Politique de la Ville, logement: une nouvelle logique s’ébauche
Quelle place pour la politique de la Ville? Si le nouveau gouvernement assure que les banlieues ne seront pas oubliées malgré l...

Politique de la Ville, logement: une nouvelle logique s’ébauche

Quelle place pour la politique de la Ville? Si le nouveau gouvernement assure que les banlieues ne seront pas oubliées malgré l...
Public Sénat

Par Claire GALLEN

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Quelle place pour la politique de la Ville? Si le nouveau gouvernement assure que les banlieues ne seront pas oubliées malgré l'absence d'un portefeuille dédié, un changement de logique semble à l’œuvre en l'englobant, avec le Logement, dans un vaste "ministère de la Cohésion des territoires".

Dès sa prise de fonctions, le nouveau ministre Richard Ferrand a voulu déminer le terrain. "Si", il y a un ministère de la Ville, "simplement il s'appelle autrement, parce que ce qui reste à faire doit s'insérer dans une action plus globale qui porte ses fruits dans tous les territoires de France", a-t-il assuré mercredi lors de la passation de pouvoirs.

Il avait précédemment assuré que le Logement non plus ne serait pas "minoré", en réponse aux inquiétudes déjà vives, depuis le DAL craignant une relégation "en marge des politiques publiques", jusqu'à l'USH (Union sociale de l'habitat) parlant de "premier rendez-vous manqué", où le gouvernement "ne place pas la question du logement et de la politique de la ville au cœur" de ses priorités.

Une telle absence est "inhabituelle", souligne Thomas Kirszbaum, chercheur associé à l'Institut des Sciences sociales du Politique: la politique de la Ville, symbole et nerf de l'action publique dans les quartiers depuis une quarantaine d'années, est une machinerie énorme, avec ses projets de renouvellement urbain au long cours. Souvent critiquée, elle revient régulièrement sur le devant de la scène, au gré des violences ou des discours sur l'"apartheid" en banlieue.

"En réalité on sait qu'on ne peut pas se passer d'une politique spécifique" pour la Ville, souligne M. Kirszbaum, pour qui "il n'y a pas beaucoup d'inquiétudes à avoir sur le fait qu'on va maintenir une politique ciblée sur les quartiers prioritaires".

- 'France périphérique' -

La vraie nouveauté, dans cette reconfiguration, est le langage utilisé, puisqu'on passe à une logique de "cohésion". Or en matière de territoire, "est-ce qu'égalité et cohésion sont la même chose? Non", estime auprès de l'AFP Renaud Epstein, maître de conférence en sciences sociales à l'Université de Nantes.

Ce discours s'inscrit en fait, note-t-il, "dans le fil du débat sur la France périphérique" décrite par le géographe Christophe Guilluy où, loin des métropoles gagnantes de la mondialisation, le sentiment d'abandon gagne.

Emmanuel Macron s'était explicitement réclamé de ce concept de "France périphérique" pendant la campagne, se posant en défenseur des classes moyennes "oubliées par la gauche et la droite" et tentées par le vote FN.

Depuis plusieurs années, explique en effet M. Guilluy, "quelque chose d'assez dangereux s'organise, avec la désolidarisation des grandes métropoles" vis-à-vis de la France périphérique, et à l'intérieur des métropoles une "spécialisation sociale" des banlieues. Ce sont "deux grandes inégalités territoriales qu'il va falloir gérer pour les vingt prochaines années", explique-t-il à l'AFP.

Et il y a selon lui une cohérence à "ne pas spécialiser, tronquer les politiques publiques en fonction des territoires".

- 'Compétition pour l'excellence' -

"Rééquilibrage des territoires": le nouveau ministre a déjà affiché la priorité lors de ses premières interviews. Mais il a également parlé de "terres d'excellence", choisissant là aussi de sortir du langage habituel.

"C'est un discours libéral d'égalité des chances: on ne fait pas jouer la solidarité envers les territoires, on comble les handicaps pour permettre d'entrer dans la compétition et réussir", estime M. Epstein.

Mais "quid des losers? Ceux qui n'arriveront pas à se mettre au niveau de la compétition pour l'excellence?" s'interroge-t-il.

Lors de la campagne, Emmanuel Macron avait revendiqué une politique de "discrimination positive" envers les quartiers, disant à l'AFP qu'il voulait y remettre "un imaginaire républicain de réussite".

Mais pour M. Kirszbaum, le nouveau président semble faire le pari "que les quartiers vont tirer profit, par un effet de ruissellement, de la dynamique d'ensemble qu'il veut réinsuffler dans la société française".

Or "on sait que certains territoires sont fichus": c'est, estime le sociologue, "un pari extrêmement hasardeux".

Partager cet article

Dans la même thématique

Politique de la Ville, logement: une nouvelle logique s’ébauche
3min

Politique

Airbnb permet « payer les études de mes enfants », se défend cette propriétaire de Cagnes-sur-Mer

La France fait la part belle à Airbnb. La plateforme d’hébergement est désormais présente dans 80% des communes de l’hexagone. Une inflation des locations de courte durée qui a un impact direct sur la crise du logement. Dans certaines villes, le marché est saturé et le prix des loyers n’a jamais été aussi élevé. Mais pour certains propriétaires qui mettent leur bien en location, c’est aussi un revenu d’appoint utile pour entretenir leur patrimoine comme en témoigne Elodie Fakhfakh, face à trois sénatrices dans l’émission Dialogue Citoyen, présentée par Quentin Calmet.

Le

Documentaire Churchill chef de guerre de Peter Bardelhe
3min

Politique

Et si Winston Churchill était le grand perdant de la victoire des alliés en 1945 ?

L’Histoire a retenu de Winston Churchill un héros triomphant au balcon de Buckingham Palace après la capitulation des nazis. Mais proclamer le signe de la victoire avec la main ne suffit pas, encore faut-il en récupérer les bénéfices. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne a vu son influence dégringoler. Malgré les efforts du Vieux lion, les deux superpuissances, américaine et soviétique, ont imposé un agenda politique au détriment des intérêts britanniques. Le réalisateur Peter Bardelhe a fait le pari d’expliquer cette partie de poker diplomatique entre les vainqueurs de 1945 dans un documentaire Churchill, chef de guerre diffusé sur Public Sénat.

Le

Paris: Gerard Larcher elu President du Senat
3min

Politique

Échec de la CMP sur le budget : Gérard Larcher dénonce le « manque de considération » de Sébastien Lecornu à l’égard du Sénat

Le gouvernement et la majorité sénatoriale se renvoient la responsabilité de l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances 2026. Gérard Larcher répond à Sébastien Lecornu en défendant la position du Sénat pendant l’examen du budget et en dénonçant « le manque de considération » et « les mots excessifs » du Premier ministre.

Le