Qui imagine Xavier Bertrand dans le costume du général de Gaulle ? Lui-même, et une bonne partie de ses soutiens. Depuis l’officialisation de sa candidature à la présidentielle ce mercredi soir, ses partisans bruissent : et si c’était lui, l’homme capable de faire la synthèse d’une droite toujours plus éparpillée ? « Je ne souhaite plus m’inscrire dans la logique d’un seul parti. Je ne participerai pas à une primaire », a martelé le président ex-LR des Hauts-de-France dans un entretien au Point, revêtant une posture gaullienne.
« Il faut créer la dynamique de notre camp derrière lui ! »
De quoi enterrer définitivement une primaire à droite ? Pour de nombreux membres des Républicains, elle reste un traumatisme après les affrontements fratricides de 2016. Mais certains la défendent avec vigueur, ou plaident pour un « système de départage », selon l’expression consacrée du président du Sénat Gérard Larcher. C’est le cas de Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR et candidat déclaré à la présidentielle. « Elle aura lieu », a-t-il assuré ce jeudi matin sur Sud Radio. « Dès lors qu’il y aura plusieurs candidats, pour les départager, il faut bien voter. La démocratie, c’est le vote. Il ne faut pas en avoir peur, c’est tout », a-t-il lancé en direction de Xavier Bertrand.
Mais au Sénat, la bourrasque Bertrand fait déjà tourner les têtes. « Il cherche à s’imposer clairement. Il faut créer la dynamique de notre camp derrière lui ! », exhorte Jérôme Bascher, sénateur LR proche de Bertrand comme de Retailleau. « Mais ça ne doit pas empêcher les autres candidats de faire des propositions », démine-t-il tout de même. Et comme d’autres, il se prête à rêver d’une grande union à droite : « Vous voyez l’affiche avec Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Bruno Retailleau ? Ce serait idéal ! » Dans le camp de la présidente de la région Ile-de-France, on maintient l’importance d’une primaire. Si l’annonce de Xavier Bertrand lui « va bien », Roger Karoutchi, proche de Valérie Pécresse, appelle à rester « zen » et estime que le système de départage doit maintenant être rapidement annoncé, « lors des régionales » par exemple. « La primaire est inévitable si la droite ne veut pas être éjectée dès le premier tour [en 2022] », a insisté auprès de Libération l’entourage de la présidente de région.
« Cette annonce ne tue pas la primaire »
D’autant que la droite fourmille de candidats putatifs. Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Michel Barnier… Le deuxième a indiqué mercredi au Parisien qu’il ne comptait pas rester « spectateur en 2022 », quand le troisième dit « préparer un projet alternatif et fédérateur » dans le Dauphiné. Soutien de Michel Barnier, Martine Berthet n’est pas emballée par la candidature Bertrand. « Il prend de vitesse tout le monde. C’est forcément pour couper l’herbe sous le pied de ses adversaires », analyse la sénatrice LR de la Savoie. « Cette annonce ne tue pas la primaire à droite, mais ça vient rebattre les cartes », convient-elle un peu agacée alors que Michel Barnier doit tenir sa première réunion de soutien fin mars. « Michel Barnier fait une réunion le 31 mars, Bertrand avait peut-être l’intention de préempter une annonce ? », soulève un autre parlementaire LR.
Philippe Dominati, sénateur LR de Paris, salue avec force l’initiative du Picard, lui qui n’est pourtant pas « un fan de Bertrand ». « On est en pré-campagne présidentielle. C’est pas mal de le rappeler à l’opinion publique. Et puis on a l’impression que le chef de l’Etat veut choisir sa candidate… » Son parti politique l’exaspère. « Face à l’attentisme des LR, il a raison. Comme ils ne font que perdre du temps, en étant dans des comités Théodule. On a presque l’impression que les LR vont se décider après l’élection présidentielle… », flingue-t-il. Dans les rangs de sa famille politique, beaucoup de parlementaires commencent à s’inquiéter de la percée de Marine Le Pen et de ne pas avoir de figure de proue de la droite gouvernementale.
Le prochain bureau national des Républicains promet d’être agité. « Il y a un paradoxe chez LR », souligne un parlementaire de poids : « Retailleau est le seul candidat encarté au parti, mais la direction fait tout pour l’éviter. Bruno le répète depuis longtemps : ‘Ils ne veulent pas de moi !‘ » L’entourage de Xavier Bertrand reste quant à lui sur ses positions et certifie à Libé : « De toute façon, une primaire serait impossible à organiser. D’abord ça coûte cher. En plus, elle serait rapidement accusée d’invalidité, entre la définition du corps électoral, les recours des candidats, les votes à distance qui laisseront penser qu’on a bourré les urnes… »
Un échec pour Gérard Larcher ?
Refuser d’emblée l’idée d’une primaire serait-il aussi un camouflet pour Gérard Larcher ? Premier parmi les conciliateurs, le sénateur des Yvelines s’était donné pour mission de proposer un système de « départage » à l’ensemble de la droite. La position de Xavier Bertrand semble contrevenir à cette volonté. Et selon Politico, la nouvelle aurait rendu Gérard Larcher « furieux » à la découverte de l’annonce.
« Le président du Sénat est un conciliateur, mais à force vous n’avez plus de ligne politique. Et sur les grands sujets de société, il est toujours d’une neutralité parfaite. Il a beaucoup d’amis mais est peu suivi. Quand il fait une émission, le lendemain, il n’y a pas un geste fort qui marque la droite. C’est quand même le 2e personnage de l’Etat ! Il devrait être le candidat naturel de la droite et c’est naturel pour personne ! », cogne un parlementaire LR.
D’autant qu’à l’écouter, Gérard Larcher songerait lui aussi à 2022. « J’entends ici ou là des sénateurs qui me disent ‘Que penses-tu d’une candidature de Gérard Larcher’ ? Il a toujours eu cette idée et il l’aura encore après la présidentielle », solde-t-il. Gérard Larcher martèle pourtant au fil des entretiens qu’il ne sera pas candidat. Le même parlementaire reprend : « C’est un malin, un roublard, il se dit qu’il pourrait surgir du vide ». Xavier Bertrand a senti qu’il fallait le combler.