Présidence française de l’UE : le contre-la-montre de la France pour atteindre ses ambitions écologiques
La France assure jusqu’au 30 juin la présidence du Conseil de l’Union européenne. Cela lui permet de faire avancer les dossiers qu’elle juge importants, comme la transition écologique. Mais cette présidence est percutée par la présidentielle française. Dans ces conditions, quelle peut-être l’influence de Paris ? C’est la question qui a été posée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, lors d’une table ronde.
Par Audrey Vuetaz
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« Nous sommes à un moment charnière pour le Pacte vert en Europe », annonce d’entrée de jeu Nicolas Berghmans, chercheur en politiques climatiques et énergétiques à l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales). Et pour cause il n’y a pas moins de 12 dossiers législatifs actuellement dans les tuyaux européens pour atteindre la neutralité climatique en 2050. C’est beaucoup. Mais ce n’est pas tout, la France s’est fixée un objectif de taille, elle veut faire avancer tous ces dossiers pendant les six mois où elle préside le Conseil de l’Union européenne.
Le timing est déjà très serré et la Présidentielle française vient rajouter des difficultés. A partir du mois de mars, pour cause de la campagne, les ministres auront un devoir de réserve, ils ne pourront donc plus s’investir pour gérer ces dossiers.
Le sénateur PS de Meurthe-et-Moselle Olivier Jacquin se lance donc pour poser la question, qui est sur toutes les lèvres : « J’ai une interrogation sur la qualité de la parole de la France qui va avoir une échéance électorale en pleine présidence et qui va donc avoir un temps utile et de crédibilité limitée à deux, voire trois mois maximum. Que va-t-elle pouvoir faire ? »
« En effet, il n’y aura plus de parole médiatique après le mois de mars, même s’il n’y a plus de pilotage visible, ce sont les hauts fonctionnaires et les représentants de la France à Bruxelles qui vont prendre le relais sur le fond. Ils ont déjà travaillé sur un paquet vert lors de la précédente présidence française il y a 13 ans, ils sont donc armés pour le faire, » rassure Phuc-Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques de l’énergie européenne et française au sein du Centre Énergie de l’Institut Jacques Delors.
D’après lui, cela pourrait même être un avantage. « Les représentants de Paris à Bruxelles pourront adoucir l’image d’arrogance que la France véhicule auprès des partenaires européens. » Une image qui lui colle à la peau depuis le début de la présidence Macron et qui pourrait être exacerbée pendant la campagne. Ursula von der Leyen la présidente de la Commission et Charles Michel le président du Conseil européen ont d’ailleurs annoncé qu’ils veilleront à ce que la présidence du Conseil ne soit pas utilisée à des fins électoralistes.
L’indispensable couple franco-allemand
Pendant cette présidence, la France va donc devoir mettre de l’eau dans son vin et tenter d’arracher des compromis. Elle devrait essayer de faire avancer plusieurs des 12 dossiers législatifs en même temps, pour avoir des leviers de négociation d’un texte à l’autre.
Il lui faudra aussi créer des alliances et pour Pascale Joannin, la directrice générale de la Fondation Robert Schuman, une alliance avec l’Allemagne paraît indispensable pour aller vite, même si les deux pays ne sont pas d’accord sur le nucléaire. (La France est pour, l’Allemagne ne souhaite plus avoir recours aux centrales.)
Parmi les dossiers en cours d’examen, il y a deux textes prioritaires pour la France : la mise en place d’une taxe carbone européenne pour tous les produits importés dans l’Union et la fin des quotas gratuits de carbone.
Pour comprendre ce deuxième point il faut savoir que la tonne de CO2 émise coûte 80 euros dans l’Union européenne, sauf pour les entreprises des industries dites « très carbonées » comme l’acier, le ciment la pâte à papier qui bénéficient pour l’instant de passe-droit (des quotas gratuits) pour éviter qu’elles ne partent s’installer ailleurs. Le problème c’est que cela ne les incite pas à décarboner leurs industries et Bruxelles veut que cela cesse. Elle veut aussi étendre ces quotas carbones aux secteurs des transports routiers et du bâtiment qui ne sont pour l’instant pas concernés.
Marché carbone européen: "Il faut une transition plus juste"
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Mais ces textes, s’ils entrent en vigueur, auront des répercussions sur le porte-monnaie des Français. Si les taxes sont plus importantes les prix devraient inévitablement augmenter et c’est ce qui inquiète Phuc-Vinh Nguyen de l’institut Jacques Delors, rejoint par la sénatrice socialiste du Lot Angèle Préville : « Il faut faire avancer ces dossiers le plus vite possible, mais attention est-ce qu’en six mois on ne va pas bâcler les choses ? N’oublions pas d’emmener tous les Européens dans cette transition écologique, sans quoi nous aurons des oppositions fortes de la part de ceux qui n’ont pas la possibilité d’assumer l’augmentation des prix, de rénover leur habitation ou d’acheter une nouvelle voiture. »
Un paramètre supplémentaire à prendre en compte pour la présidence française. Tout le monde gardant évidemment à l’esprit la taxe carbone sur le carburant qui avait conduit fin 2018 au mouvement des Gilets Jaunes.
Ce mercredi, la commission des lois du Sénat a adopté la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Les élus ont également adopté la proposition de loi organique visant à créer le futur parquet national anticriminalité (Pnaco). Les deux textes seront examinés en séance publique à partir du 28 janvier.
Le Sénat a rejeté à la quasi-unanimité un amendement du gouvernement qui prévoyait près d’un milliard d’euros de réduction du budget du logement, principalement sur les crédits de MaPrimeRénov’ et des Aides personnalisées au logement (APL).
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Invité ce mercredi de la matinale de Public Sénat, Laurent Jacobelli a critiqué la proposition de la ministre déléguée au Travail et à l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet. Mardi, la responsable avait émis l’idée de taxer davantage certains retraités pour financer la protection sociale. Pour le Rassemblement national, « la ligne rouge serait très clairement franchie » si cette mesure devait être réellement mise en débat, a prévenu le député de Moselle. L’élu ne ferme pas la porte au vote d’une censure, ni à l’adoption du budget.