Avec 25 millions de clics par jour, les « tubes » pornographiques font florès en France. Accessible sur smartphones ou tablettes, l’accès à ces plateformes, souvent basées dans des paradis fiscaux qui ne coopèrent pas avec la France, est devenu un enjeu pour la protection de l’enfance. « 50% des enfants de moins de 12 ans, ont déjà vu un film pornographique en entier » s’alarme la sénatrice LR Marie Mercier, rapporteure de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, adoptée à l’unanimité, mardi soir.
Le texte, déposé par deux députés LREM, est issu du Grenelle des violences conjugales et fait suite à la proposition de loi du député LR, Aurélien Pradier visant à agir contre les violences au sein de la famille. « Il n’y avait pas grand-chose dans ce texte mais il y avait l’article 11 relatif à la protection des mineurs. Des véhicules législatifs, on n’en voit pas passer tous les jours. Je ne voulais pas attendre que soit inscrite à l’ordre du jour, la loi sur l’audiovisuel pour faire passer cet amendement » explique Marie Mercier.
Le CSA en charge de mettre à demeure les sites illégaux
Son amendement, adopté lui aussi à l’unanimité, avec un avis favorable du gouvernement, complète l’article 227-24 du code pénal qui interdit la diffusion de messages pornographiques aux mineurs. Afin d’obliger les sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l’âge de leurs clients, le CSA sera chargé de leur adresser une injonction de mise en conformité. En cas de refus, le CSA pourra saisir le président du tribunal judiciaire de Paris afin qu’il ordonne aux opérateurs de rendre impossible l’accès à ces sites depuis la France.
Promesse d’Emmanuel Macron
Par le vote de cet amendement, le Sénat a également répondu à une promesse d’Emmanuel Macron faite devant l’Unesco, le 20 novembre 2019. « Aujourd’hui, la pornographie a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l'alcool ou la drogue. Nous ne pouvons pas d'un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l'autre, fermer les yeux sur l'influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d'humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes » (…)« Je veux que soit mis en place un contrôle parental par défaut qui permettra de garantir simplement son application. Aujourd’hui c’est une démarche volontaire. Dans la plupart des cas ce n’est pas suffisant. Ça doit être un contrôle par défaut » avait-il demandé.
« L’article 227-24 du code pénal date de l’époque du minitel rose, quand le porno n’était pas diffusé sur les tubes. Cette menace de blocage va inciter les plateformes qui ne respectent pas la loi à revenir à la table des négociations » veut croire une source proche du dossier.
Les acteurs du « porno vertueux » auditionnés au Sénat ?
La semaine dernière, la commission des lois du Sénat a auditionné en toute discrétion plusieurs représentants du « porno vertueux » selon les mots de Marie Mercier, Gregory Dorcel ou encore l’ancienne actrice X, Ovidie, désormais documentariste et réalisatrice, ont été entendus. Les sénateurs ont également travaillé avec l’association OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique).
Sans aller jusqu’à recourir au dispositif FranceConnect (la solution proposée par l’État pour sécuriser et simplifier la connexion), des modules Visa/Mastercard autorisant des transactions zéro euro, pour les contenus gratuits, pourrait faire partie des pistes envisagées.
« Aucune barrière ne sera parfaitement étanche. Mais il est temps d’agir. En 20 ans rien n’a bougé sur le contrôle d’accès des sites pornographiques » regrette Marie Mercier.