« Cette mission d’information je l’ai demandé il y a deux ans. C’est-à-dire bien avant la crise du covid. Avant la crise du covid, on savait qu’il y avait des phénomènes de précarisation qui touchaient un certain nombre d’étudiants » a rappelé Laurent Lafon rapporteur de la mission d’information sur les conditions de vie étudiante.
Depuis mars dernier, les membres de la mission ont multiplié les auditions (voir nos articles ici et ici) pour en arriver à un constat sévère sur le manque de vigilance des pouvoirs publics sur les conditions de vie étudiante. Leur rapport a été adopté à l’unanimité, s’est félicité le président de la mission, le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias.
Les chiffres sont éloquents. Dès 2016 déjà, 48 % des étudiants, interrogés par l’observatoire de la vie étudiante (OVE) déclaraient sauter des repas pendant une semaine normale de cours. 30 % ont renoncé, pour des raisons financières, à des soins ou des examens médicaux et il manquerait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande.
« Comment en est-on arrivé là ? Ce qui a conduit les politiques publiques, ça a été d’abord et avant tout l’accueil d’un nombre croissant d’étudiants dans les établissements et singulièrement dans les universités […] Cet effort quantitatif s’est très probablement traduit par une diminution de la qualité d’accueil et d’accompagnement des étudiants […] Il n’y a pas de réussite académique s’il n’y a pas autour de l’étudiant un environnement qui facilite ses études », a relevé Laurent Lafon.
Universités : « Il faut penser plus local et un peu moins global »
Parmi la cinquantaine de préconisations formulées par les élus, la première consiste à inscrire l’enseignement supérieur au cœur des politiques d’aménagement du territoire. « Quand vous regardez la carte universitaire, elle est très concentrée autour de grands pôles universitaires au détriment d’universités de taille humaine » a noté le rapporteur. La mission préconise donc de « favoriser une offre diversifiée dans l’enseignement supérieur et encourager le choix de petites structures notamment pendant le premier cycle », mais aussi de « territorialiser les objectifs de construction de logements étudiants en fonction du nombre d’étudiants »,
« A titre personnel, je n’aurais pas voté un rapport qui préconise l’instauration d’un système universitaire à deux vitesses […] Il faut penser plus local et un peu moins global et oublier les classements internationaux pour se réinvestir sur les enjeux locaux. Ça fait trop longtemps qu’on pense l’enseignement supérieur français dans un système où il faudrait porter les cinq meilleurs établissements à un sommet reconnu internationalement », a complété Pierre Ouzoulias.
Bourses calculées sur le « reste à charge » des étudiants
L’Etat consacre, chaque année, près de 5,4 milliards d’euros pour les aides étudiantes (bourses et APL) « mais parallèlement vous avez des étudiants qui se nourrissent aux Restos du cœur. Cette réalité ne peut que nous interroger sur l’efficacité du dispositif, en particulier la question des bourses sur les critères sociaux », a relevé Laurent Lafon.
Sur la saison 2020-2021, on comptait 747 739 boursiers sur 2,7 millions d’étudiants. Mais « la multiplicité de dispositifs et une diversité d’opérateurs. Cette insuffisante lisibilité du système, conjuguée à un morcellement de l’information, rend son appréhension particulièrement difficile par les étudiants » note le rapport.
La mission propose une remise à plat total du système de bourses « pour mieux identifier les étudiants en difficultés financières ». Afin d’éviter « les effets de seuil », la mission propose que le soutien financier se fasse à partir de la définition du « reste à charge » des étudiants et non plus du revenu de leur famille. Le reste à charge sera défini en fonction du budget moyen lié à la poursuite des études, par rapport aux ressources de la famille, et aux revenus tirés d’une éventuelle activité salariée des étudiants.
Les sénateurs proposent d’évoluer vers un dispositif de « guichet unique » en matière d’aides directes, qui pourrait être le réseau des Crous. La mission d’information recommande également que le ticket de restaurant universitaire à un euro soit prolongé pour les étudiants boursiers.
Encadrement de l’enseignement à distance
En ce qui concerne le développement de l’enseignement à distance, devenu inévitable en période de pandémie, la mission insiste sur son encadrement. Il impose « une appropriation des outils numériques et une évolution des pratiques pédagogiques chez les enseignants », « de repenser en profondeur l’articulation des cours et le déroulement de la scolarité ».
Les confinements successifs n’ont pas été sans conséquences pour la santé mentale et physique des étudiants, raison pour laquelle, la mission demande à « prolonger le dispositif des « chèques-psy » et l’élargir à plus de trois consultations, sur prescription médicale, pour les étudiants éprouvant des difficultés psychologiques ».