Pour gagner la bataille du rail, il faut d’abord gagner la bataille de l’opinion

Pour gagner la bataille du rail, il faut d’abord gagner la bataille de l’opinion

Plus de trois mois après le début du conflit social, la grève pour protester contre la réforme de la SNCF se poursuit toujours. Néanmoins, syndicats et gouvernement se sont rencontrés pour négocier à deux reprises, le 7 et le 25 mai. Et au terme de cette dernière rencontre, le Premier ministre a annoncé reprendre la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards d’euros, une des revendications syndicales.Cette décision marque-t-elle un retour à l’équilibre dans les négociations, après des mois d’incompréhension entre les deux parties ? Retour sur la communication des syndicats et du gouvernement, qui semblent avoir la même stratégie… celle de convaincre l’opinion. 
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Par Prescillia Michel

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La CFDT et le gouvernement : un dialogue de sourds ? 

Parmi les syndicats impliqués dans les négociations pour la réforme de la SNCF, la CFDT a exprimé sa volonté de discuter avec l'exécutif. Ainsi, Laurent Berger a souvent salué le dialogue mis en place avec le gouvernement sur les questions d’ouverture à la concurrence et de convention collective notamment.

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Pour Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et désormais président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo, « la CFDT et Laurent Berger sont des réformistes, des gens qui proposent et qui souhaitent discuter des réformes ». Volonté que Laurent Berger affiche notamment lors de son interview au micro de RTL le 13 avril dernier.

Ouvert à la discussion ne signifie pas pour autant que le leader syndical est en phase avec le gouvernement. Sur le plateau de France 2 le 20 avril dernier, celui-ci n’a notamment pas hésité à dénoncer la volonté de l'exécutif de faire du « bloc contre bloc », de vouloir monter les syndicats les uns contre les autres.  L’objet du désaccord : l’annonce de la fin programmée du statut spécial des cheminots au 1er janvier 2020. Selon Raymond Soubie, cette décision est mal vécu par le syndicat qui a l'impression qu'on lui « ferme la porte au nez » alors qu'il souhaitait discuter de cette réforme.

L’expert en politiques sociales résume alors les deux postures de Laurent Berger ainsi :

« Le premier Laurent Berger est le Laurent Berger classique, ouvert à la discussion et le deuxième Laurent Berger, est d’abord déçu, puis irrité et mécontent et il le fait savoir ».

Ce changement de ton de la part de la CFDT n’est cependant pas sujet à faire vaciller le gouvernement car selon l’expert en politiques sociales, « le président de la République a une conception très simple qui consiste à dire : le rôle des syndicats se joue au niveau de l’entreprise et de la branche par la négociation ». Puis il ajoute que pour Emmanuel Macron c’est au gouvernement de décider des réformes. Ainsi, c’est à lui que revient le dernier mot. 

Les syndicats et Emmanuel Macron : la stratégie commune de l’opinion

Mais qui a le dernier mot concernant la bataille de l’opinion ? En tout cas, syndicats et gouvernement semblent avoir cette même tactique…

Concernant les premiers, Guy Groux, sociologue et directeur de recherche du CNRS au CEVIPOF explique :

« On est passé à une nouvelle stratégie des syndicats qui se mobilisent sur la bataille de l’opinion ».

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Il poursuit, « Avant, il y avait des grandes grèves interprofessionnelles qui se suffisaient à elles-mêmes [pour aider à trouver une issue aux conflits sociaux]. Désormais, les syndicats sont amenés à conduire des batailles pour convaincre l’opinion tandis que les pouvoirs publics font de même ».

Pour le sociologue, « Laurent Berger assume la politique contractuelle de sa confédération tout en disant au gouvernement faites attention vous risquez de briser cela en nous menant à un bloc contre bloc ». Pour lui, il s’agit d’« une communication qui s’adresse à l’opinion » car le leader de la CFDT suit les sondages et sait que « la majeure partie de l’opinion publique est assez favorable à une sortie pacifique du conflit ». 

À Matignon, la bataille de l’opinion fait rage également, à l’image d’Édouard Philippe qui, dès l’annonce de la réforme pose ses limites : « Il n’est pas question de négocier, refermer tout, il n’y a rien à voir » résume Raymond Soubie.

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Puis au fil des semaines, le Premier ministre se fait « plus ouvert et développe l’éternel item : fermeté/dialogue. La fermeté pour montrer qu’on ne cède rien et le dialogue pour signaler que l’on discute et que l’on cède un peu quand même sur certains points ».

Pour Guy Groux, « la fermeté d’Édouard Philippe répond à une attente des Français qui dans les sondages d’opinion, demandent une restauration de l’autorité de l’État ». Un pragmatisme taxé d’idéologie par la CGT, « une manière de déconstruire le discours du Premier ministre sur fond de bataille des mots » assure le sociologue.

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AFP

Alors qui ressort vainqueur de cette confrontation de l’opinion ?
Pour Raymond Soubie, en termes de communication, le gouvernement s’en sort plutôt bien. Mais l’impression laissée n’est pas la bonne car pour l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy « les cheminots ont très mal vécu cette séquence de négociations ».

Au moment où la réforme se précise de plus en plus, est-ce la bonne stratégie pour mettre fin au conflit ?

Retrouvez l’intégralité de l’émission Déshabillons-Les, SNCF, le match des mots, samedi 10 juin à 15h sur Public Sénat.

 

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