Pourquoi les Français commencent à bouder les hypermarchés ?

Pourquoi les Français commencent à bouder les hypermarchés ?

Les invités de l’émission « On va plus loin » analysent les raisons de la désaffection naissante des Français pour les hypermarchés.
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Mardi 23 janvier, Carrefour a annoncé la suppression de 2 400 postes, la vente ou fermeture de 273 ex-magasins Dia, la réduction de 100 000 m2 de surface de ses hypermarchés ainsi que sa  volonté de réduire ses coûts, de deux milliards d’euros. En 2017, les hypermarchés ont subi une chute de 4% de leur fréquentation. Le modèle de l’hypermarché serait-il en crise, malgré son apparente bonne santé ?

Emmanuel Le Roch, délégué général de PROCOS (Fédération représentative du commerce spécialisé) estime surtout que c’est la fin d’un certain type de modèle d’hypermarché :

« Il est probable qu’un des problèmes de fond, c’est la taille des hypermarchés. C'est-à-dire que la logique de se déplacer dans une grande surface pour consommer reste quelque chose d’important en termes de masse de consommation (….) mais par contre, c’est probablement la taille qui est un problème. »

Martial Bourquin, sénateur (PS) du Doubs et co-rapporteur du groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et centres bourgs, veut voir dans ce début de désaffection, un rééquilibrage périphérie /centre-ville : « Il y a une clientèle qui recherche autre chose que de passer des heures dans un supermarché à pousser un caddie. On fait ses courses en beaucoup moins de temps. Et puis surtout, il y a maintenant des personnes qui viennent habiter dans les centres-villes et qui se plaignent de ne pas avoir des magasins de proximité dans beaucoup de domaines et souhaitent vraiment qu’on aborde cette question des cœurs de villes, des cœurs de centres bourgs afin que nous ayons quelque chose de plus équilibré. Cette fuite en avant a été une erreur. »

« Il y a eu en effet une course à la croissance » estime Rodolphe Bonnasse, directeur général de CA Com, agence de conseil en publicité, dont les principaux clients sont les grands distributeurs, tout en relativisant : « Il ne faut pas oublier qu’il y a encore à peu près un Français sur deux qui fait ses courses alimentaires dans un  hypermarché. Le modèle doit muter mais en tous les cas, le modèle reste quand même assez robuste et assez puissant (…) Ces grands modèles de consommation ont permis d’irriguer une forme d’ouverture à un certain nombre de produits, à la fois en termes d’offres [et] de prix, pour les Français. »

Un modèle actuel « dépassé »

Pour la géographe Nathalie Lemarchand, professeur à Paris 8 et spécialiste des questions d'aménagement commercial, le modèle actuel des hypermarchés est « dépassé tel qu’il est », en particulier « les plus grands » : « C’est un modèle qui doit se transformer et qui doit muter. »

Elle explique le succès des hypermarchés dans les années 70 par une multitude de facteurs concomitants : « Cela correspondait à une transformation sociétale, urbanistique et économique. Il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là, on bascule d’un secteur industriel, vers le secteur tertiaire (…) ce qui s’accompagne de l’arrivée sur le marché d’un nombre important de femmes et donc cela va transformer le modèle familial et notamment le modèle d’achat des courses quotidiennes. On va passer des courses quotidiennes aux courses hebdomadaires. Et puis, on a une extension de la ville ».

À ce moment-là, l’hypermarché pouvait correspondre parfaitement à un besoin de la société. Mais les choses changent et le modèle commence à ne plus être adapté aux nouveaux modes de consommation : « Aujourd’hui, la société est en train de se transformer. Le modèle du ménage, tel qu’on l’avait dans les années 60, 70, a éclaté. Il n’y a plus de modèle, il y a plusieurs modèles. Aujourd’hui (…), on va fractionner ses achats dans plusieurs endroits. On va être effectivement à la recherche d’autres façons de consommer. À d’autres moments. »

Emmanuel Le Roch rappelle qu’« Internet a bouleversé très profondément la capacité à accéder aux produits et [à] les mettre à la disposition du client ». Mais il reste catégorique sur un point : « Aujourd’hui, rien, à court terme, ne peut remplacer l’hypermarché. À quinze ans, il n’y a pas de modèle qui permette de manière lucide de dire « je vais approvisionner 60 millions et quelques de Français en alimentaire demain ». Par contre les modèles se combinent de plus en plus. Ce qui veut dire que cela met en cause le modèle économique de l’hyper, son chiffre d’affaires versus ses coûts. Parce qu’il y a d’autres modèles et qu’ils vont devoir s’adapter. » 

 

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