Pouvoir d’achat : des économistes alertent « sur un choc inflationniste » en 2023 

Pouvoir d’achat : des économistes alertent « sur un choc inflationniste » en 2023 

A quelques jours de l’examen au Sénat du projet de loi pouvoir d’achat, la commission des finances de la Haute assemblée auditionnait des économistes afin de comprendre les ressorts de l’inflation et les réponses à apporter. Et c’est une analyse très pessimiste qu’ont livrée les différents experts.
Simon Barbarit

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C’est une table ronde de plus de deux heures, riche en enseignements qui s’est déroulée ce mercredi 20 juillet à la commission des finances du Sénat. A l’approche de l’examen du projet de loi pouvoir d’achat, les élus ont besoin d’avoir un tableau complet des mécanismes d’une inflation qui est bien partie pour durer.

« On est passé d’une inflation très concentrée sur l’énergie, à un choc qui s’est répandu sur les produits manufacturés, car il y a eu une inflation sur les matières premières. Et ça s’est répandu sur les services. Il y a une forme de diffusion de l’inflation qui ne semble pas vouloir s’arrêter », a exposé Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode.

L’inflation des prix prévue à un peu plus de 5 % en 2022 va conduire automatiquement à un rehaussement des bas salaires. « Avec une inflation à 1 point, vous avez 0,6 point d’augmentation en moyenne des minima de branche. Il est probable que nous ayons une progression régulière des salaires sans pour autant annuler l’inflation », a-t-il poursuivi.

Une bonne nouvelle en apparence car, comme le rappelle Agnès Bénassi-Quéré, chef économiste de la direction générale du Trésor, « le soutien au pouvoir d’achat des ménages sera massif en 2022, environ 3 %. Les autres grands pays européens, c’est de l’ordre de 1 % à 2 % ». « Mais il n’y a pas de miracle, le pouvoir d’achat est meilleur en France, mais c’est grâce à un soutien public ».

Lire notre article. Pouvoir d’achat : le gouvernement prêt à discuter… mais fixe ses « lignes rouges »

« On fait des chèques à la Russie et aux pays du Golfe »

Qui dit inflation, dit plus de recettes de TVA et plus d’argent pour l’Etat ? « Ce n’est pas faux […] Mais l’inflation ne vient pas d’un boom de la demande comme c’est le cas aux Etats-Unis. C’est une inflation importée. On fait des chèques à la Russie et aux pays du Golfe. On ne peut pas avoir un pays qui s’appauvrit et des finances qui sont florissantes ».

Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE, (l’Observatoire français des conjonctures économiques), abonde : « Effectivement, nous avons eu moins d’inflation que nos partenaires, parce qu’on n’a eu des boucliers. Mais on ne peut pas maintenir ces dispositifs éternellement. On va sortir du bouclier tarifaire et des remises de 15 centimes (sur le prix des carburants) ce qui va créer un choc inflationniste pour les personnes qui jusque-là étaient protégées. En 2023, on peut avoir plus d’inflation que nos partenaires par un effet de rattrapage ».

« Vous maintenez la demande, alors que l‘offre ne peut pas suivre »

« Il y a des particularités en France qui me font penser que le risque de l’inflation peut être plus bas, mais plus durable », soutient, Éric Chaney, conseiller économique de l’Institut Montaigne. Il relève que la France comme la Belgique, l’Espagne et l’Italie usent d’une forte indexation, grâce SMIC pour le cas français. « C’est le risque d’une inflation auto-entretenue ». « Maintenir le pouvoir d’achat des salaires, c’est très bien mais on entretient l’inflation par un autre biais. Si la production ne peut pas augmenter, parce qu’il n’y a pas de pétrole ou pas assez d’électricité, et que vous maintenez le pouvoir d’achat, vous maintenez la demande alors que l‘offre ne peut pas suivre ».

En ce qui concerne la conjoncture, l’économiste estime que la « probabilité d’une récession en Europe et aux Etats Unis à l’horizon de 6 mois est assez forte ». « Il y a un choc d’offre, un risque de pénurie d’énergie et une forte dégradation des conditions financières du secteur privé ». « La récession, c’est l’arme anti inflation ultime si on peut dire ». Pour tenter d’enrayer la hausse des prix, la BCE va d’ailleurs relever de 25 points de base ses taux directeurs, avec pour objectif de réduire la masse monétaire en circulation.

Éric Chaney préconise toutefois « des moyens positifs » pour limiter l’inflation salariale « en réduisant temporairement les charges ». Mais aussi comme c’est le cas pour la France, limiter le prix de l’énergie, ce qui permet de limiter la hausse des salaires. « Les défauts c’est que ça maintient une demande pour des produits énergétiques dont l’offre est réduite et ça a impact sur les finances publiques ».

« Est-ce qu’on n’est pas en train d’entretenir la machine ? »

A plus long terme, il insiste sur la nécessité de réduire l’offre énergétique. « Il est temps de penser au rationnement ».

Le sénateur LR, Jérôme Bascher est interpellé par un paradoxe. « J’ai bien compris qu’il y avait un choc d’offre et toutes les mesures qu’on nous propose, ce sont des mesures de demande. Est-ce qu’on n’est pas en train d’entretenir la machine ? »

« Merci pour votre optimisme », a commenté le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS) avant de s’interroger à son tour : « Si on arrête les aides, on va avoir une inflation supérieure à la moyenne européenne à cause d’un effet de rebond. Je n’avais pas du tout vu ça. Est-ce que le gouvernement doit se préparer à dire qu’il fait moins bien que les autres ? »

« Le paradoxe de stimuler la demande alors que l’offre est contrainte, est évident. Mais ça a un sens s’il permet de limiter les enchaînements inflationnistes suivants […] faire en sorte que les enchaînements salariaux soient modérés, a un sens sur le moyen long terme. Et il répond à des objectifs politiques de court terme », a répondu Éric Chaney.

Mais comme le souligne Mathieu Plane, « plus on va cibler les dispositifs d’aides, plus on va faire des perdants […] Certaines entreprises ont des marges de manœuvres pour augmenter les salaires et d’autres beaucoup moins ». L’économiste insiste sur la difficulté pour les pouvoirs publics qui n’auront pas seulement à traiter des chocs macroéconomiques, mais aussi les chocs micros. « Vous ne pouvez pas traiter 30 millions de cas. Vous allez avoir des effets de seuil et à un moment donné il va y avoir la question du financement surtout avec la remontée des taux. Et une récession, c’est aussi moins de recettes fiscales ».

En conclusion, Claude Raynal reste philosophe. « Personne ne nous a rassurés sur quoi que ce soit, mais ce n’était pas l’objet de cette réunion aujourd’hui ».

 

 

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