de quoi se rouler par terre non plus ». Comme Patrick Kanner avec qui il avait organisé un colloque en 2018 intitulé « Banlieues : pour un électrochoc républicain », Philippe Dallier plaide pour un retour de l’Etat dans les quartiers prioritaires. « Police, justice, éducation, en Seine-Saint-Denis, on est sous-doté en tout. Est-ce que les moyens de l’Etat sont proportionnés au nombre et aux besoins des habitants de chaque collectivité ? Non, ce n’est pas acceptable ».
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