Paris : Francois Bayrou recoit Gabriel Attal
Gabrielle CEZARD/SIPA

Pour sa rentrée, Gabriel Attal mise sur la « refondation », avec 2027 en ligne de mire

Gabriel Attal fait sa rentrée politique, ce week-end, à Arras, où il espère marquer les esprits lors d’un « grand meeting ». Il entend « dresser ce chemin d’espoir qui est de repenser globalement notre modèle », explique la députée Renaissance Prisca Thévenot, proche de l’ex-premier ministre. L’objectif du parti est bien « d’avoir un candidat à l’élection présidentielle », confie un cadre. Mais son ambition à peine voilée interroge, jusqu’en interne…
François Vignal

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Un ch’ti air de campagne présidentielle. C’est sûrement ce qu’il ressortira, dimanche après-midi, lors du discours de clôture de Gabriel Attal, pour la rentrée politique de son parti Renaissance, qui se tient à Arras, dans le Pas-de-Calais, pendant plus de deux jours. Des journées parlementaires classiques, augmentées d’un « grand meeting », comme le présente le parti, du secrétaire général de Renaissance, dimanche.

« Vision différenciante »

L’événement, prévu avant l’été, se retrouve bousculé par la rentrée très politique, ou plutôt la crise dans laquelle le pays a pris l’habitude de s’engouffrer. Pour les soutiens de celui qui préside aussi le groupe Ensemble pour la République (Renaissance) de l’Assemblée, c’est justement l’occasion de faire entendre une voix différente.

« On s’inscrit dans une démarche simple de rentrée parlementaire, avec un contexte très instable, où les acteurs de l’instabilité parlent fort et agissent vite. Celles et ceux qui veulent vraiment porter une vision différenciante et engager la France dans un chemin autre que la facilité, sont de moins en moins audibles », regrette la députée Renaissance Prisca Thevenot, proche de l’ancien premier ministre. « Avec Gabriel Attal, Valérie Hayer, les députés, les élus locaux et les militants, nous allons travailler dès ce soir à la préparation de nos positions parlementaires, sur les travaux budgétaires qui arrivent et à la vision et au chemin d’espoir, que nous voulons continuer à adresser dans les mois à venir », ajoute l’ancienne porte-parole du gouvernement.

« Montée en puissance de la campagne des municipales »

Si le sujet passe sous les radars en ce moment, le week-end sera aussi l’occasion de mettre le cap sur les municipales, une élection qui a toujours été difficile pour les macronistes et où le parti se lance avec humilité. Renaissance entend néanmoins mettre « à l’ordre du jour la montée en puissance de la campagne des municipales, avec la présentation de nos pilotes dans les principales villes », explique un cadre de la formation, qui fait des « municipales une échéance importante ».

Dès ce soir, les députés Renaissance ont rendez-vous avec le premier ministre, Sébastien Lecornu, issu de leurs rangs. De quoi mettre davantage d’huile dans le fonctionnement de la majorité, qui en a besoin. « Quand Barnier est venu il y a un an, pour simplement nous dire qu’il avait été nommé par Macron et qu’il s’entendait très bien avec lui, c’était un peu léger quand même. Ça ne suffit pas pour préparer un budget », grince a posteriori un membre du groupe, qui attend de l’ancien ministre des Armées un rôle plus actif. « Lecornu doit être ce médiateur, ce chef d’orchestre », imagine un député.

« Il faut vraiment partir sur une refondation, un nouveau pacte social, un nouveau pacte républicain », selon Prisca Thevenot

Mais au-delà des histoires de cuisine interne, Renaissance mise sur ce rendez-vous pour tenter de lancer véritablement la fusée Attal, afin de peser davantage dans les mois à venir. Avant même le discours de dimanche, son entourage fait monter la pression et annonce un discours qui va « renverser la table », avec 2027 dans le viseur.

« Oui, il faut une refondation globale », confirme Prisca Thevenot. « Ça nécessite de gérer l’urgence, donner un budget à notre pays. Et ça n’empêche pas en parallèle de dresser ce chemin d’espoir qui est de repenser globalement notre modèle. Comme Gabriel l’a dit, avec le contexte national et international actuel, on est toujours un peu retenus et empêchés par un modèle qui date de 1945. Refonder, ce n’est pas détricoter. Mais il faut vraiment partir sur une refondation, un nouveau pacte social, un nouveau pacte républicain. On a des difficultés à agir, avec nos institutions basées sur un modèle très ancien », pointe la députée Renaissance des Hauts-de-Seine.

« On a intérêt à faire corps derrière le chef de l’Etat, plutôt que de s’en démarquer », soutient François Patriat

Cette volonté de marquer le coup et d’imprimer, intervient alors que Gabriel Attal semble parfois chercher la bonne formule, depuis plusieurs mois. L’ancien ministre de l’Education, qui avait interdit l’abaya à l’école, alterne entre coup de barre à droite, défendant un texte sur la justice des mineurs, et coup de barre à gauche, en lançant une réflexion sur la GPA. En cela, il reste finalement dans une forme d’héritage du « en même temps » macroniste, tout en cherchant clairement à se démarquer de la filiation d’Emmanuel Macron, jugée aujourd’hui plus encombrante que porteuse de lendemains électoraux qui chantent. Une ligne périlleuse, pour celui « qui doit tout à Macron », selon les mots d’un élu Renaissance.

Qu’importe. En politique, il faut aussi savoir trahir. Ou du moins, voler de ses propres ailes. « Nous devons être en capacité de nous interroger sur ce que nous avons promis en 2016. A-t-on respecté la promette initiale ? Si non, il faut être capable de corriger le tir », relève un proche de l’ancien premier ministre. Interrogé début septembre dans Le Parisien, Gabriel Attal n’hésite pas à dénoncer « la bombe à fragmentation » de la dissolution, appelant Emmanuel Macron à « partager le pouvoir ». Tuer le père, il te faudra.

Une stratégie de différenciation qui interroge certains, en macronie. « Je soutiens le mouvement. Par contre, on a intérêt à faire corps derrière le chef de l’Etat, plutôt que de s’en démarquer, et à œuvrer à la réussite de Sébastien Lecornu », pointe François Patriat, à la tête des sénateurs Renaissance, fidèle de la première heure d’Emmanuel Macron.

« Il faut d’abord penser au quoi, avant de penser au qui »

S’il n’est pas encore candidat pour la présidentielle, l’objectif est aujourd’hui clairement de construire les conditions qui permettront de l’être. « Est-ce qu’il faut que notre famille politique soit présente en 2027 ? Oui », soutient sans ambages une députée Renaissance. « Pour un grand parti comme le nôtre, c’est important d’avoir un candidat à l’élection présidentielle. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. C’est d’abord un projet, puis un candidat », ajoute l’un des chefs à plumes de Renaissance, qui assure que Gabriel Attal ne veut « pas brûler les étapes. On n’est pas focalisés là-dessus. Il faut un projet pour le futur, qui sera incarné le moment venu par un candidat, on l’espère », ajoute le même membre de la direction de Renaissance.

Promis, il ne s’agit pas de tomber dans la course des petits chevaux, même si cela en a tout l’air. « Je sais qu’il y a plein de candidats : Edouard Philippe, Bruno Retailleau, peut-être Laurent Wauquiez, peut-être Gérald Darmanin, peut-être Yaël Braun Pivet… Il y en a pléthore. Maintenant, on ne va pas faire dans les exercices qui ont échoué, en pensant au qui, avant de penser au quoi. Il faut d’abord penser au quoi, avant de penser au qui », prévient Prisca Thévenot. Cette proche de Gabriel Attal ajoute : « Pour moi, dans les prochains mois et années, nous avons besoin d’une personnalité comme Gabriel Attal, dans sa capacité à rassembler et à prendre les choses dans le bon sens, parler du quoi avant du qui. Pour moi, c’est la seule personnalité politique qui est dans cette démarche ».

« C’est ce qu’on dit, qu’il veut y aller à tout prix »

Mais une fois le parti, où il a lancé plusieurs conventions, remis en ordre de marche, un projet développé et une garde rapprochée et dévouée mise en place – « il a une équipe autour de lui qui ne vend que du Attal », constate un membre du parti – Gabriel Attal ne risque-t-il pas de vouloir y aller coûte que coûte ? « C’est ce qu’on dit, qu’il veut y aller à tout prix », confie un parlementaire Renaissance, qui émet cependant quelques doutes sur l’ambition du jeune Attal – il n’a encore que 36 ans.

« L’heure n’est pas à la présidentielle pour le moment, mais d’avoir un budget et un peu de stabilité. Et si on en parle, tous les chefs de partis feraient mieux de travailler ensemble pour trouver celui qui pourra y aller. Il n’en faudra qu’un, si on veut gagner la présidentielle », met en garde un membre du bureau exécutif de Renaissance, qui s’inquiète de voir le calcul que chaque présidentiable pourrait faire : « Le problème de la présidentielle, c’est qu’aujourd’hui, le RN est en tête entre 28 et 32 % au premier tour et se retrouve qualifié. Tout le monde pense que la qualification se jouera à 15 % pour le deuxième. Et tout le monde pense qu’il peut faire 15 %… Philippe dit je fais 15 %, Attal dit ça, Retailleau dit ça, ou même Villepin dit ça. C’est une folie ! » En même temps, il paraît que plus on est de fou… Plus on pleure ?

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

SIPA_01229912_000027
6min

Politique

Communication du Premier ministre: « Sébastien Lecornu a compris que le ministère de la parole, ce n’est plus possible »

Après la mobilisation du 18 septembre contre les politiques d’austérité, c’est par un simple communiqué que le Premier ministre a réagi. Depuis son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu est relativement discret et privilégie les messages sur ses réseaux sociaux pour faire passer ses annonces. Mais sans gouvernement, sans majorité et alors qu’une crise sociale couve, le Premier ministre a-t-il intérêt à faire autrement ? Analyse.

Le

Pour sa rentrée, Gabriel Attal mise sur la « refondation », avec 2027 en ligne de mire
3min

Politique

Grève du 18 septembre : « Le gouvernement, s'il est raisonnable, va devoir tenir compte de ce qu'il s'est passé hier », pointe Jean-Claude Mailly

Au micro de Public Sénat ce vendredi 19 septembre, l’ancien secrétaire général de Force ouvrière a salué l’ampleur de la mobilisation intersyndicale du 18 septembre contre les économies budgétaires. Jean-Claude Mailly estime que l’exécutif subit désormais les conséquences de plusieurs années de déconsidération des partenaires sociaux.

Le