Les cheminots versus l’opinion publique
Avant même l’annonce du Premier ministre le 26 février dernier, le Président Macron portait déjà haut et fort son désir de réformer la SNCF lors de sa rencontre avec des cheminots en juillet dernier ou au Salon de l’Agriculture où il est interpellé sur le statut des cheminots dans les allées des halls d’exposition.
Pour Elsa Freyssenet, journaliste au service Enquêtes des Échos, « dans ces deux moments, le président de la République fait deux déclarations qui « ulcèrent les syndicats » : lier leur statut à la dette de la SNCF et les traiter de « privilégiés », comparé notamment aux agriculteurs.
De plus, ces deux moments symbolisent une communication présidentielle comme l’explique Vincent Dujardin, communicant et directeur général d’Alquier Communication : « Dans un premier temps, Emmanuel Macron s’adresse aux cheminots, à ceux qui sont directement concernés par ce sujet, on est dans un discours pédagogue ».
En revanche, « au Salon de l’Agriculture, il ne va plus s’adresser aux cheminots mais à l’opinion publique ».
Pour le communicant, le président :
« joue désormais l’opinion contre les cheminots et entre dans une stratégie de communication extrêmement clivante en isolant au maximum ces derniers »
Ainsi, pour Elsa Freyssenet, « les cheminots se sentent très stigmatisés » tandis que « la stratégie est de mettre en scène une volonté réformatrice du gouvernement contre ce qu’il appelle les blocages syndicaux ».
Un Premier ministre « droit dans ses bottes »
À partir du mois de février, Édouard Philippe poursuit cette stratégie de communication du gouvernement en étant « droit dans ses bottes et en sachant où il veut aller » analyse Nathalie Barreau, médiatrice en entreprise et fondatrice du cabinet Entre-liens.
« Il a donc une position haute sur le cadre, ce qui laisse entendre qu’il a également une position haute sur le fond ».
Le Premier ministre pose donc les limites de cette réforme :
« Il fait un distinguo très clair entre le fait que le gouvernement ne négociera pas les principes en eux-mêmes mais il négociera à l’intérieur »
Pour Vincent Dujardin, l’annonce témoigne qu’Édouard Philippe « est très flou sur le cadre existant de la négociation ». Son objectif est alors de « pouvoir sortir par là-haut de ce bras de fer avec les syndicats, pour pouvoir dire on a gagné, on a réussi à faire la réforme et donc on a pu avancer ».
Un gouvernement qui souhaite réformer vite et beaucoup tout en tentant de faire passer un message d’ouverture. Celui-ci trouve son illustration en mai, quand le Premier ministre reçoit les syndicats à Matignon.
Une main tendue qui traduit pour Elsa Freyssenet « une ouverture sur la forme, pour l’opinion car le gouvernement montre qu’il n’est pas sectaire ». Cependant « sur le fond, Édouard Philippe apparaît raidi en affirmant que la fin du statut des cheminots au 1er janvier 2020 n’est pas négociable ».
Mais au regard de l’enlisement du conflit social, le gouvernement parviendra-t-il à sortir victorieux et à s’offrir le « scalp » des syndicats comme le souligne Elsa Freyssenet ? En tout cas, chacun des deux camps n’est pas prêt à lâcher du lest sur les principes de cette réforme…
Retrouvez l’intégralité de l’émission Déshabillons-Les, Les rails de la réforme, samedi 26 mai à 15h sur Public Sénat.