Sorti de l’Assemblée, le projet de loi sur le pouvoir d’achat prévoit une série de mesures dont le triplement jusqu’à 6 000 euros des primes défiscalisées que les entreprises peuvent verser à leurs employés (prolongement jusqu’au 31 décembre 2023 de la « prime Macron »), une augmentation de 4 % des pensions de retraite et plusieurs allocations (familiales, minima sociaux) avec effet rétroactif au 1er juillet 2022, la déconjugalisation de l’allocation adultes handicapés (AAH), ainsi que différentes mesures pour faire face aux risques de pénurie énergétique.
Au Sénat, quatre commissions ont travaillé sur ce texte. Saisie au fond sur une grande partie des articles, la commission des affaires sociales, sous la plume de la rapporteure Frédérique Puissat (LR) a souhaité prendre l’intitulé du projet de loi aux mots, à savoir mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». « Sur les cinq premiers articles, il y avait beaucoup à dire sur l’amélioration du pouvoir d’achat des Français », a-t-elle relevé. En dehors « des revalorisations des retraites et des prestations sociales », l‘élue doutait de « l’immédiateté et de l’efficacité » des mesures.
Accent mis sur la valeur travail
« Ce ne sont pas les lois qui créent du pouvoir d’achat, ce n’est pas l’endettement de l’Etat. Ce qui crée du pouvoir d’achat, c’est le travail », a renchéri Bruno Retailleau, président du groupe LR, qui avec le groupe centriste, majoritaire au Sénat.
Pour que le « travail paie », plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens en commission. Les sénateurs ont créé une réduction de cotisations patronales, dont le montant serait fixé par décret, pour les heures supplémentaires. Pour la rapporteure, c’est « le complément nécessaire » des mesures fiscales en faveur des salariés effectuant des heures supplémentaires adoptées à l’Assemblée nationale dans le cadre du PLFR. Selon la rapporteure, ce dispositif peut à la fois répondre à la demande des salariés mais aussi aux difficultés des employeurs, confrontés à une pénurie de main-d’œuvre. L’amendement voté ne concerne que les entreprises d’au moins 20 salariés. L’allègement ne concernera que la majoration de salaire appliquée au paiement de ces heures supplémentaires, insiste la sénatrice Frédérique Puissat.
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« Prime Macron » recentrée aux entreprises de moins de 50 salariés en 2024
Dans le texte voté par les députés, le plafond de la prime Macron a été triplé. Les entreprises pourront verser jusqu’au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle de 3 000 euros (ou 6 000 en cas d’accord d’intéressement), exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et de contributions sociales, pour les salariés gagnant jusqu’à trois fois le SMIC. Elle sera pérennisée à partir de 2024, sous l’appellation de « prime de partage de la valeur », mais elle ne sera exonérée uniquement que des cotisations sociales.
Comme leurs collègues de la commission des finances, la commission des affaires sociales du Sénat a décidé de recentrer, « la prime pouvoir d’achat » aux seules entreprises de moins de cinquante salariés à partir de 2024. Si ce seuil n’est dépassé durant cinq ans, les employeurs ne sont pas tenus de verser l’intéressement. D’où l’intérêt, selon la sénatrice Frédérique Puissat, d’instaurer une prime avec le même régime fiscal. Pour les autres entreprises, elle redoute qu’une pérennisation de la Prime Macron ne devienne « un élément à part entière de politique salariale ». Les sénateurs demandent également que le rapport d’évaluation qui sera mené en 2024 sur cette prime Macron étudie si celle-ci a pu se substituer à des augmentations de salaires.
Un amendement, introduit par la commission des finances, autorise par ailleurs les entreprises à payer la prime en plusieurs morceaux, jusqu’à quatre paiements dans l’année.
Les sénateurs assouplissent les conditions d’utilisation des chèques-restaurants pour les achats alimentaires
Les sénateurs ont assoupli les règles d’utilisation des titres-restaurants. Un amendement prévoit qu’ils soient autorisés, jusqu’au 31 décembre 2023, pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Le gouvernement avait de son côté annoncé que le plafond journalier de ces titres-restaurants allait être augmenté par décret de 19 à 25 euros.
La possibilité de demander le versement anticipé de l’épargne salariale
Autre possibilité de « soutien immédiat » adoptée par les sénateurs : un déblocage anticipé des sommes issues de la participation et de l’intéressement, placées sur des plans d’épargne salariale. Selon l’amendement adopté en commission des affaires sociales, les salariés pourront en faire la demander jusqu’au 31 décembre 2022, dans une limite de 10 000 euros, et à l’exclusion des plans d’épargne retraite collectifs (Perco). Les fonds débloqués seront exonérés d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
Les sénateurs ont également ajouté les périodes de congé de paternité parmi les périodes de congé assimilées à un temps de présence dans l’entreprise pour la répartition de l’intéressement entre salariés.
L’utilisation des huiles usagées comme carburant pourrait s’évaporer au Sénat
C’est un des apports du groupe écologiste de l’Assemblée au projet de loi pouvoir d’achat. Un nouvel article 21 autorise l’utilisation des huiles usagées comme carburant. Saisie au fond sur cet article, la commission de l’aménagement du territoire n’a pas supprimé cet article. Néanmoins, des amendements de suppression en provenance du groupe LR ont été déposés et pourraient être adoptés en séance. L’article 16 prévoit un cadre légal au redémarrage prochain de la centrale à charbon de Saint-Avold. Le rapporteur Bruno Belin a souhaité ajouter que programmes de compensation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, se situent sur le territoire français.
700 millions de dépenses pour le paquet pouvoir d’achat
A la gauche du Sénat, des amendements portés à la fois par le groupe socialiste et CRCE à majorité communiste visent à augmenter le SMIC à 1.500 euros net. Le président du groupe socialiste, Patrick Kanner a déjà acté qu’il « n’aura pas gain de cause » sur cette proposition pas plus que sur celle de la tenue d’une conférence salariale, ou l’élargissement du RSA jeunes au 18-25 ans. Ces amendements ont déjà été déclarés irrecevables en commission au titre de l’article 40 de la Constitution, qui interdit tout amendement d’origine parlementaire augmentant les dépenses publiques.
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Lors de la discussion générale, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a rappelé être le garant « du retour à l’équilibre des finances publiques ». Après 350 millions de dépenses supplémentaires votées à l’Assemblée, le ministre a souhaité voir un montant comparable sortir du Sénat, « un paquet pouvoir d’achat de 700 millions d’euros pour tenir nos 5 % de déficits publics en 2022 ».