Cette semaine, Louis Aliot a annoncé sa candidature à la présidence du Rassemblement national. Est-ce une surprise ?
Non pas vraiment. Nous ne sommes plus à l’époque où Jean-Marie Le Pen était élu par acclamation à la tête du Front national. Il était écrit que Jordan Bardella aurait un candidat face à lui. En 2011, le FN a voulu prendre un tournant démocratique. Il y a eu une vraie campagne pour la présidence du parti entre Bruno Gollnisch et Marine le Pen (qui l’a remporté avec 67 % des voix des adhérents NDLR).
Le clivage entre Louis Aliot et Jordan Bardella n’est pas aussi fort que celui qui opposait Marine Le Pen à Bruno Gollnisch. Mais on peut facilement imaginer qu’après avoir passé autant d’années en tant que numéro 2, Louis Aliot ait envie de passer numéro 1.
Justement, comment peut-on distinguer ces deux candidatures ?
Ils sont souverainistes dans les deux camps, avec une préoccupation sociale. Entre eux les différences sont minces, elles tiennent à leurs parcours et à leurs générations. Louis Aliot ne manque pas de rappeler qu’il est un adhérent depuis 1988. Il est de l’époque historique. Il met en avant son expérience de gestionnaire d’une ville de 100 000 habitants. Quant à Jordan Bardella, il représente celles et ceux qui sont arrivés au RN sur le nom et le programme de Marine Le Pen. Ceux qui n’ont pas connu la période frontiste post 2011. Jean-Marie Le Pen, ça ne leur dit rien, et ce n’est pas sûr qu’ils auraient adhéré s’il était encore là.
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Au vu de cette différence radicale de parcours, qui peut bénéficier du plus large soutien ?
Louis Aliot a récemment organisé à Perpignan des commémorations pour les 60 ans du départ des pieds-noirs d’Algérie. C’est un thème qui ne parle pas à la génération de Jordan Bardella. Pour autant, la ligne de Louis Aliot n’est pas que nostalgie. Aux municipales, il a su rassembler un électorat divers venu de tous les horizons. Au second tour, deux membres de la liste LREM ont même appelé à voter pour lui.
Ce qui manque à Jordan Bardella, c’est l’expérience électorale. Il n’a pas fait un carton aux élections européennes et aux régionales. Le fait qu’il ait grandi en Seine-Saint-Denis peut parler aux classes populaires et aux classes moyennes. Néanmoins, la thématique de l’érosion du pouvoir d’achat n’est pas seulement limitée aux grandes villes et à la périphérie. On l’a vu avec les gilets jaunes.
Jordan Bardella est le candidat favori de Marine Le Pen. Dans ces conditions, l’élection n’est-elle pas jouée d’avance ?
On connaît mal le corps électoral. Il faudrait faire un pointage très serré de la date d’entrée en fonction des secrétaires départementaux. Savoir si c’est postérieur ou antérieur à 2018. Sur la masse des 30 000 adhérents, je ne pense pas que la majorité ait adhéré depuis la période historique.
N’oublions pas non plus le rôle de l’appareil du parti. Si Jordan Bardella apparaît comme le candidat de Marine Le Pen, il n’y aura pas vraiment de suspense. Cette élection est très intéressante mais il y aura toujours derrière la figure de Marine Le Pen. Ça lui permet de rappeler qu’elle est toujours là pour l’élection présidentielle de 2027.