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Porno : pourquoi les sites Pornhub ou Youporn sont-ils de nouveaux accessibles ?

Après avoir bloqué son accès à tous les utilisateurs en France pour protester contre la législation française qui contraint ces plateformes à vérifier efficacement l’âge de leurs visiteurs, l’éditeur de sites pornographiques Aylo (Pornhub, RedTube et YouPorn) est de nouveau accessible, en raison d’une décision du tribunal administratif qui a donné gain de cause aux géants du X.
Simon Barbarit

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« Je suis déçue, mais pas vraiment surprise », commente la sénatrice LR, Marie Mercier en apprenant que les sites pornos comme Pornhub, RedTube ou encore YouPorn sont de nouveau accessibles en France après une période de blocage volontaire qui n’aura finalement duré que 15 jours.

Le 3 juin dernier, le groupe Aylo annonçait le blocage de ses sites dans l’hexagone pour protester contre l’obligation des éditeurs de sites X à mettre en place un système d’identification empêchant les mineurs d’y accéder, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’au blocage, conformément à l’amendement de Marie Mercier à la loi du 30 juillet 2020.

Mais 5 ans après son adoption, les mineurs ont toujours accès librement à ces contenus. Pour avancer, il a fallu attendre un deuxième texte « visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique », adopté en 2024. La loi confie à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le soin d’établir un référentiel fixant les exigences techniques minimales de vérification d’âge auxquels les sites pornographiques doivent se soumettre, sous peine de lourdes amendes. Cette obligation de contrôle d’âge est en vigueur depuis le 11 janvier et ne concernait à l’origine que les sites basés en France et hors Union Européenne. Concernant les sites basés dans l’Union, ils sont soumis au règlement européen, DSA (Digital Services act) qui impose aux plateformes de plus de 45 millions d’utilisateurs de prendre des mesures pour atténuer les risques liés à la protection des mineurs en ligne. L’arrêté publié en mars dernier au Journal Officiel sur l’obligation de contrôle de l’âge visait pourtant Pornhub, YouPorn et Redtube, propriétés du groupe Aylo et installés à Chypre, mais aussi XVidéo, basé en République tchèque, Tukif, au Portugal, ou encore Jacquie et Michel, qui émet depuis l’Espagne.

« Ce contentieux était prévisible »

C’est pourquoi, le tribunal administratif de Paris, saisi en référé par les éditeurs, a estimé qu’il existait un « doute sérieux quant à la légalité » de cet arrêté et l’a suspendu en urgence lundi.

Le gouvernement a annoncé qu’il allait contester la suspension devant le Conseil d’Etat et a minimisé la portée du jugement. « Ce type de contentieux n’est ni nouveau, ni exceptionnel », avait alors affirmé à l’AFP la ministre en charge du Numérique, Clara Chappaz.

« Avec les moyens mis à disposition, de ces éditeurs, effectivement, ce contentieux était prévisible. J’ai quand même été un peu étonnée lorsque j’ai vu que l’arrêté de la ministre visait aussi les sites européens », commente Marie Mercier.

Pour Alexandre Archambault, avocat spécialisé dans le droit du numérique, « la motivation du juge administratif n’est pas non plus exempte de critiques. Il y a de gros raccourcis, donc il n’est pas exclu que le Conseil d’Etat ne suive pas le juge des référés dans un mois. Mais il y a un gros problème de méthode le gouvernement qui a péché par excès de confiance en ne présentant pas ses observations devant le tribunal. Les seuls éléments exposés étaient ceux du requérant ».

De façon générale, Alexandre Archambault invite le gouvernement « à mieux respecter le droit européen », « en mettant au rancart les réglementations françaises qui portent sur des acteurs établis dans l’Union Européenne. La régulation du numérique c’est une compétence de l’Union », rappelle-t-il

Le 27 mai, la Commission a d’ailleurs engagé une procédure contre Pornhub, Stripchat, XNXX et XVideos pour non-respect du DSA. La Commission a noté, que ces plateformes ne prenaient pas de « mesures appropriées et proportionnées […] de vérification de l’âge destinées à protéger les mineurs des contenus pour adultes ».

« Le contrôle de l’âge est inéluctable »

La Commission travaille à un dispositif de contrôle d’âge dont un projet pilote sera présenté en juillet. La France n’est pas le seul Etat membre à collaborer à ce projet, L’Espagne, Italie, Grèce, Danemark ont aussi été choisis pour ce projet pilote qui doit se baser sur le futur Portefeuille d’Identité Numérique Européenne. L’identité numérique que tous les États membres seront obligés de fournir à leurs citoyens à partir de novembre 2026. Il permettra aux citoyens européens de s’identifier auprès de l’administration et des entreprises publiques et privées, sans avoir besoin de céder leurs données, seules celles nécessaires pour accéder à un service ou une prestation seront partagées.

Lundi, les sites pornos ont obtenu une victoire tactique car le contrôle de l’âge est inéluctable. Il deviendra obligatoire à l’échelle du continent dans les prochaines semaines », rappelle Alexandre Archambault.

Il y a urgence. Selon une enquête de l’Arcom, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique plus la moitié des garçons de 12 ans se rendent en moyenne chaque mois sur les sites pornographiques. 12 % de l’audience de ces sites est constituée de mineurs en moyenne.

 

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