François Hollande, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Manuel Valls balayés de l’échiquier politique. Les affaires qui éclipsent la campagne. Le Parti socialiste au bord de l’implosion. Les « petits candidats » font parler d’eux. A trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, le scrutin n’a jamais été aussi indécis.
Sarkozy, Hollande, Juppé, Valls : l’hécatombe des favoris
10 200 bureaux de vote, 80 000 bénévoles, 4,9 millions de participants au second tour, des débats de qualité : le succès de la primaire de la droite est incontestable. Avec une victoire très nette face à Alain Juppé au second tour, François Fillon, vainqueur inattendu, avait toute la légitimité pour mener une campagne dont il partait désormais comme grand favori.
L’histoire retiendra deux évènements. Alain Juppé, donné gagnant haut la main dans tous les sondages pendant les mois précédant la primaire, repart finalement dans sa mairie de Bordeaux, grand vaincu. Au terme d’une campagne parfois violente, qu’il a qualifiée de « campagne ignominieuse», Alain Juppé a la défaite digne. « J’apporte dès ce soir mon soutien à François Fillon, je lui souhaite bonne chance pour sa campagne présidentielle, et la victoire en mai prochain. »
Il était revenu pour rassembler sa famille politique. Nicolas Sarkozy, battu dès le premier tour de la primaire, annonce dans un discours un nouveau retrait de la vie politique. « Il est donc temps pour moi d’aborder une vie avec plus de passions privées et moins de passions publiques.» Il ajoute « je ne suis pas parvenu à convaincre une majorité d’électeurs, je le respecte et comprends la volonté de ces derniers de choisir d’autres responsables politiques pour l’avenir », avant d’annoncer son soutien à François Fillon.
Un président et son premier ministre hors-jeu
La primaire de la gauche était taillée pour lui. François Hollande n’y participe finalement pas. Fait inédit sous la Ve République, le 1er décembre 2016, le président de la République prend tout le monde de court en déclarant, dans une annonce à suspense, qu’il ne participera pas à la primaire de la Belle Alliance populaire.
Cette annonce met fin à un feuilleton qui a commencé avec la sortie avancée du livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Un président ne devrait pas dire ça…». Les confidences du président aux journalistes ont provoqué un rejet massif dans ses troupes, jusqu’à Manuel Valls, qui, dans une interview au JDD, n’exclut pas de se présenter face au Président.
Cinq jours après l’annonce de François Hollande, Manuel Valls se déclare candidat à la présidence de la République, et donc à la primaire de la gauche.
La primaire de la Belle Alliance Populaire fait apparaitre les divergences au sein du Parti socialiste. Au terme du second tour, marqué par une participation bien inférieure à celle de la primaire de la droite (1,9 million d’électeurs au second tour), c’est encore un résultat surprise. Benoit Hamon bat largement Manuel Valls, avec presque 59 % des voix. Il a désormais la tache difficile de rassembler la gauche.
« Deux gauches irréconciliables »
Après sa victoire à la primaire de la gauche, Benoit Hamon est porté par une dynamique très favorable dans les sondages. Si la gauche veut remporter l’élection présidentielle, il doit convaincre Yannick Jadot (EELV), mais surtout Jean-Luc Mélenchon, encore derrière lui dans les sondages à cette date.
L’alliance avec Yannick Jadot a lieu. Benoit Hamon espère encore pouvoir amener vers lui Jean-Luc Mélenchon. Une entrevue entre les deux hommes et quelques tractations plus tard, le candidat de La France insoumise met fin à l’espoir d’une alliance avec Benoît Hamon en meeting au Havre le 29 mars, en parlant « d’un impossible arrangement. » Jean-Luc Mélenchon talonne désormais Emmanuel Macron, Marine Le Pen et François Fillon dans les sondages.
Frondeur durant le quinquennat de François Hollande, Benoit Hamon reçoit peu de soutien de la part des ténors du gouvernement. Sa campagne patine, les courbes se croisent avec Jean-Luc Mélenchon et il dégringole peu à peu dans les sondages. Sa désignation à la primaire n’a pas permis de trancher entre les deux lignes au PS.
Une partie des hollandais et des vallsistes se rapprochent peu à peu du grand favori des sondages : Emmanuel Macron. Il enregistre les soutiens de Jean-Yves le Drian, de Juliette Méadel, de Thierry Braillard, du radical Jean-Michel Baylet et, de manière moins franche, de Jean-Marie Le Guen. Considéré comme un novice en politique, le candidat et fondateur du mouvement « En Marche ! » n’est pas loin de réussir son pari. Candidat à la présidentielle sans jamais avoir été élu, Emmanuel Macron s’appuie sur un désir de renouvellement en politique et sur le rejet des élites. En tête dans tous les sondages depuis des mois, il pourrait même recevoir le soutien de François Hollande en cas de qualification au second tour.
Deux gauches irrréconcialiables ?
Une campagne noyée dans les affaires
La campagne prend un autre tournant le mercredi 24 janvier. Le Canard enchainé révèle que François Fillon a employé son épouse Penelope comme assistante parlementaire. Près d’un million de salaire accumulé et un soupçon d’emploi fictif pour sa femme mais aussi ses enfants. Une enquête judiciaire est ouverte et son image d’homme intègre est mise à mal.
François Fillon dément les accusations et joue le jeu de la transparence face à la justice. Interviewé sur TF1 le 26 janvier, il assure que seule une mise en examen pourrait le faire renoncer. Le 1er mars, il annule sa visite au salon de l’agriculture. Après une matinée de rumeurs, François Fillon annonce lui-même sa mise en examen et affirme : « je ne céderai pas, je ne me retirerai pas, j’irai jusqu’au bout. »
Les unes du Canard s’enchainent, près de 300 élus lâchent le candidat et l’hypothèse d’un plan B est de plus en plus présente. Alain Juppé et François Baroin sont les noms qui reviennent le plus souvent. Après un rassemblement réussi au Trocadéro, François Fillon tient bon et sera le candidat de la droite. Il devient le premier candidat à l’élection présidentielle mis en examen.
Il choisit de mener une campagne très offensive en surfant sur la vague du complot et, surtout, en désignant les médias et le président de la République comme responsables de ses déboires. Après avoir vacillé dans les sondages, il parvient peu à peu à se stabiliser derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron. A trois jours du scrutin, François Fillon conserve toutes ses chances d’être au second tour.
Marine Le Pen évite les juges
Les enquêtes judiciaires autour du Front National ne sont pas nouvelles. Quelles sont ces affaires ? Affaire micro-parti Jeanne, emprunts russes et déclarations sous-évaluées de patrimoine. Le 10 mars 2017, convoquée en vue d’une mise en examen dans l’affaire des emplois fictifs de ses assistants au Parlement européen, Marine Le Pen refuse de se rendre devant les juges.
Elle avance dans une lettre, révélée par Le Parisien : « Si l’immunité parlementaire existe, c’est précisément parce que les législateurs sont conscients que le pouvoir peut être amené à se servir de la justice pour tenter de gêner ou de persécuter un opposant politique". Comme François Fillon, elle choisit une stratégie offensive et accuse le calendrier judiciaire. Malgré les affaires, Marine Le Pen reste la grande favorite du premier tour.
La campagne noyée dans les affaires
Deux débats inédits et les « petits candidats »
Pour la première fois dans une élection présidentielle, deux débats entre les candidats ont lieu à la télévision dans l’entre-deux tour.
Pour le premier débat, TF1 choisit d’inviter seulement les cinq candidats les mieux placés dans les sondages. Considéré comme un exercice historique de la vie politique française, les « petits candidats » pointent du doigt cette décision. Coup de com’ et ou indignation, Nicolas Dupont Aignan quitte brusquement le plateau de TF1, le 19 mars, pour protester contre son absence du grand débat organisé par la chaine. Actuellement crédité de 4 à 5 % dans les sondages, l’entourage de François Fillon a peur que celui-ci soit leur « Christianne Taubira de 2002 ».
Ce premier débat est suivi par près de 10 millions de français. Les candidats déroulent leur programme et on assiste à quelque passe d’armes entre les candidats.
Poutou fait le buzz
C’est finalement deux semaines plus tard que les candidats se retrouvent pour un débat à onze. Philippe Poutou, Jacques Cheminade, François Asselineau, Jean Lassalle, Nathalie Arthaud auront, comme les autres candidats, 17 minutes de temps de parole pour faire entendre leur voix.
Ce soir là, c’est Philippe Poutou qui fait parler de lui. Il fustige d’abord François Fillon « Quand on voit un Fillon qui se dit préoccupé par la dette, mais il y pense moins quand il se sert dans les caisses publiques... ». Il s’attaque ensuite à Marine Le Pen : « Nous, quand on est convoqué par la police, on n'a pas d'immunité ouvrière. » Stars des réseaux sociaux d’un soir, avec Jean Lassalle, ils se situent actuellement à 1,5 % dans les sondages.
Les débats et les "petits candidats"