« C’est une idée qui m’a traversée lorsque j’étais jeune agrégé, quand je commençais à enseigner à l’Université ». S’il adorait enseigner, c’est dans l’écriture qu’Éric-Emmanuel Schmitt trouvait déjà l’accomplissement. Ainsi, comme dès la publication de sa première pièce de théâtre, il a pu vivre de ses écrits, il a rapidement délaissé les salles de cours pour se consacrer à l’écriture. Il déclare néanmoins à Guillaume Erner : « je pense que j’ai reporté quelque chose de mon désir de transmettre dans tout ce que j’ai écrit ».
« Chaque œuvre que j’ai faite jusqu’ici était un objet en soi mais aussi une propédeutique ».
Le projet colossal de retracer l’histoire de l’Humanité lui est venu à l’âge de 25 ans. « A l’époque j’étais capable d’avoir l’idée mais j’étais incapable de la mettre en œuvre. Alors c’est devenu un projet de vie. A partir de là, chaque œuvre que j’ai faite était un objet en soi mais c’était aussi une propédeutique, la préparation d’une étude plus approfondie ».
Le livre commence au présent, Noam se réveille et découvre notre monde ainsi que quelque chose d’absolument nouveau pour lui : une conscience mondiale du fait que l’Humanité est peut-être en train de s’autodétruire. Éric-Emmanuel Schmitt développe : « L’Homme a finalement tellement exploité, dominé la Nature, qu’il est peut-être en train de la détruire et de détruire les conditions de sa propre survie ».
Après cette prise de conscience, Noam, qui est donc le narrateur, a besoin de raconter le passé pour comprendre comment l’Humanité en est arrivée là. On le suit dans une communauté préhistorique alors que l’Homme se sédentarise. Pour Éric-Emmanuel Schmitt : « C’est le moment où l’Histoire se met en route, le moment où s’ébauche la division du travail, le travail à proprement parler, la condition de la femme et donc les prémices du patriarcat ». Un moment charnière qu’il voulait raconter.
« Dans l’histoire du déluge et de l’arche de Noé, les hommes sont punis mais ils deviennent en même temps responsables, maîtres et possesseurs de la Nature ».
A l’heure du désastre écologique et de la pandémie mondiale, on comprend en écoutant Éric-Emmanuel Schmitt qu’il a cherché dans l’Histoire et les mythes, les moyens de comprendre les choses.
« Je raconte aussi le moment du Déluge et de l’Arche de Noé parce que c’est pour moi à partir de ce moment que l’Homme se pense en charge de la Terre, du vivant et de sa propre destinée. Noé doit sauver les Hommes comme les animaux, explique-t-il. L’égocentrisme humain fait qu’un déluge qui est censé toucher toute la Nature et tous les vivants, est perçu comme une punition de Dieu. Les Hommes sont alors punis mais ils deviennent en même temps responsables, maîtres et possesseurs de la Nature ».
Là réside peut-être l’égarement originel d’après Éric-Emmanuel Schmitt, qui tente de souffler à ses contemporains des pistes pour penser le présent.
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« Paradis perdus », Éric-Emmanuel Schmitt, Edition Albin Michel