Avec 900 amendements, le projet de loi "asile et immigration", qui arrive en commission, fait l'objet d'une offensive marquée des députés LREM, dont certains espèrent des concessions sur ce texte controversé, voire pour les francs-tireurs du groupe une réécriture.
Les députés auront besoin d'au moins deux jours, mercredi et jeudi, pour passer au crible quelque 900 amendements, dont pas moins de 363 LREM, avant l'examen dans l'hémicycle à partir du 16 avril. Dès mardi soir, Gérard Collomb est venu défendre son projet de loi.
"Je forme le voeu que nous sachions collectivement nous montrer dignes des enjeux qui sont ceux de la période", a-t-il affirmé, après des semaines de pédagogie auprès des députés, invités pour les uns à dîner, emmenés pour les autres au Niger ou en Albanie, depuis que les controverses ont commencé fin 2017.
Car "j'ai peur que si jamais nous ne résolvions pas le problème qui est devant nous (...), d'autres demain se chargent de le résoudre sans humanisme mais avec une grande volonté d'efficacité", a-t-il mis en garde, dans une allusion voilée aux montées des partis populistes en Europe.
Comme prévu, le groupe LREM va chercher à adoucir les dispositions les plus dures sans toucher à la philosophie générale.
Mesure phare, indispensable selon Beauvau pour éloigner les déboutés de l'asile, l'allongement de la durée maximale de la rétention devrait être rabotée: plusieurs scénarios LREM ramènent le plafond à 90 jours grand maximum, rebonds compris (au lieu de 135 jours avec les prolongations dans la version gouvernementale).
"J'entends les préoccupations exprimées" et "je suis prêt à étudier avec votre commission les modalités les plus appropriées pour concilier humanité et efficacité", a affirmé M. Collomb.
D'autres amendements reviennent comme convenu sur le durcissement, dans un autre texte, de la rétention des migrants "dublinés" (dépendants d'un autre pays européen): on s'achemine vers une réduction des motifs d'enfermement, et un rétablissement du délai de recours à 15 jours.
Le groupe majoritaire s'est surtout attaché à enrichir le volet "intégration": autorisation de travail pour les demandeurs d'asile "à partir de six mois" (au lieu de neuf) voire "dès l'introduction de la demande d'asile" et ce "à titre expérimental", priorité donnée à "la motivation" dans l'acquisition de la nationalité...
- "Pied de nez" -
Ces mesures ne devraient pas faire de gros remous côté LREM.
Mais un groupe de vingt à trente franc-tireurs souhaite remettre davantage en cause la logique du texte, avec une cinquantaine d'amendements.
"Ce texte n'était pas écrit dans le projet présidentiel, donc c'est normal qu'on fasse notre travail. On a fait bouger des choses mais on a encore un certain nombre de points à améliorer", plaide Stella Dupont, une "marcheuse" critique, refusant de se prononcer à ce stade sur son vote final.
"C'est un joli pied de nez à tous ceux qui nous traitaient de godillots", a renchéri Matthieu Orphelin, auteur d'un amendement conditionnant le statut de "pays d'origine sûr" à la dépénalisation de l'homosexualité, qui devrait être voté.
Le texte "ne fait pas consensus, y compris au sein de LREM", reconnaît la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet, mais "cela montre que notre groupe vit, échange".
Mais, pour le responsable LREM du texte, Florent Boudié, "il n'y a pas d'effet de surprise" avec ces amendements "attendus". Cet ancien socialiste récuse toute comparaison avec les frondeurs PS et leur "logique séparatiste".
Rétablissement du délai d'un mois au lieu de 15 jours pour les recours pour les déboutés, maintien du caractère suspensif des procédures d'appels... les demandes de l'aile gauche de LREM, qui reprennent les critiques des associations de défense des étrangers, ont cependant peu de chances d'aboutir.
Un amendement visant à "interdire tout placement en rétention des mineurs et de leurs familles" fait toutefois écho à des inquiétudes plus larges au sein du groupe.
Un sujet "pas mûr", selon M. Boudié, alors que le travail parlementaire est "percuté de plein fouet par la situation à Mayotte", où 4.200 enfants sont placés chaque année en rétention, contre 275 en métropole.
Sur le sensible "délit de solidarité", un amendement alambiqué entend "mettre fin aux poursuites fondées sur l'aide, sans but lucratif et sans contrepartie matérielle directe ou indirecte, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers en France".
"C'est un amendement d'appel pour le retravailler d'ici la séance", a assuré M. Boudié, pour qui "il y a une volonté collective d'avancer".