Les 17 et 18 mai,121 617 adhérents LR sont appelés aux urnes pour élire le successeur d’Éric Ciotti à la tête des Républicains. Les deux candidats, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez ont mené campagne à fleuret moucheté. Le premier a pris soin d’ignorer les attaques de plus en plus incisives du second. Alors que Laurent Wauquiez n’a cessé d’accuser Bruno Retailleau de vouloir « dissoudre la droite dans le macronisme », le ministre de l’Intérieur, favori des sondages, a fini par rappeler à quelque jour du scrutin, qu’il n’était « toujours pas macroniste ».
Entretien avec le politologue Luc Rouban, directeur de recherches au Cevipof.
Les Républicains peuvent-ils déjà se féliciter d’avoir évité « une guerre des chefs » dont le parti est coutumier, à l’approche d’une élection ?
Elle est en tout cas retardée. Car quel que soit le résultat dimanche soir, nous sommes toujours dans une situation où il n’y a pas de candidat naturel de la droite en 2027. Il y aura au moins deux prétendants, sans compter ceux qui y pensent fortement. Cette campagne a montré qu’il n’y a pas de différence idéologique profonde entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez. On se dirige donc vers une guerre fratricide.
Un score supérieur à 60 % des voix en faveur de Bruno Retailleau ne permettrait-il pas d’asseoir le leadership de Bruno Retailleau sur sa famille politique ?
Je ne pense pas, car même si Bruno Retailleau gagne très largement, Laurent Wauquiez pourra dire, comme il l’a fait tout le long de la campagne, qu’on ne peut pas être à la fois ministre d’un gouvernement macroniste et président de LR. Et je n’imagine pas Bruno Retailleau, à court terme, se priver des moyens de l’Etat que lui offre son ministère.
Une victoire de Laurent Wauquiez est aussi possible
Oui mais je trouve que Laurent Wauquiez a fait une erreur significative avec son idée d’envoyer les étrangers dangereux sous OQTF à Saint-Pierre et Miquelon. Surtout dans une période où les collectivités sont exsangues. Je ne suis pas sûr qu’il récolte beaucoup de voix du côté des Outre-mer. C’est une proposition pour le coup qui n’est pas du tout gaulliste.
Bruno Retailleau, justement, se réclame du gaullisme pour justifier sa présence dans le gouvernement de François Bayrou, expliquant que, « quand on est gaulliste, on ne se planque pas ». C’est un argument qui porte auprès des électeurs ?
A droite, il y a toujours une volonté de capter l’héritage gaulliste. On le voit désormais au RN qui essaye de récupérer le gaullisme social, protecteur, défendant les services publics. Il ne reste plus aux Républicains que le gaullisme sécuritaire et on a vu que cette campagne était très à droite, axée sur l’immigration, la sécurité, et plus discrètement, le contrôle des finances publiques.
Il ne faut pas, non plus, négliger l’effet du trumpisme en France. L’idée d’un autoritarisme politique ferme sur l’immigration et la sécurité contre la bureaucratie et néolibéral sur le plan économique, séduit un quart de l’électorat français. Ce qui peut profiter aux Républicains plus qu’au Rassemblement national.
Les adhérents LR étaient 44 000 en février, ils sont presque 122 000 maintenant. Quel candidat va en profiter ?
C’est ce qu’il faudra regarder. Il faudra savoir si cette élection interne à attirer les macronistes de droite ou les déçus du RN. En tant que membre du gouvernement, Bruno Retailleau a un avantage sur Laurent Wauquiez. Car il peut apparaître comme un homme de convergence, capable d’opérer une synthèse à droite. Et l’union des droites sera l’un des enjeux de 2027.