Le groupe du Front national (FN) au Parlement européen devrait restituer plus de 427.000 euros versés par l'institution pour couvrir ses frais de fonctionnement, en raison d'irrégularités, selon un document parlementaire que s'est procuré lundi l'AFP.
Le groupe Europe des nations et des libertés (ENL) est composé de 36 eurodéputés, dont près de la moitié issus du FN français. Il compte aussi en son sein l'Italien Matteo Salvini (La Ligue), qui aspire à diriger le futur gouvernement en Italie.
Selon un projet d'avis de la commission du contrôle budgétaire du Parlement, dévoilé dimanche par le site d'information Mediapart et obtenu par l'AFP, le groupe ENL a eu en 2016 des dépenses insuffisamment justifiées (38.889 euros) et d'autres violant les règles des appels d'offres (388.278 euros).
Des repas à plus de 400 euros par personne et une centaine de cadeaux de Noël à plus de 100 euros font par ailleurs partie des dépenses "non raisonnables" relevées. Et il est demandé au groupe ENL de communiquer les destinataires de quelque 230 bouteilles de champagne, dont six d'une valeur de plus de 81 euros.
Sollicité par l'AFP, Nicolas Bay, vice-président du FN et coprésident du groupe ENL, a expliqué qu'il s'agissait d'une "question d'interprétation des règles" des procédures d'appels d'offres, mais qu'il n'y avait eu "aucune volonté d'enfreindre des règles".
Pour le groupe ENL, "les appels d'offres s'appliquaient prestation par prestation dès lors qu'elles étaient de nature différente, et non par prestataire" si bien que "dans certains cas les appels d'offres n'ont pas été faits", a précisé M. Bay.
L'ENL s'est "conformé à l'interprétation plus restrictive" du Parlement européen à partir de 2017, a-t-il fait valoir.
Le document parlementaire est encore à ce stade un projet d'avis consultatif, pouvant faire l'objet d'amendements jusqu'au 12 mars. Il sera ensuite transmis au Bureau du Parlement européen, composé notamment de son président Antonio Tajani et des vice-présidents de l'assemblée.
C'est ce Bureau du Parlement qui prendra la décision formelle de la facture à adresser au groupe ENL. Cette décision pourrait être prise le 16 avril ou le 28 mai, selon une source parlementaire.
Les recouvrements ne prendraient pas la forme de versements, mais les sommes litigieuses seraient récupérées en déduction de la prochaine enveloppe budgétaire annuelle allouée au groupe, a ajouté cette source.
Le Bureau du Parlement européen doit chaque année valider les comptes des différents groupes politiques, où ces derniers justifient l'utilisation des fonds européens qui leur sont versés pour couvrir leurs coûts de fonctionnement.
L'affaire concernant le groupe ENL a démarré après un audit négatif sur ses comptes pour l'année 2016. L'auditeur avait émis des doutes sur un total de plus de 500.000 euros, conduisant le Parlement a réclamer des "clarifications" au groupe.
Les fonds en question sont différents de ceux utilisés par les eurodéputés pour rémunérer leurs assistants parlementaires, qui valent également des demandes de remboursement, et même des ennuis judiciaires au FN.
Après sa dirigeante Marine Le Pen en juin, le parti d'extrême droite a été mis en examen en France en décembre pour des soupçons d'emplois fictifs d'assistants d'eurodéputés frontistes.
Le préjudice du Parlement européen, précédemment évalué à 5 millions d'euros pour une période entre 2012 et 2017, serait désormais estimé à près de 7 millions en tenant compte de la période antérieure à partir de 2009, selon l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche (JDD).