Pollution de l’air : « Il faut moins de com’ et passer aux actes », plaide Jean-François Husson

Pollution de l’air : « Il faut moins de com’ et passer aux actes », plaide Jean-François Husson

Dans un rapport d’information, le sénateur Jean-François Husson (LR) étrille l’action menée en France ces dernières années pour améliorer la qualité de l’air, notamment par Ségolène Royal. Il estime que les politiques environnementales manquent de « vision stratégique ».
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Depuis la publication remarquée, il y a deux ans, de son rapport sur le coût de la pollution de l’air, estimée à plus de cent milliards d’euros par an, le sénateur Jean-François Husson se désole du manque de résultats sur le terrain. « Depuis ce rapport, il ne s’est rien passé. Ça me déçoit et ça m’énerve », lâche le sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle.

Au lendemain de la présentation du Plan climat par Nicolas Hulot, l’élu reconnaît que l’action nationale pour améliorer la qualité de l’air est bien motivée par une « ambition réelle », mais il souligne que les moyens pour y parvenir ne sont pas à la hauteur :

« Derrière ce que j’appelle le blabla qui lasse, il faut présenter des mesures. C’est bien d’avoir des mesures à l’horizon 2040 [la fin souhaitée par Nicolas Hulot pour la vente des voitures diesel et essence, NDLR]. C’est mieux, lorsque l’on est en situation de responsabilité pour cinq ans, de dire quel est le plan d’action du quinquennat. […] Ce qui me préoccupe, c’est que je n’ai pas vu le début du commencement d’une mesure concrète. »

Pour Jean-François Husson, la déclinaison en France des directives environnementales européennes est particulièrement symptomatique. Dans son rapport d’information rendu public ce vendredi, et intitulé « des paroles aux actes : continuer à agir pour relever les défis du droit européen environnemental », il constate que la France reste toujours en retard pour intégrer et mettre en application la législation communautaire environnementale.

« On voudrait déjà devenir l’élève modèle »

Depuis 2011, date du précédent rapport élaboré par Fabienne Keller, la situation a certes connu une amélioration. La France a transposé davantage de directives européennes dans le droit national, mais il reste encore du chemin  à parcourir. L’environnement reste toujours la principale source de contentieux entre la France et la Commission européenne. Concernant la qualité de l’air, la France fait actuellement l’objet de deux procédures et donc, risque des sanctions financières : sur la directive de 2008 concernant la qualité de l’air ambiant, mais aussi sur le non-respect des plafonds de particules et oxydes d’azote.

Pourtant sur certains textes, la France a même tendance à dépasser les exigences fixées par le cadre européen.  C’est également un problème, note Jean-François Husson :

« On a tendance à rendre la copie meilleure. Faisons déjà les choses, n’en rajoutons pas. On a déjà du retard et on voudrait déjà devenir l’élève modèle. »

« L’État ne peut pas se décharger de sa responsabilité »

Dans la mise en œuvre de l’amélioration de la qualité de l’air, le sénateur dresse un constat particulièrement sévère de la coordination entre les différents acteurs, et notamment de l’accompagnement des collectivités territoriales par l’État. « Les financements ne sont pas à la hauteur des enjeux », dénonce le rapport. Le sénateur qui s’est rendu dans le Nord, donne l’exemple de la métropole lilloise. La lauréate de l’appel à projet « villes respirables en 5 ans », lancé en 2015 par Ségolène Royal, n’a jamais vu la couleur de l’aide d’un million d’euros promise par l’État : les montants effectivement reçus ont été divisés par dix. « L’État ne peut pas se décharger de sa responsabilité », regrette le sénateur.

La mauvaise coordination entre les différents acteurs, c’est aussi la conséquence d’un problème de gouvernance. «  De nombreux outils existent, voire trop », pointe Jean-François Husson. Multiplicité des échelles, des outils de planification pour chaque strate administrative, intercommunale ou régionale. « Comme si l’air avait des frontières », souffle le rapporteur.

« La ministre a découvert que c’était bénéfique pour l’État »

Le manque de clarté et de lisibilité se retrouve également sur le plan fiscal, l’un des leviers majeurs en matière de politique environnementale. Le rapport revient sur la fiscalité du gazole et de l’essence, « décidée dans la précipitation » après le scandale du « dieselgate ». « La ministre de l’époque », Ségolène Royal, « a découvert qu’une hausse du prix du diesel, c’était bénéfique pour l’État. Je pense qu’il faut plutôt que petite hausse du diesel, et une petite baisse de l’essence, pour que l’exercice soit neutre. Il ne faut pas profiter d’un habillage vertueux pour prendre la fiscalité en douce », est d’avis Jean-François Husson.

Car l’une des clés de la lutte contre la pollution de l’air serait de ne pas opposer des acteurs à des autres. « Il y a plusieurs émetteurs de polluants », détaille Jean-François Husson :

« Il ne faut pas stigmatiser une famille d’émetteurs : il faut pactiser avec tout le monde, et avancer avec un  rythme soutenu, avec des contraintes économiques, pour que chacune des grandes familles n’ait pas le sentiment d’être mise en cause. Tout ce qui transports, agriculture, habitat, industrie : il faut leur donner une feuille de route partagée, une stratégie avec des objectifs. »

Plaidant pour des « pactes de confiance », le sénateur est convaincu que le diagnostic sur la pollution atmosphérique est transpartisan et que chacun est disposé à agir. « Si c’est bien partagé, les Français suivront », espère-t-il. « Le politique doit travailler la complicité avec la société, les acteurs économiques, pour construire les conditions économiques. Il faut un peu moins de com’, parler moins, parler juste et mieux, pour pouvoir passer aux actes, et les inscrire dans une chronologie qui donne de la lisibilité à tout le monde. Redonner la confiance. »

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