Premier volet d’interdiction du travail en famille pour les élus voté à l’Assemblée
Interdire l'emploi de collaborateurs familiaux, la mesure phare du projet de loi de moralisation de la vie publique et promesse du candidat...
Par Charlotte HILL, Isabelle CORTES
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Interdire l'emploi de collaborateurs familiaux, la mesure phare du projet de loi de moralisation de la vie publique et promesse du candidat Macron après le "Penelopegate", a passé une première étape dans la nuit de mercredi à jeudi, pour les ministres, non sans réserves de certains élus.
Dès l'ouverture des discussions sur les deux textes prévoyant d'interdire ces emplois pour les ministres, parlementaires et élus locaux, la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait observé que la "pratique, acceptée hier", "ne semble plus tolérable".
Et de prévenir que "tout recul en la matière serait très mal perçu". L'affaire des emplois présumés fictifs de membres de la famille de François Fillon avait pollué la campagne présidentielle, poussant les principaux candidats à se prononcer contre cet usage objet de polémiques, proposition jusqu'alors inédite.
"Il ne s'agit pas de réagir automatiquement à des polémiques ou affaires mais de répondre aux attentes des électeurs", a plaidé Laëtitia Avia (REM). L'interdiction est une "règle éthique et de bon sens, en application depuis 2009 au Parlement européen, mais aussi en Allemagne ou en Italie", notaient récemment d'autres "marcheurs".
La ministre de la Justice Nicole Belloubet à l'Assemblée nationale, le 26 juillet 2017 à Paris
AFP
Si, dans l'hémicycle, tous les groupes ont voté le premier volet axé sur les membres du gouvernement, certains députés ont exprimé des critiques sur l'interdiction pour les parlementaires, à venir jeudi.
La "perte de confiance envers les élus exige sans doute la radicalité", a jugé Annie Genevard (LR), regrettant néanmoins "une action médiatique qui a chauffé à blanc l'opinion". Comme pour "la fièvre porcine: un cochon est malade, alors on abat tout le troupeau", selon Julien Aubert. Plus modérés, de jeunes LR ont dit comprendre la "nécessité de nettoyer quelques écuries d'Augias".
Il restera "un seul (emploi familial) dans cette mandature: celui de la Première dame" Brigitte Macron, a lancé Damien Abad, vice-président du groupe LR.
Jean-Luc Mélenchon, toujours indigné d'une "dénonciation calomnieuse" sur des collaborateurs au Parlement européen et par "ceux qui jettent en pâture des noms en googlisant", a loué les collaborateurs également "militants".
Au-delà, le sujet touche personnellement certains élus -une centaine de députés sous la dernière législature. François-Michel Lambert, ex-écologiste devenu REM comptant sa femme dans ses collaborateurs, a ainsi regretté une réforme "sous la pression des médias et de fantasmes sur la probité des élus".
Le chef de file des élus REM Richard Ferrand, qui avait embauché son fils comme collaborateur quelques mois et s'est montré discret dans l'hémicycle sur ce texte jusqu'ici, aurait aussi été "réticent", selon un élu de la majorité.
- Jusqu'aux 'amis Facebook'? -
C'est surtout le curseur d'interdiction qui a fait débat.
Alors que le Sénat avait vu large sur le cercle familial après un zigzag sur le vote de l'interdiction pour les parlementaires, la commission des Lois a adopté un dispositif à deux niveaux, sur le modèle québécois.
Seront interdits les emplois familiaux "pour la famille proche" (conjoint, partenaire de Pacs, concubin, parents et enfants ainsi que ceux du conjoint, partenaire de Pacs ou concubin) sous peine de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Pour l'emploi de toute autre personne du second cercle (ancienne famille ou hors famille), il y aura une obligation de déclaration, comme en cas d'emploi croisé (embauche d'un collaborateur de la famille d'un autre élu ou ministre).
Comme promis, la rapporteure Yaël Braun-Pivet (REM) a fait supprimer pour les ministres la référence aux "liens personnels direct", jugée trop large, pour celle de "liens familiaux", et le refera pour les collaborateurs de parlementaires et élus. Julien Dive (LR) s'est demandé si les liens directs concerneraient jusqu'à "un +ami+ Facebook".
L'Assemblée a voté l'interdiction pour les ministres avec cette retouche, rejetant un amendement gouvernemental pour enlever de la loi l'interdiction, déjà dans un décret récent, mais y laisser les peines.
Les débats pourraient durer jusqu'à vendredi, après de premières séances émaillées de tensions sur le temps de parole et les votes, "rodage" et "forme de bizutage" selon le président de l'Assemblée François de Rugy.
Après trois heures régulièrement confuses sous la présidence de Danièle Brulebois (REM), M. de Rugy est revenu au "perchoir" à 21h30, accélérant les discussions dans une ambiance apaisée. Il reste environ 250 amendements.
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