Les députés ont donné mercredi leur feu vert en commission au projet de loi de taxation des géants du numérique, après quelques retouches, Bruno Le Maire défendant une taxe "indispensable" qui servira de "levier" dans les négociations internationales.
Présent en commission des Finances depuis le début d'examen mardi, le ministre de l'Economie a vu dans ce texte, qui sera examiné dans l'hémicycle à partir de lundi, "un élément" qui "doit nous amener à construire une nouvelle fiscalité" du XXIe siècle.
La taxe Gafa (acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple) doit concerner les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France. L'idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et l'"intermédiation" (mise en relation, par des plateformes, entre entreprises et clients).
La taxe est similaire à un projet européen qui n'a pas abouti, en raison des réticences de quatre pays (Irlande, Suède, Danemark et Finlande).
L'instauration de la taxe française donnera "un effet de levier" au niveau international, a assuré Bruno Le Maire, ajoutant que "lorsque la France montre sa volonté, les choses bougent".
Alors que certains élus, notamment LR, se sont inquiétés d'une répercussion sur les consommateurs, il y a vu un "mauvais argument", arguant notamment que les publicités consultées "bon gré mal gré" sur les smartphones ne requièrent aucun paiement. Il a aussi récusé l'idée qu'une taxe nationale ne serve à rien ou puisse nuire aux startup hexagonales.
Selon le rapporteur Joël Giraud (LREM), la taxe, annoncée en décembre en réponse au mouvement des "gilets jaunes", devrait rapporter 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions en 2020-2022.
Certains élus, à l'instar d'Eric Coquerel (LFI) ont jugé la taxe "trop peu ambitieuse", le communiste Fabien Roussel critiquant son assiette "pas très large" assimilable à une "soucoupe" voire "un sous-bock en carton".
M. Le Maire a répondu que son champ devait être "cohérent" et concerner les activités numériques qui "créent de la valeur grâce aux internautes français" sans que pour autant ces entreprises acquittent les impôts traditionnels.
Les députés ont adopté plusieurs amendements qui "consolident les bases juridiques" de la taxe, selon le rapporteur.
Ils ont détaillé les services exclus, comme certains services financiers ou pour la fourniture de contenus numériques, tel Netflix. Ils ont aussi prévu une taxation d'office en cas d'absence totale de réponse des entreprises, ou supprimé la possibilité que la taxe soit déductible de la taxe "Youtube" (taxe vidéo imposée aux plateformes), le rapporteur expliquant que son rendement est affecté au Centre national du cinéma (CNC).
Pour marquer le caractère provisoire de la taxe en attendant un accord international, ils ont également prévu un rapport annuel sur l'avancée des négociations.
Par ailleurs, plusieurs élus LR ont tenté en vain de supprimer l'article 2, qui prévoit que les grandes entreprises continueront à être taxées à 33,33% sur leurs bénéfices en 2019 via l'impôt sur les sociétés, dénonçant un "revirement" du gouvernement et invoquant le "besoin de stabilité" fiscale. Bruno Le Maire a réaffirmé que l'IS devait être progressivement réduit à 25% d'ici à 2022.