Officiellement il n’est toujours pas candidat, mais c’est tout comme. Bruno Retailleau a fait un pas de plus vers la présidence des Républicains. Lors d’une réunion de groupe exceptionnelle en visioconférence jeudi soir, le Vendéen a exprimé aux sénateurs LR, dont il préside le groupe au Palais du Luxembourg, son envie de se lancer dans la course. « Je prends encore le temps de la réflexion pendant quelques jours », a-t-il déclaré, selon des propos rapportés par plusieurs élus présents à cette réunion qui a duré un peu plus de deux heures. « Une manière, sans doute, de ménager son effet d’annonce », sourit une sénatrice qui ne doute pas de ses intentions.
Toujours selon des propos rapportés, Bruno Retailleau n’aurait pas hésité à qualifier la présidence du parti de « nid à emmerdes », mais tout en faisant valoir la nécessité de reconstruire sa famille politique. Mi-juillet, le renoncement de Laurent Wauquiez, qui a déjà dirigé LR de 2017 à 2019, et dont Bruno Retailleau avait activement soutenu une possible candidature, l’a poussé à jauger ses propres chances. « Son téléphone a dû chauffer ces dernières semaines. Il en a beaucoup discuté avec Gérard Larcher », explique une parlementaire. « Il y a une forme de dévouement, l’envie de sauver l’unité de la famille, sans calcul personnel de sa part », assure un autre. Le patron des sénateurs LR a également indiqué qu’il souhaitait conserver la présidence du groupe.
Un très large soutien
Selon nos informations, environ 120 sénateurs étaient connectés à cette « visio » pour écouter et échanger avec Bruno Retailleau. Si celui-ci voulait prendre la température avant de se jeter à l’eau, il peut désormais se rassurer : une quarantaine de personnes ont pris la parole, « à 90% pour se dire très favorables, manifester leur soutien. Notamment des poids lourds, des présidents de commissions… », raconte un élu des Hauts-de-France. À deux dissonances près : le sénateur des Alpes-Maritimes Henri Leroy, qui lui aurait reproché de semer la discorde alors qu’Éric Ciotti est lancé dans la course depuis fin-juillet. Et Christine Bonfanti-Dossat, élue dans le Lot-et-Garonne, qui a indiqué avoir déjà promis son soutien à ce dernier.
Bruno Retailleau pourrait annoncer publiquement sa décision dimanche matin, lors d’une prise de parole au campus de rentrée des jeunes Républicains, qui se tient ce week-end à Angers, non loin de son fief vendéen. Pour l’heure, outre Éric Ciotti, seul le maire d’Orléans Serge Grouard a confirmé sa candidature. Celle de Virginie Calmels, soutien d’Alain Juppé en 2016, a été rejetée par les instances dirigeantes de LR, car l’ancienne numéro deux du parti n’aurait pas été à jour de cotisation fin juillet. Une décision que conteste l’intéressée.
L’homme du rassemblement ?
Si jusqu’à présent Éric Ciotti fait figure de favori, la candidature de Bruno Retailleau pourrait changer la donne. Faut-il s’attendre à une nouvelle guerre des chefs dix ans après le duel fratricide entre François Fillon et Jean-François Copé ? Les deux hommes partagent sensiblement la même ligne politique, celle d’une droite très conservatrice qui place les questions d’identité, d’immigration et de sécurité en tête de ses préoccupations. On se souvient d’ailleurs qu’Éric Ciotti, durant sa campagne pour obtenir l’investiture LR à la présidentielle, avait cité à plusieurs reprises Bruno Retailleau comme possible ministre de l’Intérieur.
Toutefois, à la différence du Vendéen, le Niçois n’a pas hésité à manifester sa sympathie pour Éric Zemmour durant la présidentielle, semant un peu plus la confusion au sein d’un parti miné par les défections depuis cinq ans. « Il existe une proximité sur le régalien, mais pour le reste, Bruno ne va pas aussi loin que Ciotti », estime une élue francilienne déjà citée plus haut. Elle ajoute : « Si c’est Ciotti, c’est clair, je m’en vais ! Bruno le sait, il a conscience du risque de fracture, à la fois pour le parti et pour le groupe ».
Sondés cette semaine par Public Sénat, la plupart des sénateurs LR ont fait valoir les qualités de rassembleur de Bruno Retailleau, sa capacité à dépasser ses convictions personnelles pour faire vivre les différentes sensibilités qui animent une droite sénatoriale alliée aux centristes. « Il n’est l’homme de personne. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas d’accord avec lui que vous ne pouvez pas vous exprimer et défendre vos idées », salue un ancien soutien de Xavier Bertrand.
L’épreuve du terrain
L’appui des LR de la Chambre haute pourrait donc lui être acquis sans difficulté, d’autant que les sénateurs de droite espèrent depuis longtemps peser davantage sur les destinées du parti. Néanmoins, les capacités de mobilisation d’Éric Ciotti ne sont pas à sous-estimer. L’année dernière, le député des Alpes-Maritimes a créé la surprise en arrivant (d’un cheveu) en tête du premier tour au Congrès. « C’est la principale faiblesse de Bruno. Il passe beaucoup de temps au Sénat. Ciotti connaît très bien les fédérations, lui beaucoup moins. Ce sera aussi le rôle des sénateurs de mobiliser les équipes sur le terrain en son nom », fait valoir notre élue francilienne.
Autre personnalité dont la candidature est attendue : Aurélien Pradié. Le nom du jeune député du Lot, souvent présenté comme tenant d’une droite progressiste et sociale, circule depuis plusieurs mois. Ceux de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy et de l’ancien négociateur du Brexit, Michel Barnier, sont aussi régulièrement cités. Les candidats à la présidence de LR ont encore jusqu’au 3 octobre pour se déclarer. L’élection se tiendra du 3 au 4 décembre. En l’absence de majorité, un second tour sera organisé les 10 et 11 décembre.