Le parquet de Paris a classé sans suite la plainte de l'association anticorruption Anticor qui demandait une enquête pour "vérifier la transparence et la probité des comptes" de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Anticor avait dénoncé en juin une série de remises, avantages ou surfacturations suspectes, mais le ministère public estime, après avoir reçu des précisions de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), que les infractions visées n'"apparaissent pas constituées", selon la lettre de 11 pages adressée jeudi à l'association par le procureur François Molins et dont a eu connaissance l'AFP vendredi.
Ce classement ne concerne pas certaines dépenses de Jean-Luc Mélenchon, déjà visées par une enquête préliminaire ouverte à Paris après le signalement en mars de "surfacturations" par la même commission, ni une soirée électorale d'Emmanuel Macron qui fait l'objet depuis fin juin d'une enquête à Lyon.
"Le procureur reprend précisément l'analyse de la CNCCFP en nous indiquant qu’il la fait sienne (...) sans autres investigations complémentaires et contradictoires", a regretté auprès de l'AFP Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor.
Dans sa plainte du 14 juin, Anticor dénonçait de possibles "tentatives de détournements de fonds publics", "abus de confiance", "abus de biens sociaux" et violation du principe d'égalité des candidats. Elle s'interrogeait aussi sur la "responsabilité" des membres de la Commission, mettant en cause les limites du contrôle de l'argent électoral.
"Le parquet a donné une réponse circonstanciée, juridique, mais qui agit comme un bouclier de la commission des comptes de campagne", pour préserver "les apparences du contrôle démocratique", a estimé l'avocat, évoquant "un parfum de décision politique". Il entend faire valoir son droit d'obtenir la copie du dossier pénal avant d'examiner d'éventuelles suites.
L'association s'appuyait sur le travail de médias - dont Mediapart, Le Monde et Radio France - qui accusaient principalement la campagne de l'actuel président d'avoir bénéficié de "prix cassés" et de "ristournes cachées", en particulier pour les locations de lieux de meeting et de matériel.
Le parti d'Emmanuel Macron avait reproché à la presse de "monter en épingle des pseudo-révélations".
Les médias avaient soulevé ces interrogations en analysant certaines dépenses que l'autorité administrative de contrôle avait rejetées ou finalement approuvées après des échanges contradictoires avec les candidats, étape nécessaire avant la décision sur le remboursement par l'Etat de leurs frais de campagne.
- Volonté de tromper -
Le 19 juillet, la CNCCFP, sollicitée par le parquet, a répondu et expliqué sa position sur chacune des dépenses épinglées par Anticor et les médias concernant M. Macron, M. Hamon et Mme Le Pen, celles de M. Mélenchon ayant déjà été dénoncées par la commission en mars.
Sur cette base, le parquet conclut dans sa décision que "la fraude ou la tentative de fraude" ne doivent pas "s'apprécier à l'aune" des rectifications de la commission ou de ses "demandes d'explications" formulées aux candidats.
Encore faut-il que les irrégularités présentent un caractère "systématique" ou délibéré ou qu'apparaisse "une possible volonté de tromper la commission quant à la réalité des sommes reçues ou dépensées", estime le procureur.
L'association reprochait au président Macron, et de manière plus limitée à Benoît Hamon, d'avoir profité de ristournes minorant leurs dépenses, en violation du principe d'égalité entre les candidats. Des rabais qui pourraient, selon elle, être constitutifs d'"abus de biens sociaux" pour les prestataires qui les ont accordés. Or le parquet rappelle que la commission n'a pas retenu de "minorations exagérées" au profit du candidat victorieux et estimé que le coût des prestations facturées à Benoît Hamon se trouvait dans la "fourchette préconisée".
Au sujet des comptes de Marine Le Pen, le procureur se conforme à la position de la commission, qui estimait que la candidate a "justifié de l'utilité" des dépenses contestées: le salaire élevé d'un conseiller, un voyage au Tchad en jet privé ou l'achat de 240 bouteilles de champagne après un meeting. En outre, souligne le magistrat, la commission "s'est assurée du respect" des règles concernant le recours du parti à des prestataires proches du FN.