Positive au covid-19, Valérie Pécresse s’isole, mais entend poursuivre une campagne recentrée sur les thèmes clefs de la droite
Testée positive au covid-19 jeudi, Valérie Pécresse va poursuivre sa campagne « à distance ». Avant de devoir s’isoler, elle a pu présenter à la presse son projet de réforme constitutionnelle largement inspiré des travaux de la droite sénatoriale, et principalement axé sur la justice, l’immigration et la sécurité. Trois thématiques à travers lesquelles la candidate LR, toujours en difficulté dans les sondages, espère parvenir à se différencier d’Emmanuel Macron.
Ce jeudi matin, durant la conférence de presse organisée par Valérie Pécresse pour présenter son « projet de loi constitutionnelle », la voix cassée de la candidate LR laissait croire qu’elle portait encore les stigmates de son triple débat de la veille, sur le plateau de Cyril Hanouna, face au communiste Fabien Roussel, à l’insoumis Adrien Quatennens et à la nouvelle recrue d’Éric Zemmour, Marion Maréchal. Mais en milieu d’après-midi, une autre explication à cette extinction de voix tombe : Valérie Pécresse annonce sur son compte Twitter avoir été testée positive au covid-19. Elle précise qu’elle va poursuivre sa campagne « à distance et dans le respect des règles sanitaires. » C’est donc avec le timbre éraillé que, quelques heures plus tôt, la candidate a pu s’offrir une dernière intervention physique avant plusieurs jours d’isolement, depuis la Maison de l’Amérique latine à Paris, où elle avait donné rendez-vous à la presse pour détailler certaines de ses propositions.
Depuis des semaines, de conférence de presse en conférence de presse, la présidente de la région Île-de-France décline inlassablement les différentes mesures de son « projet présidentiel ». Qu’importe si les commentateurs ont jugé sa prestation face à la nièce de Marine Le Pen confuse et peu convaincante, qu’importe si les dernières enquêtes d’opinion menacent désormais de la faire passer sous la barre des 10 % au premier tour - un score inédit pour la droite à une présidentielle -, Valérie Pécresse reste convaincue que le sérieux de son programme peut encore faire la différence d’ici trois semaines. « Je veux montrer que je suis prête, que personne ne m’arrêtera, ou ne bloquera les mesures que les Français attendent », clame-t-elle. « Si je suis candidate à la présidence, c’est pour en finir avec l’impuissance publique que nous subissons depuis dix ans, qui nourrit les extrêmes, qui éloigne les Français des urnes », indique encore Valérie Pécresse qui entend lancer, si elle accède au pouvoir, « une série de modifications constitutionnelles pour redonner une marge d’action à l’exécutif ».
Un projet inspiré par la droite sénatoriale
Son projet de réforme rassemble une série de mesures phares de son programme, sur la lutte contre l’insécurité, l’immigration, l’islamisme et en faveur de la souveraineté économique de la France, mais qui seraient toutefois susceptibles, en l’état actuel du droit, de se voir retoquer par le Conseil constitutionnel. « Si vous ne modifiez pas la Constitution, il y a des mesures que vous ne parviendrez pas à faire passer par la loi », admet Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat. En l’occurrence : l’utilisation de drones par les forces de l’ordre, le floutage systématique du visage des policiers et des gendarmes dans les médias ou sur les réseaux sociaux, la mise en place d’une rétention de sûreté pour les personnes qui sortent de prison après une peine liée à des actes de terrorisme, ou encore l’expulsion des étrangers fichés S.
Mais la modification la plus importante concerne l’article 11, qui encadre le recours au référendum, actuellement limité à l’organisation des pouvoirs et services publics, aux politiques économiques et sociales. Valérie Pécresse souhaiterait étendre la possibilité de consultation des Français à d’autres matières. Ce qui lui permettrait de faire voter un référendum sur l’immigration, en vue d’accorder au Parlement la possibilité de fixer chaque année des quotas d’accueil par pays et par métier. « Ce système de quotas sera efficace pour réguler l’immigration et lutter contre l’immigration illégale », se félicite Valérie Pécresse qui veut faire des visas un levier de négociation avec certains pays. « Ce sera quota zéro pour les pays non coopératifs. J’ai un exemple douloureux : le Mali », illustre-t-elle.
« Nous venons de présenter la réforme constitutionnelle le plus audacieuse de la Cinquième République, celle qui va réellement permettre de protéger les Français contre l’insécurité, le terrorisme islamiste et de maîtriser enfin nos flux migratoires », veut croire le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti. « Il y a une crise de la démocratie, parce que les Français voient passer des gouvernants, des présidents de la République sans que rien ne change. Pourquoi rien ne change ? Parce que les gouvernants sont ligotés eux-mêmes par des règles auxquelles le peuple français n’a pas totalement consenti », soutient Bruno Retailleau, qui est chargé au sein de l’équipe de campagne de préparer les 100 premiers jours de la présidence. « Modifier la Constitution, c’est aussi un moyen de sortir de l’impuissance publique, de sortir d’une crise de légitimité. Qui gouverne ? L’Etat de droit, c’est d’abord la volonté populaire. C’est la raison pour laquelle, en matière d’immigration, elle propose un référendum. »
Retrouver un peu d’oxygène
En parallèle de ces propositions constitutionnelles, Valérie Pécresse a également présenté une « charte de protection de l’ordre républicain », dans laquelle figurent notamment le retour des peines planchers supprimées sous François Hollande, une redéfinition des conditions d’instruction des demandes de droit d’asile et « la fin du droit du sol automatique ». En essayant de replacer la sécurité, la justice et l’immigration au cœur d’une campagne électorale bouleversée par la guerre en Ukraine, et qui a ainsi vu les questions de pouvoir d’achat et d’indépendance stratégique prendre le pas sur d’autres thématiques, Valérie Pécresse opère un retour aux fondamentaux de sa famille politique. C’est aussi une manière pour la droite de se démarquer du candidat Macron, qui a présenté la semaine dernière un programme très inspiré de celui des LR, sur la réforme des retraites, le RSA, la suppression de la redevance télévisuelle ou encore l’éducation.
« Mon projet est clairement en rupture avec sa vision de la société », assure Valérie Pécresse. « En 4 heures de présentation, il n’a pas daigné parler de sécurité, sauf après la question d’un journaliste », pointe-t-elle. « Emmanuel Macron a envie d’écraser tout, d’escamoter cette campagne, pour ne pas rendre compte de son bilan et parce qu’il n’a pas vraiment de projet. Il y a des mesures qu’il nous emprunte, mais rien sur la dette, rien sur la sécurité… », abonde Bruno Retailleau. Une critique sur laquelle devrait insister la droite dans les semaines à venir pour tenter de cultiver sa différence : « La sécurité, c’est l’angle mort du double quinquennat Hollande-Macron, ils ont conduit la même politique, y compris en matière de réponse pénale », souligne Éric Ciotti.
Fin de campagne
Les soutiens de Valérie Pécresse se félicitent de l’agacement suscité dans les rangs de la majorité par la phrase de Gérard Larcher, accusant dans Le Figaro Emmanuel Macron de vouloir « enjamber » la présidentielle. Dans le même entretien, le président du Sénat s’est également interrogé sur la « légitimité » du président sortant dans l’hypothèse d’une réélection sans campagne. « La question de la légitimité n’est pas celle de l’élection, mais de l’action ensuite. Une campagne est faite pour passer un pacte avec la nation. Si vous n’avez pas débattu vos réformes dans la controverse, si vous ne les avez pas exposées aux Français, leur légitimité sera beaucoup plus faible ensuite », avertit Bruno Retailleau.
Une autre phrase de Gérard Larcher a pu nourrir l’agacement, cette fois dans les rangs de sa propre famille politique. Devant des proches, le deuxième personnage de l’Etat aurait déjà acté la défaite de sa candidate, rapporte Le Canard enchaîné. « Valérie ne sera pas au second tour, elle ne peut plus l’être. Il s’agit maintenant de limiter les dégâts aux législatives », aurait-il déclaré selon des propos cités par le palmipède. Sur LCI, jeudi matin, l’intéressé, qui est également président du comité national de soutien à Valérie Pécresse, a redit son engagement pour la présidente de la région Île-de-France. « Dieu sait si je passe du temps avec Gérard Larcher. Jamais je ne l’ai entendu prononcer cette phrase ! », assure Bruno Retailleau, qui refuse pour l’instant d’évoquer l’après-présidentielle. « Quand je fais une campagne, je la fais à fond. On ne peut pas consacrer son enthousiasme, ses efforts à un objectif en se projetant dans une autre échéance. »
Un responsable de droite veut croire qu’un mois après le début de la guerre en Ukraine, l’attention médiatique va de nouveau se porter sur la présidentielle. Et d’ajouter : « la vraie campagne va pouvoir démarrer ». Une petite phrase que l’on entend régulièrement depuis… le congrès de décembre. Départ ou dernière ligne droite, à 16 jours du premier tour, il ne peut s’agir que d’un contre-la-montre. Avec quelques points de pénalité pour Valérie Pécresse, puisque le covid-19 l’a contrainte à annuler au moins trois déplacements en cette fin de semaine, à Bordeaux, Aix-en-Provence et Marseille.
La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certaines déclarations de responsables politiques conciliant avec le régime dictatorial refont surface. En octobre 2015 par exemple dans l’émission « Preuves par 3 » sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon estimait que les bombardements russes et syriens faisaient partie d’une guerre nécessaire contre les rebelles.
Reçus par Emmanuel Macron ce mardi, avec d’autres formations politiques à l’exception de LFI et du RN, socialistes et écologistes se sont engagés, s’ils accèdent au pouvoir, à ne pas utiliser le 49.3 à condition que les oppositions renoncent à la motion de censure. « Ça a été repris par Horizons, par le MoDem », a assuré Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
À la sortie d’une réunion avec les partis, hors LFI ou RN, le patron des députés de la Droite républicaine insiste à nouveau sur la nécessité d’aboutir à un accord de non-censure pour qu’un gouvernement survive. Il maintient sa ligne rouge : la droite ne veut ni ministres issus de la France insoumise, ni application du programme du Nouveau Front populaire.