Pouvoir d’achat : le gouvernement prêt à discuter… mais fixe ses « lignes rouges »

Pouvoir d’achat : le gouvernement prêt à discuter… mais fixe ses « lignes rouges »

Alors que l’examen du texte sur le pouvoir d’achat commence, le gouvernement se dit prêt à des compromis, notamment « sur la revalorisation du travail et les carburants ». Mais il s’opposera à une dégradation des dépenses publiques, limitant de fait les modifications… Pour la gauche, l’exécutif tend avant tout la main à la droite.
François Vignal

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Pour la nouvelle méthode que vante Emmanuel Macron depuis sa réélection, c’est l’heure de vérité. L’Assemblée nationale a débuté ce lundi après-midi l’examen en séance du projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui sera suivi d’un budget rectificatif. Le gouvernement l’assure, il est prêt à discuter avec les oppositions. Il n’a surtout pas le choix, en raison de sa majorité relative, qui lui impose de trouver des majorités de circonstance.

« Nous voulons le compromis, mais il ne se finance pas à coups de milliards », prévient Bruno Le Maire

S’il est prêt au « compromis », comme l’a affirmé Elisabeth Borne lors de son discours de politique générale, le gouvernement prévient que ce ne sera pas open bar. Le compromis, oui, mais à ses conditions. « Nous sommes prêts à écouter (les autres propositions), les entendre, à modifier nos propositions si d’autres sont meilleures. C’est l’esprit de compromis et l’esprit constructif qui m’anime aujourd’hui », a assuré en ouverture des discussions le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Mais « la seule ligne rouge », c’est « pas de baisse irréversible des taxes sur les énergies fossiles » qui serait « dommageable pour le climat ». « La majorité sera ouverte à toute proposition constructive. Simplement, nous n’entrons pas dans une logique de surenchère », « nous voulons le compromis, mais il ne se finance pas à coups de milliards », insiste Bruno Le Maire, qui ne veut pas de mesure « qui puisse dégrader les finances publiques ». C’est « le cadre clair », auquel tient le ministre, qui « voi(t) des espaces de compromis sur la revalorisation du travail et les carburants ».

Concrètement, « il n’y a rien à rejeter a priori, à part les sujets comme la baisse de la TVA sur le carburant, ou la hausse du Smic », résume un conseiller ministériel. La première mesure étant demandée par le RN, la seconde par la Nupes.

« Il n’y a aucun contact avec les socialistes », assure Olivier Faure

« Nous ne sommes pas fermés. C’est la main qu’ont aujourd’hui les parlementaires pour faire des propositions et essayer de trouver des voies de passage entre la majorité relative – les trois groupes de la majorité – et les oppositions, notamment, bien sûr, le PS, GDR (communistes), EELV et les LR », a expliqué ce matin sur France Inter le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, qui l’assure : « On a discuté avec les différents groupes et notamment avec ces groupes ».

Ce que dément Olivier Faure, numéro 1 du Parti socialiste et député de Seine-et-Marne. « Nous n’avons pas de contact, ce sont des éléments de langage. La réalité, c’est que la main tendue se fait en direction de la droite et il n’y a aucun contact avec les socialistes. Même pas un SMS », soutient le premier secrétaire du PS, composante de la Nupes. Pas idéal pour trouver des compromis…

Discussions sur les « modalités » de la prime carburant

Dans ces 20 milliards d’euros de dépenses du paquet pouvoir d’achat, qui porte sur la remise carburant, le bouclier tarifaire sur l’énergie, les prestations sociales et retraites revalorisées, le plafonnement de l’augmentation des loyers ou le relèvement de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires, où y a-t-il alors du grain à moudre ? Le gouvernement se montre pour l’heure plus clair dans ce qu’il ne veut pas, que dans ce qu’il est prêt à accepter.

Sur la prime carburant, « on aura une discussion au Parlement pour voir quelles sont les modalités », assure Franck Riester. En revanche, c’est déjà niet sur la proposition des députés LR (mais que rejettent les sénateurs LR) d’un plafonnement du prix du carburant à 1,50 euro le litre. « C’est 30 à 35 milliards d’euros par an. Ce n’est pas acceptable pour nos finances publiques », pointe le ministre chargé des Relations avec le Parlement.

L’examen du texte en commission donne une idée des évolutions possibles dans la mouture finale. Plusieurs modifications ont en effet déjà été adoptées. Les députés LR ont voulu déplafonner la fiscalisation des heures supplémentaires, relevant le plafond de 5.000 à 7.500 euros. Le gouvernement a suivi. Ce dernier n’a en revanche pas soutenu l’amendement de Charles de Courson obligeant l’Etat à compenser « à l’euro près » les collectivités locales qui devront faire face à la hausse du point d’indice et à la revalorisation du RSA pour les départements. Au total, ces compensations ont un coût de 1,2 milliard d’euros pour l’Etat. Le compromis peut aussi se faire aux dépens du gouvernement…

Pour la droite, certaines dispositions vont dans le bon sens

Pour la sénatrice LR Christine Lavarde, vice-présidente de la commission des finances du Sénat, qui examinera le texte après les députés, certaines dispositions vont dans le bon sens. De quoi donner raison aux propos d’Olivier Faure, qui pointe le rapprochement avec la droite.

L’« indemnité carburant travailleurs » est ainsi saluée. De 100 à 300 euros, elle sera, sous condition de ressources, mise en place dès octobre pour les salariés qui utilisent leur voiture pour aller travailler, en fonction du niveau de revenu et de la distance parcourue. « On est sur un dispositif ciblé pour ceux qui ont absolument besoin d’un véhicule. Je préfère ça à un chèque distribué à tout le monde. Mais je regrette que ça n’arrive que maintenant », affirme la sénatrice des Hauts-de-Seine, qui pointe une limite sur « la question du contrôle de la fraude », « une personne en covoiturage par exemple, peut dire qu’elle vient en voiture, mais elle n’a pas de frais d’essence ». Reste que la sénatrice apprécie globalement « un dispositif plus adapté, pour lequel on avait plaidé ».

Sur la défiscalisation des heures supp’, la mesure est défendue depuis longtemps par la droite, dans l’héritage de Nicolas Sarkozy. « Si c’est dans le texte, on se réjouira que ce soit adopté », soutient Christine Lavarde.

« A la fin, c’est une épreuve de vérité pour tout le monde »

La vice-présidente de la commission des finances du Sénat pointe cependant une limite dans l’équilibre global du projet de loi. Et prend le gouvernement à son propre jeu de l’équilibre des finances publiques, en poussant l’ambition et le bouchon plus loin. « Notre idée est de déposer un texte à l’équilibre. Mais il y a une incertitude sur le bonus de recette total », dû à la hausse des rentrées fiscales, grâce à la hausse des prix. « On parle de 50 milliards d’euros. Mais la Cour des comptes parle de 10 à 15 milliards d’incertitude, soit des recettes supplémentaires situées entre 35 et 40 milliards d’euros », met en garde Christine Lavarde. Or « ces recettes permettent au gouvernement de dire qu’on ne touche pas à l’endettement ». Autrement dit, pour la sénatrice LR, il faudrait réduire la voilure sur les nouvelles dépenses du paquet pouvoir d’achat, « si on voulait être vraiment prudent et responsable ».

La discussion parlementaire ne fait que commencer et le gouvernement devra certainement faire face à plus d’une modification. Avec ou sans son accord. S’il est mis en défaut suite à l’adoption de dépenses supplémentaires, l’exécutif pourra toujours tenter de prendre les Français à témoin. Un conseiller ministériel résume l’état d’esprit : « A la fin, c’est une épreuve de vérité pour tout le monde ».

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